Comment relancer le luxe français à l’international


La France est le premier acteur mondial de la mode et du luxe, ses entreprises réalisant 25% des ventes mondiales du secteur, selon les données du Conseil national de l’industrie. Au total, la filière pèse 154 milliards d’euros et emploie 616.552 personnes. Fortement touchée par la crise, elle se prépare à reconquérir les marchés. Dans ce contexte a été dévoilé jeudi 18 mars le plan de Relance Export pour la filière mode et luxe. L’occasion pour Business France et ses partenaires de décrypter l’évolution des différents marchés à l’international en ce post-2020.

La boutique d’Hermès dans le quartier Tsim Sha Tsui de Hong Kong – Ph Chi Lok Tsang – Unsplash

Avec l’arrêt des flux touristiques, il est devenu crucial pour l’industrie du luxe de vendre ses produits sur place, au sein même des marchés étrangers. A commencer par la Chine, premier pays à être sorti de la crise, et puissance incontournable destinée à devenir le premier débouché pour le luxe en 2025. Pour 2021, l’Empire du Milieu annonce un taux de croissance de 7%. L’e-commerce, qui y représentait 25% du total des achats avant 2020, devrait voir sa part passer à 50%. Alors qu’avant, seuls 8% de ces achats en ligne concernaient les produits haut de gamme, leur part s’élève aujourd’hui à 30%.

Les opportunités sont nombreuses pour les entreprises françaises, encore faut-il bien connaître le terrain et les cultures locales, rappellent les experts des bureaux Business France à l’étranger. Ainsi, les initiatives locales sont particulièrement appréciées en Chine, telles que les collections capsule, les pop-ups, les campagnes ciblées. «Il faut pratiquer le marketing émotionnel en permanence, mais aussi et surtout donner une symbolique chinoise à chaque initiative», souligne Mélanie Gaudin, directrice d’activité – Business France en Chine.

« Compte-tenu de la complexité de la langue, de la culture et d’un système foncièrement différent, qui repose sur les marchés régnant en maître avec Baidu, Alibaba et Tencent, il faut bien comprendre toutes les dynamiques. Les influenceurs peuvent constituer une ambassadeurs, influenceurs professionnels ou autres micro-influenceurs, ils permettent d’intégrer plus rapidement le marché et de donner à la marque des informations plus rapides sur la manière dont réagit le marché « , observe Betty Touzeau, experte du marché digital chinois pour Paris2Beijing.

Cette dernière conseille aux maisons de « se laisser guider par les intermédiaires locaux », certes coûteux, mais très utiles, surtout ne connaît pas la langue. « Le commerce transfrontalier peut permettre de commencer doucement à commercialiser en Chine à raison de quelques milliers d’euros par mois », ajoute-t-elle.

En Asie du sud-est, les ventes en ligne ont connu aussi une véritable explosion. En Océanie, leur part un doublé. Dans cette région, la personnalisation des produits et les exclusivités sont très appréciées, les éditions limitées fonctionnent très bien aussi. Là encore, les influenceurs y sont devenus incontournables et représentent pour les marques une clé d’entrée sur les réseaux sociaux.

Les experts de Business France lors de la conférence – DR

En Asie du nord-est également, les influenceurs sont très importants, tout comme sont conseillés des partenariats avec les artistes locaux. La succès de Paraboot au Japon l’illustre bien. Pour pénétrer ce marché, la marque de chaussures française s’est adressée dès le départ au milieu japonais de la chaussure et à des journalistes spécialisés. En quelques années, le Japon est devenu son principal débouché à l’étranger.

« Nous avons monté une société commune avec un partenaire, fan de Paraboot, en mettant ensuite en acte une stratégie de presse et relations publiques auprès de tous les acteurs de la chaussure au Japon, producteurs, créateurs et autres. secteur a très bien fonctionné », raconte le directeur général de la marque, Eric Forestier.

