Le bouleversement des élections législatives complique le calendrier politique de la France


La France patauge dans des eaux inconnues après que le président Emmanuel Macron a perdu sa majorité absolue, avec un bloc d’opposition important mais fragile à gauche et des dizaines de législateurs d’extrême droite faisant irruption à l’Assemblée nationale. Les incertitudes abondent, chaque étape suivante de l’agenda politique étant un point d’éclair potentiel. FRANCE 24 se penche sur la suite.

Tout au long du premier mandat de Macron en tant que président, les partis d’opposition ont réprimandé sa docile majorité absolue à l’Assemblée nationale, comparant ses législateurs à des figurines Playmobil – une armée de bras en plastique fléchis en permanent « Oui! » position, prêt à faire passer le programme politique du président pratiquement sans contestation. Dimanche soir, lorsque tous les votes ont été comptés, beaucoup plus de petits soldats du président avaient été perdus au combat que prévu. Et Macron, à peine deux mois après le début de son deuxième mandat de cinq ans, se retrouve avec la majorité relative la plus étroite de l’histoire politique française moderne et n’a d’autre choix que de gouverner par la constitution d’une coalition.

Selon le décompte officiel, l’alliance de centre-droit Ensemble (Ensemble) de Macron a remporté 245 sièges, soit 44 de moins que les 289 nécessaires pour une majorité absolue. La coalition pan-gauchiste NUPES en a remporté 131, soit le double du total que ses partis individuels détenaient auparavant séparément, bien que des alliés naturels portent ce total à 150, selon une estimation de l’AFP. Le Rassemblement national (Rassemblement national) d’extrême droite a remporté 89 sièges, une montée en flèche par rapport aux huit réclamés en 2017. Et les conservateurs Les Républicains, qui ont immédiatement fait savoir qu’ils étaient heureux de rester opposés au centre droit de Macron, en ont remporté 61.


Macron a invité les dirigeants de toutes les grandes factions parlementaires à l’Elysée mardi et mercredi dans le but de trouver « des solutions constructives au service du peuple français », a expliqué le bureau du président. Les réunions sont les premières entrées inédites dans un calendrier politique français désormais compliqué par la complexité inhabituelle des résultats des élections de dimanche, avec des semaines de négociations à l’horizon.

La semaine du 20 juin : Transitions, décisions et beaucoup de politique

Dès 8 h 30 le matin après le soir des élections, les législateurs fraîchement élus ont commencé à arriver au Palais Bourbon, le siège central de l’Assemblée nationale de la chambre basse à Paris, pour s’inscrire, se faire prendre en photo officielle et récupérer leur député. trousses. Les porte-documents en cuir que chaque législateur reçoit contiennent leur ceinture tricolore d’apparat et le règlement de l’Assemblée nationale. Officiellement, les nouvelles législatures commencent le 22 juin, mais les élus de la région parisienne ont tendance à affluer plus tôt pour entamer les formalités et déposer des commentaires à une presse en attente.

En effet, dès le premier jour d’une semaine chargée de manigances dans les coulisses, chaque faction a commencé à revendiquer, à planter des drapeaux proverbiaux et à tracer des lignes dans le sable via les médias.

La politicaillerie de lundi s’est tournée vers les groupes parlementaires à venir. Les législateurs ont huit jours pour former des groupes officiels, qui apportent des récompenses d’influence (comme le temps de parole sur le sol de la maison), de financement (pour des équipements comme le personnel parlementaire) et d’accès (aux bureaux et installations parlementaires). Le nombre minimum de législateurs requis pour former un groupe est de 15.

Mais le nombre précis de sièges décidé par les résultats de dimanche – et en particulier le nombre étonnamment élevé de 89 du Rassemblement national d’extrême droite – a fait monter les enchères pour former ces groupes, avec les chiffres les plus délicats à gauche.

Non seulement le Rassemblement national d’extrême droite pourra former un groupe parlementaire officiel pour la première fois depuis 1986, mais il pourra également revendiquer le fait d’avoir le plus grand groupe d’opposition unique dans la chambre.

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Les principaux partis de gauche français – l’extrême gauche La France Insoumise (« La France insoumise » ou LFI), le Parti socialiste, les Verts et le Parti communiste français – ont réussi à former une coalition pour se présenter à ces élections législatives sous une même bannière comme la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES). Mais l’accord conclu le mois dernier visait à permettre à chaque parti constituant de conserver son identité – et non de siéger à l’Assemblée nationale comme un seul groupe. Le problème pour le chef du NUPES, Jean-Luc Mélenchon, c’est que son propre LFI, le partenaire le mieux noté de la coalition NUPES, n’a officiellement remporté que 72 sièges, ce qui lui donne la deuxième place dans les rangs de l’opposition, derrière l’extrême droite.

