Dans les coulisses d’une actualité africaine forte cette semaine


Trois semaines après avoir pris le pouvoir par un coup d’État, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est investi président du Burkina Faso par le Conseil constitutionnel. « Je jure devant le peuple burkinabé (…) de préserver, de faire acception, de faire respecter et de défendre la Constitution, l’acte fondamental et les lois ». Par ces mots, vêtu d’un treillis militaire, il prête serment devant le Conseil. La cérémonie est retransmise par la télévision nationale.

Claude Guibal, grand reporter de la rédaction internationale de Radio France et Gilles Gallinaro, technicien de grand reportage à Radio France, rentrent de Ouagadougou.

Gilles Gallinaro et Claude Guibal avec Parfait, leur fixeur au Burkina Faso.  (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Le lieutenant-colonel Damiba, jeune quadragénaire prend le pouvoir le 24 janvier, à Ouagadougou, après deux jours de mutineries dans plusieurs casernes du pays. Il a renversé le président élu, Roch Marc Christian Kaboré. Il lui reproche son impuissance devant la violence djihadiste qui frappe le Burkina depuis près de sept ans.

Fait surprenant, le lieutenant-colonel Damiba était considéré comme un proche du président déchu, qui l’avait nommé à la tête de la région militaire, chargé d’assurer la sécurité de la capitale.

Trois semaines après le coup d'état, Ouagadougou a repris une vie normale.   (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Et paradoxe, dans cette zone de l’Afrique où le sentiment anti-français se développe, le lieutenant-colonel Damiba a été formé en France. Diplômé de l’école militaire de Paris, diplômé de la 24e promotion de l’école de guerre, il a, par ailleurs, suivi les cours du criminologue Alain Bauer, au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Si Barkhane est visible sur le territoire malien, le gouvernement Kaboré camouflait les troupes françaises qui se limitaient à des commandos spéciaux. Depuis le coup d’État, Damiba a ouvertement demandé à Barkhane de mener des opérations militaires à la frontière du Bénin.

En juin 2021, il a publié un essai intitulé : Armées ouest-africaines et terrorisme : Réponses incertaines ? Son constat sur l’état de l’armée face aux djihadistes est alors particulièrement sévère. Il y déplore des armées locales trop faibles, aux « tares rédhibitoires », et des partenaires récompensés « nécessaires » Maïs « cachotiers ».

A Ouagadougou, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba prête serment le 16 février 2022 et devient le nouveau président du Burkina Faso.  (AFP / CABINET PRESIDENTIEL DU BURKINA FASO)

Le lieutenant-colonel Damida devra composer avec le sentiment anti-français présent au Mali, qui considère les régiments présents depuis neuf ans comme une armée d’occupation, mais le malaise est tout aussi profond au Burkina. Comment une armée hautement équipée, capable de sonder les fonds souterrains ne viendrait-elle pas à bout, après presque 10 ans de conflit, de jihadistes en moto ?

Et les réseaux sociaux y vont de leurs refrains complotistes : « Ils arment les jihadistes pour préserver leur présence sécuritaire et assurer la préservation des matières premières pour les intérêts européens ».

La population de Ouagadougou est confiante dans la reprise en main du pays par la junte.   (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Sur le terrain, Claude Guibal et Gilles Gallinaro ont souvent entendu ce flot de critiques. Mais ce qui a marqué les reporters de Radio France, c’est le désenchantement et la pauvreté. Depuis les premiers attentats, les bilans sont lourds. Plus de 2.000 morts et plus d’un millier de personnes contraintes de fuir leurs maisons.

Les cimetières militaires de jeunes soldats tombés dans la lutte antiterroriste s’élargissent d’année en année. Pour quel résultat tous ces corps tombés ? Et quels terroristes combattre ? Les islamistes ou les criminels, qui veulent tracer une voie pour le trafic de drogue et d’êtres humains du golfe de Guinée au nord de l’Afrique ?

Le cimetière militaire de Ouagadougou où reposent plus de 500 jeunes soldats tombés dans la lutte antiterroriste.  (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Le Burkina Faso un ensemble perdu son vivre. Les ethnies et communautés qui partageaient le quotidien du pays se regardaient avec défiance, l’unité est rompue. Plus personne ne se parle et les lignes de fractures fissurent la société.



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