«Les marques de sport participent à la tendance du casual» – Libération


Frédéric Godart est sociologue et professeur chercheur à l’Institut européen d’administration des affaires (Insead). Auteur de Sociologie de la mode (1) décrypte les relations entre mode et sport.

Peut-on dire qu’il y a une nette évolution des marques de sport vers des collections plus streetwear que techniques?

L’intérêt des équipements et des marques de sport pour le streetwear n’est pas si récent que ça. Si on prend le tennis, sport à forte dimension sociale, très marqué par les classes supérieures, on voit qu’il existe une forte répétition, avec des marques comme Lacoste ou Fred Perry. Pour séduire, il ne faut pas que ces vêtements soient uniquement dédiés à la technique et à la performance sportive. Le style est important. Lacoste a capitalisé là-dessus et cela s’est diffusé dans le reste de la société. On pratique le sport pour la santé, mais également pour créer du lien social, avec des personnes qui font partie d’un même groupe. Ce lien se crée aussi à travers le vêtement, qui devient un signe de distinction. Plus récemment, on a vu apparaître des éléments en provenance d’autres disciplines, par exemple le mousqueton de l’escalade porté à la ceinture. Il devient alors un accessoire, il est détourné comme l’a été l’épingle à nourrice par les punks.

La tendance du «casual» peut-elle permettre aux marques des lieux du sport de s’imposer dans le vestiaire général?

Avant le Covid, les ventes de costumes étaient en chute libre, et la pandémie a accéléré le mouvement. Le confinement a poussé les fabricants de vêtements de détente et d’intérieur à se renouveler, on l’a vu lors des récents défilés. Les marques de sport participent à cet essor. Il y a l’exemple de LuluLemon, une marque canadienne qui s’est étendue aux Etats-Unis et qui surfe sur la mode du yoga. Ils suivent le mouvement lancé par les gros comme Adidas et Nike. Il s’agit de pièces bien coupées, fonctionnelles, qui permettent de ne pas se changer. Une fois qu’on sera arrivé au fin fond de la décontraction et qu’on aura atteint l’alliance du jogging et des claquettes-chaussettes, peut-être qu’on verra le retour d’un néodandysme.

Que penser de l’arrivée du MMA en France, de son style et de ses symboles?

L’imagerie véhiculée par ces marques est assez frappante, un peu bagarreuse. Elle correspond à l’époque, assez agressive sans l’être réellement. Le MMA est très violent, mais le cadre est maîtrisé, ce n’est pas du combat de rue. Ce sport jouit d’une image assez cool aujourd’hui. On peut retrouver des références à ce sport jusque dans la série Amis avec le milliardaire qui voulait être le meilleur partout, même en combat libre.

(1) Ed. La Découverte, 10 €.

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