Être le premier groupe d’opposition confère du prestige, ainsi que certains privilèges symboliques et pratiques. Mais le plus gros prix pourrait être un président : par tradition, le plus grand groupe d’opposition a remporté le privilège de présider la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le poste est stratégique en partie parce que le président de la commission établit l’ordre du jour, donnant à tout député de l’opposition déterminé à paralyser la majorité un outil pour le faire. Il confère également des pouvoirs d’enquête, l’accès aux documents fiscaux et aux dépenses publiques étant généralement interdit. La future cheffe de file du groupe parlementaire d’extrême droite, Marine Le Pen, dit vouloir faire pression pour ce poste hautement stratégique.

« Nous demanderons tout ce à quoi nous avons droit, tout ce qui aura été accordé au premier groupe d’opposition à l’Assemblée nationale, donc la présidence de la commission des finances, bien sûr », a déclaré Le Pen aux journalistes lundi dans le nord de la France, où elle a facilement remporté la course pour son siège. « Parce que le groupe que nous avons (…) ne concédera aucun des moyens qui lui sont accordés, par la tradition ou par les règles républicaines, pour défendre le peuple français. »

La position de Le Pen est un casse-tête pour la gauche. Les membres d’un groupe parlementaire n’ont pas besoin d’être issus du même parti, seulement d’être d’accord sur la formation d’un groupe. Et voilà le hic. Mélenchon, citant le fait que « personne n’a vu venir cette situation », a appelé lundi la NUPES à former un groupe unique après tout. Mais en quelques heures, les camarades de gauche de Mélenchon – cadres socialistes, verts et communistes – avaient snobé l’idée.

« La gauche est plurielle. Elle est représentée dans sa diversité à l’Assemblée nationale. C’est une force au service des Français », a répondu la députée socialiste sortante Valérie Rabault dans un tweet. « Vouloir supprimer cette diversité est une erreur et je m’y oppose. »

Quant au comité des finances, le poste convoité de président est allé au plus grand groupe d’opposition par convention depuis 2007 – mais ce n’est pas une règle. Techniquement, cela peut aller à n’importe quel membre de l’opposition. Il y a un vote et la majorité de centre-droit de Macron a clairement indiqué qu’elle aurait son mot à dire. Compte tenu de cette incertitude, certains spécialistes affirment que la NUPES serait de toute façon mieux lotie en tant que quatre groupes distincts, avec plus de financement total et de temps de parole, plutôt que de se combiner en un seul.

Réélu, mais pas de majorité.
Réélu, mais pas de majorité. ©France 24

Non pas que Macron ait le temps de s’amuser avec les dilemmes de l’opposition. En plus de consulter des opposants politiques au palais, le président a ses propres problèmes de personnel à résoudre cette semaine. Son alliance de centre-droit doit élire mercredi son nouveau président de groupe. Le sortant Christophe Castaner, proche allié de Macron, a perdu son siège dimanche soir dans un coup porté au président.

Macron doit également commencer à boucher les trous de son gouvernement vieux d’un mois après que trois ministres du cabinet – la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, la ministre de la Transition écologique Amélie de Montchalin et la secrétaire d’État aux Océans Justine Bénin – ont perdu leurs courses législatives dimanche soir. Par convention, un ministre en exercice qui se présente aux élections et perd doit renoncer à son rôle au sein du cabinet.

Que les résultats de dimanche soir poussent Macron à un remaniement général – y compris l’éviction du Premier ministre Élisabeth Borne – est une question ouverte. Borne a sans doute été minée par le revers législatif du centre-droit bien qu’elle ait elle-même remporté un siège dimanche soir dans le Calvados. Mais lorsqu’elle a présenté sa démission mardi matin, Macron l’a rejetée. Au moins pour l’instant.


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Le calendrier présidentiel de Macron est également serré, ce qui complique les prochaines étapes de son équipe. Le président est attendu à Bruxelles jeudi et vendredi pour une réunion du Conseil européen, avant de se rendre en Allemagne pour un sommet de trois jours du G7 à partir de dimanche, puis à Madrid pour un sommet de trois jours de l’OTAN.

