«Il faut repenser l’ensemble du système économique international en termes de droits pour les pays pauvres»


Des membres de Médecins sans frontières prennent en charge des habitants de la province de Cabo Delgado, au Mozambique, le 19 février.

La crise du Covid-19, la plus grave crise sanitaire mondiale depuis un siècle, oblige à repenser fondamentalement la notion de solidarité internationale. Au-delà du droit à produire des vaccins et du matériel médical, c’est toute la question du droit des pays pauvres à se développer et à percevoir une partie des recettes fiscales des multinationales et des milliardaires de la planète qui doit être posée. Il faut sortir de la notion néocoloniale d’aide internationale, versée au bon vouloir des pays riches, sous leur contrôle, et passer enfin à une logique de droits.

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Commençons par les vaccins. Certains avancent (imprudemment) que cela ne servirait à rien de lever les droits de propriété sur les brevets, car les pays pauvres seraient incapables de produire les précieuses doses. C’est faux. L’Inde et l’Afrique du Sud ont des capacités importantes de production de vaccins, qui pourraient être étendues, et le matériel médical peut être produit un peu partout. Ce n’est pas pour passer le temps que ces deux pays ont pris la tête d’une coalition d’une centaine de pays pour réclamer à élargir [l’Organisation mondiale du commerce] la levée exceptionnelle de ces droits de propriété. En s’y opposant, les pays riches n’ont pas seulement laissé le champ libre à la Chine et à la Russie: ils ont raté une belle occasion de changer d’époque et de montrer que leur conception duéralisme n’allait pas multilatéral un seul sens. Espérons qu’ils fassent très vite machine arrière.

La France et l’Europe complètement dépassées

Mais au-delà de ce droit à produire, c’est l’ensemble du système économique international qui doit être repensé en termes de droits pour les pays pauvres à se développer et à ne plus se laisser piller par les plus richesses. En particulier, le débat sur la réforme de la fiscalité internationale ne peut pas se réduire à une discussion entre pays riches visant à se partager les bénéfices actuellement localisés dans les paradis fiscaux. C’est tout le problème des projets discutés à l’OCDE [l’Organisation de coopération et de développement économiques]. On envisage que les multinationales fassent une déclaration unique de leurs bénéfices au niveau mondial, ce qui est en soi est une excellente choisie. Mais au moment de répartir cette base fiscale entre pays, on prévoit d’utiliser un mélange de critères (masses salariales et ventes réalisées dans les différents territoires) qui en pratique aboutira à attribuer aux pays richesses plus de 95% des bénéfices réalloués, et à ne laisser que des miettes aux pays pauvres. La seule façon de voir ce désastre annoncé est d’inclure enfin les pays pauvres autour de la table et de répartir les bénéfices en question en fonction de la population (au moins en partie).

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