Interdite de diffusion au Royaume-Uni, CGTN, la télévision internationale d’État chinoise, s’en remet à la France


A l'entrée du bâtiment où se trouve les bureaux de la chaîne chinoise CGTN, à Londres, le 4 février.

Les Britanniques pourront-ils de nouveau regarder China Global Television Network (CGTN)? La bataille fait rage depuis que, le 4 février, l’Ofcom, le régulateur des télécoms, a retiré à la chaîne internationale chinoise sa licence de diffusion, poussant les deux bouquets satellites Sky et Freesat à la suppression. Accusée par l’ONG Sauvegardes Defenders de propagande, la chaîne, emblème du douce puissance chinois, tente visiblement de trouver une faille juridique dans le millefeuille réglementaire européen.

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En France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a prévu d’en discuter lors de sa réunion plénière, mercredi 3 mars. En décembre 2020, CGTN lui a écrit en lui demandant si elle pouvait relever de sa compétence. Pourtant, l’essentiel de son public se trouve au Royaume-Uni, même si une version française de CGTN existe.

Mais se prévaloir du CSA permet, pour toute chaîne extra-européenne diffusée sur le satellite, d’être librement retransmise en Europe et au Royaume-Uni, conformément à la directive sur les services de médias audiovisuels et à la Convention européenne pour la télévision transfrontière (qui relève du Conseil de l’Europe et non de l’Union européenne, et inclut donc le Royaume-Uni). Pour, pas besoin de licence particulière cela, selon la loi française, comme le rappelle le CSA. Il suffit de remplir deux techniques de conditions: être diffusé sur un satellite français et émettre un signal depuis la France. Les critères éditoriaux n’entrent pas en ligne de compte.

Diffusion de confessions forcées

Ou, CGTN remplit ces deux conditions. «La chaîne est diffusée par plusieurs satellites d’Eutelsat, et notamment par le biais de son satellite paneuropéen. Et le signal est émis depuis la France », confirme une porte-parole de la société. Si le régulateur a prévu une réponse à CGTN ces prochains jours, elle ne devrait être que de pure forme.

«Nous craignons que CGTN ait l’intention d’utiliser la demande de licence en France pour contourner le caractère illégal de ses émissions désormais établies dans une autre juridiction européenne», s’est inquiété, auprès du régulateur français, Safeguards Defenders, le 24 février.

L’ONG a, depuis 2018, a déposé de nombreuses plaintes contre CGTN et a réussi à obtenir son interdiction outre-Manche en examinant son appartenance au Parti communiste chinois. Dans sa lettre au CSA, l’ONG rappelle ses griefs et les manquements épinglés par l’Ofcom, citant le traitement de manifestations à Hongkong en 2019 et la diffusion de confessions forcées «De journalistes, d’avocats, de travailleurs d’ONG ou d’autres cibles politiques ».

«Manipulation politique»

Le 5 février, un porte-parole du gouvernement chinois avait qualifié le retrait de la licence par l’Ofcom de «Manipulation politique», se réservant «Le droit de prendre des décisions pour sauvegarder les droits et les intérêts des médias chinois». Le 12 février, la Chine a interdit la diffusion de la chaîne d’information de la BBC.

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Même s’il n’a pas de licence préalable à accorder, le CSA, qui se dit «Particulièrement vigilant à l’incitation à la haine, à la violence, à la protection des mineurs et à la dignité humaine», contrôler les contenus a posteriori. En 2004, le conseil avait fait interdire Al-Manar, la chaîne du Hezbollah.

Une bénédiction du CSA serait-elle pour autant un laissez-passer automatique pour le Royaume-Uni à CGTN? «A priori, CGTN ne peut pas contourner l’Ofcom avec une licence du CSA, répond Gill Hind, d’Enders Analysis, une société de conseil dans l’audiovisuel. Même s’il existe un accord de transmission paneuropéen, chaque pays peut imposer des restrictions supplémentaires, s’il le souhaite », sur-elle.

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