​Afrique: l’industrie textile menacée par les importations illégales chinoises


Les syndicats africains du secteur textile ont tenu le 9 juillet une conférence en ligne dédiée à la relance de la filière locale où les échanges ont notamment mis en cause le problème persistant qu’est la concurrence déclenchée localement par des importations illégales d’habillement venant de Échine. Un écueil qui, à l’occasion de la crise sanitaire, devient particulièrement destructeur de nombre d’entreprises.

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La situation toucherait particulièrement le Nigéria, l’Ouganda et le Ghana. Dans ce dernier, le Syndicat des travailleurs de l’industrie et du commerce (ICU) rapporte que seules subsistent désormais ainsi quatre grandes usines textiles, contre la trentaine qui étaient récemment parvenus à se développer dans le pays. C’est surtout le savoir-faire des filateurs locaux, qui alimentaient les tisseurs d’Afrique sub-saharienne, qui aurait le plus pâti de la multiplication des importations chinoises frauduleuses.

« Les clients qui dominent l’industrie textile ont changé de camp et ont commencé à s’approvisionner par le biais d’importations de textiles chinois de qualité inférieure et bon marché », explique ainsi le secrétaire général de l’ICU, Solomon Kotei, « Ce qui a brisé l’échine de l’industrie textile, c’est que les Chinois ont piraté les motifs des fabricants de textiles ghanéens, notamment Tex Styles Ghana Limited, ont imprimé des motifs de qualité inférieure et ont inondé le marché ghanéen du textile à des prix plus bas.

Du côté du Nigéria, l’industrie textile profite de la politique de soutien voulue par l’État pour le secteur CTC (coton, textile et confection). Celle-ci passe notamment par des appels d’offre réservés aux entreprises locales pour la production d’uniformes à destination de l’armée, de la police et de la marine. Des dispositifs qui accompagnent une politique de la culture du coton, et n’ont pas pour objectif d’encourager une montée en qualité des variétés produites.

Des efforts qui viennent cependant se heurter à la masse des importations illégales et des contrebandes de produits à travers le pays. L’insécurité dans certaines zones du Nigéria rendrait par ailleurs d’autant plus problématique la corruption, rapporte le groupement IndustriAll, qui représente 50 millions de travailleurs officiant dans les mines, l’énergie et la fabrication dans 140 pays.

Avant la crise, seules 5,8% des importations d’habillement européennes ne venaient pas d’Asie ou du pourtour méditerranéen, avec pour 5,1 milliards d’euros de marchandises sur l’exercice 2019 (chiffres IFM). Le pourcentage est porté à 13% du côté des importations textiles européennes, et l’Afrique du Sud s’offrait le 19e rang des fournisseurs de l’UE, avec 186 milliards d’euros de matériaux (+3%). L’Afrique du Sud a toujours connu en 2020 une chute de 22% de ses exportations textiles vers l’Europe. Nouveau contrecoup pour une industrie locale déjà éprouvée.

L’Afrique, toujours un eldorado du textile à bas coûts ?

Le cas des importations illégales d’habillement venant de Chine est d’autant plus épineux et ironique que l’Afrique est de longue date conçue par la filière comme la prochaine destination de production à bas coûts. Attirant ainsi de nombreux investisseurs chinois. L’une des dernières illustrations les plus récentes et massives de cette réalité était en mars 2019 la signature par les groupes Fung et Ruyi d’un partenariat stratégique visant à réalisé de concert « l’un des plus gros écosystèmes transversaux du textile-habillement au monde », avec l’Afrique dans le collimateur.

Une usine textile à Addis-Abeba – Shutterstock.com

« L’Afrique est un marché important pour nous et nous ne pouvons qu’avec le partenaire qu’il faut, Fung Group, et son réseau étendu de fournisseurs, marques et détaillants, nous pourrons accélérer le développement de notre activité sur place, expliquait alors le directeur de Ruyi, Yafu Qiu. Ce partenariat nous permet de créer là la plus grosse et la plus compréhensible des activités verticalement intégrées du textile-habillement ».

L’Ethiopie est généralement le pays le plus cité lorsque l’on parle de la production textile d’Afrique sub-saharienne. Et pour cause, les salariés textiles y ont les moins payés au monde, selon une étude publiée en 2019 par le Centre Stern pour les affaires et les droits de l’homme de l’université de New York. Les travailleurs locaux y gagneraient l’équivalent de 26 dollars par mois, contre 95 dollars au Bangladesh et en Birmanie, selon le document.

Stern pointait que ce cours aux bas salaires nuisait au final à la productivité, qui peut varier de 25 à 75% selon les sites, où des investisseurs étrangers comme l’américain PVH et l’indien Arvind créent des chocs de cultures entre leurs concepts de production et la réalité de la main d’œuvre locale. Comme le relève l’ONG britannique Entreprise Community Partners, ce sont les managers eux-mêmes qui désignent la grande pauvreté de leurs employés comme le premier frein à la production.

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