Le pape invite le clergé canadien à relever les défis du monde sécularisé


Aux vêpres de la cathédrale Notre-Dame de Québec jeudi, le pape François invite les évêques, le clergé, les religieux et les agents pastoraux du Canada à surmonter les défis qui entravent la proclamation de la joie de la foi et demande pardon pour les abus sexuels de mineurs et personnes vulnérables par certains membres de l’Église.

Par Benedict Mayaki, SJ

Le pape François, jeudi soir – cinquième jour de son Voyage apostolique au Canada – a présidé les vêpres avec les évêques, le clergé, les personnes consacrées, les séminaristes et les agents pastoraux à la basilique Notre-Dame de Québec.

Au cours de son homélie lors de l’événement, le Saint-Père a souligné l’importance de se réunir à la cathédrale de l’Église, dont le premier évêque, saint François de Laval, a ouvert le Séminaire en 1663 et a consacré son ministère à la formation des prêtres.

Il a souligné que les lectures aux vêpres parlent des anciens (prêtres), notant que saint Pierre les a exhortés à s’occuper volontairement du troupeau de Dieu, et ainsi, les pasteurs de l’Église sont invités « à montrer cette même générosité en s’occupant du troupeau, en afin de manifester la sollicitude de Jésus pour tous et sa compassion pour les blessures de chacun.

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

Pasteurs, signe du Christ

La garde du troupeau, a déclaré le pape, doit être faite « avec dévotion et amour tendre » – comme le recommande saint Pierre – en le guidant et en ne le laissant pas s’égarer, car « nous sommes un signe du Christ ». Les pasteurs devraient le faire volontairement, non pas comme un devoir, comme le personnel religieux professionnel ou les fonctionnaires sacrés, mais « avec zèle et avec le cœur d’un berger ».

Le Pape a souligné que les pasteurs eux aussi sont « soignés » par l’amour miséricordieux du Christ et ressentent la proximité de Dieu. Ceci, a-t-il affirmé, est « la source de la joie du ministère et surtout de la joie de la foi ».

Joie chrétienne

« La joie chrétienne est l’expérience d’une paix qui reste dans nos cœurs, même lorsque nous sommes bombardés d’épreuves et d’afflictions », a déclaré le Pape, « car alors nous savons que nous ne sommes pas seuls, mais accompagnés d’un Dieu qui n’est pas indifférent à notre sort.

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

Il a expliqué qu’il ne s’agit pas d’une « joie bon marché » comme le monde le propose parfois, ou d’une richesse, d’un confort et d’une sécurité, mais plutôt, « c’est un don gratuit, la certitude de savoir que nous sommes aimés, soutenus et embrassés par le Christ dans chaque situation de vie. »

« Alors, posons-nous une question : comment allons-nous en matière de joie ? Notre Église exprime-t-elle la joie de l’Évangile ? Existe-t-il une foi dans nos communautés qui puisse attirer par la joie qu’elle communique ?

Menaces à la joie de la foi

Réfléchissant sur la joie de l’Évangile dans nos communautés, le Pape a pointé la sécularisation comme l’un des facteurs qui « menace la joie de la foi et risque ainsi de la diminuer et de compromettre notre vie de chrétiens ».

Il déplore que la sécularisation ait beaucoup affecté le mode de vie des hommes et des femmes contemporains, qui relèguent Dieu au second plan. « Dieu semble avoir disparu de l’horizon, et sa parole n’apparaît plus comme une boussole guidant nos vies, nos décisions fondamentales, nos relations humaines et sociales », a déclaré le Pape.

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

Considérant la culture ambiante, le pape François met en garde contre la « proie du pessimisme ou du ressentiment, passant immédiatement à des jugements négatifs ou à une vaine nostalgie ». Il élabore plutôt deux visions possibles du monde : la « vision négative » et la « vision lucide ».

Opinions négatives ou perspicaces

Le premier point de vue – le négatif – est « souvent né d’une foi qui se sent attaquée et la considère comme une sorte d' »armure », nous défendant contre le monde », a déclaré le pape, ajoutant que ce point de vue se plaint que « le monde est le mal, le péché règne » et risque de se revêtir d’un « esprit de croisade ».

Le pape met en garde contre cela, car ce n’est « pas chrétien » et « pas la voie de Dieu ». Il note que Dieu déteste la mondanité et a une vision positive du monde, bénit notre vie et s’incarne dans des situations historiques pour « faire croître la semence du Royaume dans les lieux où les ténèbres semblent triompher ».

Nous sommes appelés « à avoir une vue semblable à celle de Dieu, qui discerne ce qui est bien et le recherche avec persévérance, le voit et le nourrit. Ce n’est pas une vision naïve, mais une vision qui discerne la réalité», insiste le pape François.