La semaine du 27 juin : Des formalités très politiques

Le mardi 28 juin à 15 heures, le membre le plus âgé de la législature fraîchement élue – en l’occurrence le député du Rassemblement national José Gonzalez, âgé de 79 ans – sera chargé de présider la première séance publique de la 16e législature de l’Assemblée nationale.

Au cours de cette première session, les législateurs sont invités à monter à la tribune pour élire le nouveau président de l’organe (essentiellement le président de la chambre) au scrutin secret. Le travail va naturellement à la force majoritaire dans la chambre, bien que le titulaire n’obtienne pas une autre fissure au travail. L’allié proche de Macron, Richard Ferrand, qui occupait ce poste depuis 2018, a perdu sa candidature à un troisième mandat législatif dimanche soir dans un nouveau coup porté à Macron.

Au plus tard à 18 heures ce même jour, chaque groupe parlementaire officiel doit avoir déposé les noms de tous ses membres, signés par chacun, ainsi que le nom de son président.

Le 29 juin, les 22 membres du bureau de l’Assemblée nationale – son président, six vice-présidents, trois administrateurs financiers et 12 secrétaires – sont nommés à 15 heures. Chacun des nouveaux groupes parlementaires est censé être représenté au sein du bureau, décrit comme une sorte de conseil d’administration pour le fonctionnement de la chambre basse, ce qui rend la course aux positions particulièrement difficile avec tant de groupes à inclure.

Au 30 juin, chacun des 577 législateurs aura rejoint l’une des huit commissions parlementaires (finances, affaires étrangères, affaires sociales, défense, etc.), réparties proportionnellement, et les commissions se réuniront pour élire leurs présidents, vice-présidents et secrétaires – avec tous les yeux sur les votes du comité des finances.

Le 30 juin est également le jour où les groupes parlementaires ont distribué les suites de bureaux et leurs sièges réels dans la salle semi-circulaire de l’Assemblée nationale, chaque groupe jouant du coude pour son emplacement préféré. (Les législateurs sans groupe officiel n’ont pas de chance : ils n’obtiennent pas d’espace de bureau parlementaire et doivent se contenter des pires sièges, dans les rangées à l’arrière.)

Juillet : Au boulot, en théorie

Le calendrier se complique à partir de la première semaine de juillet, en attendant des décisions théoriquement prises au préalable.

En l’état actuel des choses, Borne doit s’adresser à l’assemblée avec la traditionnelle déclaration de politique générale du chef du gouvernement. Idéalement, cette adresse solennelle exige que le cabinet ait déjà été remanié – en remplaçant les perdants des élections législatives et peut-être en ajoutant de nouveaux membres pour modifier la ligne politique du gouvernement en vue du succès au parlement. Cela suppose également que Borne – ou quiconque la remplace au poste de Premier ministre – a renforcé la « majorité de travail » qu’elle s’est engagée à atteindre après les résultats désastreux de la nuit des élections. Les déclarations de politique générale des premiers ministres sont généralement suivies d’un vote de confiance au gouvernement, mais la tenue d’un vote n’est pas obligatoire.

Néanmoins, les poids lourds d’extrême gauche de La France Insoumise ont lancé l’idée d’appeler à une motion de censure contre le gouvernement de Borne le jour même, le 5 juillet, dans le but de la renverser. Dans la législature précédente, les 17 députés de la chambre basse de LFI n’étaient pas suffisants pour exercer seuls ce pouvoir – 58 députés sont nécessaires pour appeler à un vote de défiance – mais dans la nouvelle législature LFI (ainsi que le Rassemblement national d’extrême droite et conservateurs Les Républicains) auront ce pouvoir en main, comme une épée de Damoclès.

Le travail législatif qui sortira de la session de juillet dépendra également de la clarification de la manière dont le gouvernement de centre-droit peut réussir à faire passer ses projets de loi au parlement. Un paquet de mesures sur le pouvoir d’achat – identifié tout au long de la saison électorale 2022 comme la principale préoccupation des électeurs français – devait être discuté lors du conseil des ministres hebdomadaire du 6 juillet et présenté à l’Assemblée nationale le 18 juillet. -19 mesures de prévention – tout comme la variante BA.5 fait à nouveau augmenter les infections en France – devaient faire l’objet d’une discussion au cabinet cette semaine et atteindre le parlement le 11 juillet. La réunion du cabinet de cette semaine a été reportée sine die – pour l’instant, c’est du suspense qui règne en maître.

Élections législatives françaises
Élections législatives françaises © FRANCE 24

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