« Japon, Corée et Taiwan ont le pouvoir d’achat le plus important d’Asie avec un panier moyen de 1.000 euros par un dépensé en biens de luxe, soit près du double par rapport à la France. ‘expériences et avides de narration. Le grand magasin Hyundai Seoul, par exemple, qui vient d’ouvrir en Corée du Sud, consacre 50% de sa superficie à l’expérience « , indique Jérôme Julliand, le directeur d’activité de Business France pour l’Asie du nord- est, tout en rappelant que « l’erreur est mal perçue ici. Il est très important de bien se préparer avant de s’attaquer à la région « .

Reprise de la consommation en Europe de l’Est

L’Europe de l’Est n’est pas en reste. Comme le souligne François Matraire, directeur d’activité Business France pour l’Europe centrale et orientale, « la crise a été moins forte par rapport à l’Europe de l’Ouest et, depuis cet été, la consommation est en forte reprise. Mais le fabriqué en La France ne suffit pas. Il faut bien cibler les besoins et préparer son arrivée. Il y a des opportunités sur le marché de l’enfant « .

En Amérique du Nord, la situation commence à se stabiliser avec les vaccinations, qui touche désormais 20% de la population. « Millenials et Gen Z sont les principales cibles à atteindre pour les marques. De fait, 60% des consommateurs nord-américains se disent influencés par les réseaux sociaux dans leurs achats de mode. Le tenue de sport est le segment le plus dynamique. Parmi les marchés émergents, celui de la seconde main et celui de la mode durable ont le vent en poupe « , expose le directeur d’activité – Business France pour la région, Jean-François Goumy, tout en conseillant aux candidats à l’export aux États-Unis d’avoir « une logistique impeccable et une présence locale ».

Le magasin Louis Vuitton à Pékin – ph Henry Chen -Unsplash

« Il est indispensable d’avoir des personnes sur place. C’est avec elles que vous allez appliquer le business plan », enchérit Bassam Azakir, le PDG du joaillier et diamantaire français Korloff. « Nous sommes arrivés en Chine en plein Covid en prenant pour partenaire le groupe Groenland avec un plan préparé en amont. le marché, mais pour faire du business « , poursuit-il.

Pour Benjamin Pincemaille, qui a fondé avec la créatrice Tammy Lo, la marque de maroquinerie Tammy & Benjamin, le nerf de la guerre à l’export, « c’est la production, afin de pouvoir sortir beaucoup de produits ciblés avec des petits volumes « . L’autre élément crucial est constitué par une gestion optimale des réseaux sociaux. « Via un travail de l’image de marque et une bonne connaissance du marché, nous essayons de nous poser avec une image assez forte sur les réseaux sociaux afin que les distributeurs viennent à nous « , explique le responsable du développement et partenariats du jeune label.

Directeur général de l’Association internationale des grands magasins, Selvane Mohandas du Ménil va dans le même sens, en prônant pour les grands magasins et les marques, la création « d’un système numérique », où tout doit désormais être intégré. « Demain, on ne pourra plus se contenter de vendre simplement des produits, mais on s’adressera à une communauté », dit-il.

« Les réseaux sociaux, c’est le miracle. Ce sont de nouveaux outils, qui permettent de conjuguer la communication locale et globale en juxtaposant deux types d’actions, l’une organique, à travers les points de contact de la marque, et l «autre locale avec des actions sponsorisées et ciblées», note le consultant Thomas Delattre. « Cela ne s’improvise pas », met-il en garde. « Il faut une très bonne connaissance de ses cibles et de leur parcours client, soit un grand travail de préparation, des compétences et de la modestie ».

« La concurrence est rude. D’où l’importance d’une bonne communication. Il faut faire la différence en se présentant pertinente et légitime. Les marques sont devenues moins attractives par rapport aux influenceurs. Le social commerce est le fruit de la rencontre. entre le client et la marque, grâce aux influenceurs », glisse Thomas Delattre. « Les marques ne doivent plus parler d’elles, mais faire parler d’elles », présente Agathe Nicolle, la fondatrice de l’agence d’influence WOÔ.

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