Faut-il taxer « l’épargne Covid » réalisée par les Français lors de la crise?


Depuis le début de la crise, les Français ont mis 200 milliards d’euros de côté. Une manne indispensable pour la relance, détenue en majorité par les plus aisés. De quoi relancer le débat sur la fiscalité de cette épargne.

200 milliards d’euros: c’est le coût estimé pour les finances publiques françaises de la pandémie de Covid-19 sur les années 2020 et 2021. Ou, si la crise a généré une hausse des dépenses de l’État, elle a également poussé certains Français à épargner davantage, du fait d’une baisse des opportunités de dépenses mais aussi par précaution, alors que le risque de perdre son son s’est accumulé. Une tendance qui perdure, remarque l’Insee: « en janvier, la part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner augmente très fortement », note l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Au total, les Français ont accumulé une somme similaire à celle du trou creusé par le Covid dans les comptes de l’État, pointe Emmanuel Lechypre. Pour le gouvernement, ce bas de laine a un rôle indispensable à jouer dans la relance, et doit être orienté vers la consommation et les investissements. Cependant, il est détenu en majorité par les plus aisés des contribuables, ce qui relance le débat d’une taxe Covid appliquée uniquement à leur épargne.

Cette crise a fait plus d’inégalités que toutes les autres, déclare Emmanuel Lechypre. Sur ces 200 milliards d’épargne, 70% ont été accumulés par les 20% les plus riches. Cette taxation serait très présentable sur un programme de gauche. « 

Pour cela, plusieurs options sont sur la table. Le journaliste économique cite notamment une augmentation de la fiscalité de l’assurance-vie, un retour de l’ISF, un grand emprunt avec souscription obligatoire pour les plus richesses ou encore une contribution exceptionnelle pour ces derniers au niveau européen.

Mais capter cette richesse s’annonce délicat, notez la cheffe économiste du Bureau d’informations et de prévisions économiques (Bipe) Anne-Sophie Alsif, car le patrimoine des Français les plus aisés repose essentiellement sur des actifs immobiliers « qui comprend très peu de valeur ajoutée « . Et la situation actuelle ne favorise pas un rapport vers d’autres types de placements: « on a donc une épargne colossale, mais puisqu’on est dans une situation de crise, on va vers des actifs très sûrs: les obligations de l’État et l’immobilier. Il faut trouver comment orienter cette épargne pour financer l’appareil productif. « 

Rétablir l’ISF?

De fait, la crise du Covid-19 a ravivé les discussions autour du bien-fondé de l’Impôt de solidarité sur la fortune, que le Parti socialiste considère comme un levier essentiel de la contribution des plus riches à l’économie. Mais pour le gouvernement il n’est pas question de compenser le coût du plan de relance par une augmentation des impôts.

Ce n’est pas les impôts qui financeront ces dépenses, a martelé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en mars 2020. C’est la puissance de l’économie française, c’est le retour de la croissance, qui nous permet d’économiser sur le long terme de nous débarrasser de cette dette. « 

Sans en critiquer le principe, la cheffe économiste du Bureau d’informations et de prévisions économiques (Bipe) Anne-Sophie Alsif reconnaît que taxer l’épargne des plus aisées n’est pas aussi simple qu’il paraît.

Plus vous êtes riche, plus votre capital est mobile, note-t-elle. Il est donc très facile de délocaliser ou d’aller ailleurs. « Taxer l’épargne Covid rencontrait ainsi les mêmes écueils que l’ISF.

D’autant que pour Agnès Verdier-Molinié, la tranche de la population qui contribue déjà fortement aux recettes fiscales de l’État.

Les 10% les plus riches sont aussi ceux qui se prennent la casquette fiscale la plus importante. Si vous prenez tous les impôts directs, l’impôt sur le revenu, la taxe foncière, la taxe d’habitation, l’impot sur la succession, l’impôt sur la fortune immobilière etc., vous arrivez au résultat suivant: les 10% les plus richesses payantes plus 50% de l’assiette de l’impôt direct en France », calcule-t-elle.

Miser sur la relance

Pour Anne-Sophie Alsif, cette épargne forcée finira de toute façon par être dépensée et donc par augmenter la consommation. « Les entrepreneurs ont pris en compte qu’on était dans une crise momentanée, conjoncturelle et que ça allait repartir, estime Anne-Sophie Alsif. Les chiffres le disent: à la fin du premier puis du second confinement, l’année dernière, on a vu la reprise au niveau de l’investissement et de la consommation. « 

Jérôme Dedeyan, le président de Mon Partenaire Patrimoine, estime de son côté que le gouvernement est confronté à un choix difficile.

On voudrait qu’une partie de cette épargne aille à la consommation dès qu’on pourra le faire. Et on voudrait en flécher une partie vers de l’investissement productif, un producteur de richesse et d’emploi, c’est-à-dire vers les fonds propres des entreprises. Et vous avez également la masse de dettes que nous coûte le quoi qu’il en coûte. C’est cet arbitrage-là que le gouvernement doit réaliser. « 

Il est pourtant sûr d’une chose choisie: « ce n’est pas en continuant à faire grossir cette masse colossale de prélèvement social, qui pèsent notamment sur ceux qui examinent la richesse et des emplois, qu’on va réussir à relancer le pays « .

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