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

Sécularisation et laïcité

Pour affiner notre discernement du monde sécularisé, le Saint-Père recommande de s’inspirer de Paul VI qui voyait dans la sécularisation « l’effort, en soi juste et légitime et nullement incompatible avec la foi ou la religion » pour découvrir les lois régissant la réalité et la vie humaine implanté par le Créateur. Paul VI a également distingué sécularisation et laïcité qui engendre des « nouvelles formes d’athéisme » subtiles et diverses : société de consommation, plaisir érigé en valeur suprême, désir de pouvoir et de domination, discriminations de toutes sortes.

En tant qu’Église et en tant que pasteurs du Peuple de Dieu et agents pastoraux, le Pape dit donc qu’il nous appartient de «faire ces distinctions» et de «faire ce discernement», ajoutant que si nous cédons à la vision négative, nous risquons d’envoyer le mauvais message – comme si la critique de la sécularisation masquait « la nostalgie d’un monde sacralisé, d’une société révolue dans laquelle l’Église et ses ministres avaient plus de pouvoir et de pertinence sociale ».

« Dieu ne veut pas que nous soyons des esclaves, mais des fils et des filles ; il ne veut pas décider à notre place, ni nous opprimer avec un pouvoir sacré, exercé dans un monde régi par des lois religieuses. Non! Il nous a créés pour être libres et il nous demande d’être des personnes mûres et responsables dans la vie et dans la société.

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

La sécularisation : un défi pour notre imaginaire pastoral

La sécularisation, a poursuivi le Pape, « exige que nous réfléchissions aux changements de la société qui ont influencé la manière dont les gens pensent et organisent leur vie » – et non à la pertinence sociale diminuée de l’Église.

Par conséquent, « la sécularisation représente un défi pour notre imaginaire pastoral» et « une occasion de restructurer la vie spirituelle sous de nouvelles formes et de nouvelles façons d’exister ». Ainsi, un regard perspicace « nous motive à développer une nouvelle passion pour l’évangélisation, à chercher de nouveaux langages et formes d’expression, à changer certaines priorités pastorales et à nous concentrer sur l’essentiel ».

Communiquer la joie de la foi

Le pape François poursuit en soulignant l’importance de communiquer l’Évangile et la joie de la foi aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui, insistant sur le fait qu’il s’agit d’une proclamation d’un « témoignage abondant d’amour gratuit » qui doit prendre forme dans « un style de vie personnel et ecclésial qui peut raviver un désir pour le Seigneur, instiller l’espoir et rayonner la confiance et la crédibilité.

Indiquant trois défis qui peuvent façonner la prière et le service pastoral, le Pape a déclaré que le premier est de « faire connaître Jésus » et de revenir à la proclamation initiale, au milieu des déserts spirituels créés par la laïcité et l’indifférence. Il a ajouté que nous devons trouver de nouvelles façons d’annoncer l’Évangile à ceux qui n’ont pas encore rencontré le Christ et cela appelle « une créativité pastorale capable d’atteindre les personnes là où elles vivent, en trouvant des opportunités d’écoute, de dialogue et de rencontre ».

Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec




Vêpres à la Basilique Notre-Dame de Québec

Une occasion de conversion

Le deuxième défi -témoin- dit le Pape, exige que nous soyons crédibles, car l’Evangile est prêché efficacement « lorsque la vie elle-même parle et révèle la liberté qui rend les autres libres, la compassion qui ne demande rien en retour, la miséricorde qui parle en silence du Christ.

Sur cette note, le pape a pensé à l’Église au Canada qui s’est engagée sur une nouvelle voie après avoir été blessée par le mal perpétré par certains de ses fils et filles. Le Saint-Père a également évoqué les scandales d’abus sexuels sur des mineurs et des personnes vulnérables.

« Avec vous, je voudrais une fois de plus demander pardon à toutes les victimes. La douleur et la honte que nous ressentons doivent devenir une occasion de conversion : plus jamais ! … plus jamais la communauté chrétienne ne pourra se laisser contaminer par l’idée qu’une culture est supérieure aux autres, ou qu’il est légitime d’employer des moyens de contraindre les autres.

Pour vaincre la culture de l’exclusion, le pape François préconise que les évêques et les prêtres partent d’eux-mêmes et ne se sentent pas supérieurs à nos frères et sœurs. De même, les agents pastoraux devraient « comprendre le service comme un pouvoir ».

La fraternité, troisième défi, signifie que l’Église sera « un témoin crédible de l’Évangile d’autant plus que ses membres incarneront la communion, créant des opportunités et des situations qui permettent à tous ceux qui abordent la foi de rencontrer une communauté accueillante, capable d’écouter, d’entrer en dialogue. et favoriser des relations de qualité.

« L’Église est appelée à incarner cet amour sans frontières, afin de réaliser le rêve que Dieu a pour l’humanité : que nous soyons tous frères et sœurs.

Vidéo complète des vêpres à la cathédrale Notre-Dame de Québec

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