L’aide humanitaire en tête de l’ordre du jour alors que les talibans rencontrent des responsables occidentaux


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Oslo (AFP) – Les droits de l’homme et la crise humanitaire en Afghanistan, où la faim menace des millions de personnes, seront au centre des discussions qui s’ouvriront dimanche à Oslo entre les talibans, l’Occident et des membres de la société civile afghane.

Lors de leur première visite en Europe depuis leur retour au pouvoir en août, les talibans rencontreront des responsables norvégiens ainsi que des représentants des États-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Union européenne.

La délégation talibane sera conduite par le ministre des Affaires étrangères Amir Khan Mutaqqi.

À l’ordre du jour figureront « la formation d’un système politique représentatif, les réponses aux crises humanitaires et économiques urgentes, les préoccupations sécuritaires et antiterroristes, et les droits de l’homme, en particulier l’éducation des filles et des femmes », a déclaré un responsable du département d’État américain.

Les islamistes extrémistes ont été renversés en 2001 mais ont rapidement repris le pouvoir en août alors que les troupes internationales entamaient leur retrait définitif.

Les talibans espèrent que les pourparlers contribueront à « transformer l’atmosphère de guerre (…) en une situation pacifique », a déclaré samedi à l’AFP le porte-parole du gouvernement, Zabihullah Mujahid.

Aucun pays n’a encore reconnu le gouvernement taliban, et la ministre norvégienne des Affaires étrangères, Anniken Huitfeldt, a souligné que les pourparlers « ne représenteraient pas une légitimation ou une reconnaissance des talibans ».

« Mais nous devons parler aux autorités de facto du pays. Nous ne pouvons pas laisser la situation politique conduire à une catastrophe humanitaire encore pire », a déclaré Huitfeldt.

« Il faut impliquer le gouvernement »

La situation humanitaire en Afghanistan s’est considérablement détériorée depuis le mois d’août.

Les talibans ont été renversés en 2001 mais ont rapidement repris le pouvoir en août
Les talibans ont été renversés en 2001 mais ont rapidement repris le pouvoir en août Mohd RASFANAFP

L’aide internationale, qui finançait environ 80 % du budget afghan, s’est brusquement arrêtée et les États-Unis ont gelé 9,5 milliards de dollars d’actifs à la banque centrale afghane.

Le chômage a grimpé en flèche et les salaires des fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois dans le pays déjà ravagé par plusieurs graves sécheresses.

La faim menace désormais 23 millions d’Afghans, soit 55% de la population, selon l’ONU, qui a besoin cette année de 4,4 milliards de dollars des pays donateurs pour faire face à la crise humanitaire.

« Ce serait une erreur de soumettre le peuple afghan à une punition collective simplement parce que les autorités de facto ne se comportent pas correctement », a réitéré vendredi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Un ancien représentant de l’ONU en Afghanistan, Kai Eide, a déclaré à l’AFP : « Nous ne pouvons pas continuer à distribuer de l’aide en contournant les talibans ».

« Si vous voulez être efficace, vous devez impliquer le gouvernement d’une manière ou d’une autre ».

La communauté internationale attend de voir comment les fondamentalistes islamiques entendent gouverner l’Afghanistan, après avoir largement bafoué les droits de l’homme lors de leur premier passage au pouvoir entre 1996 et 2001.

Alors que les talibans prétendent s’être modernisés, les femmes sont encore largement exclues de l’emploi public et les écoles secondaires pour filles restent largement fermées.

« Apartheid de genre »

Au premier jour des pourparlers d’Oslo qui se tiennent à huis clos, la délégation talibane devrait rencontrer des Afghans de la société civile, dont des femmes leaders et des journalistes.

Les pourparlers en Norvège entre les talibans, l'Occident et les membres de la société civile afghane doivent aborder les droits de l'homme et la crise humanitaire
Les pourparlers en Norvège entre les talibans, l’Occident et les membres de la société civile afghane doivent aborder les droits de l’homme et la crise humanitaire Terje Bendikspar NTB/AFP

Une ancienne ministre afghane des mines et du pétrole qui vit maintenant en Norvège, Nargis Nehan, a déclaré qu’elle avait décliné une invitation à participer.

Elle a déclaré à l’AFP qu’elle craignait que les pourparlers « ne normalisent les talibans et… ne les renforcent, alors qu’il n’y a aucun moyen qu’ils changent ».

« Si nous regardons ce qui s’est passé lors des pourparlers de ces trois dernières années, les talibans continuent d’obtenir ce qu’ils exigent de la communauté internationale et du peuple afghan, mais il n’y a pas une seule chose qu’ils aient apportée de leur côté », a-t-elle déclaré. .

« Quelle garantie y a-t-il cette fois qu’ils tiendront leurs promesses ? a-t-elle demandé, notant que des militantes et des journalistes sont toujours arrêtées.

Davood Moradian, le directeur de l’Institut afghan d’études stratégiques désormais basé en dehors de l’Afghanistan, a quant à lui critiqué l’initiative de paix « à la manière des célébrités » de la Norvège.

« Accueillir un haut responsable des talibans jette un doute sur l’image globale de la Norvège en tant que pays soucieux des droits des femmes, alors que les talibans ont effectivement institué l’apartheid sexuel », a-t-il déclaré.

La Norvège a des antécédents de médiation dans les conflits, notamment au Moyen-Orient, au Sri Lanka et en Colombie.

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