Zemmour, symptôme du malaise politique français


Zemmour, symptôme du malaise politique français

Zemmour, symptôme du malaise politique français
Un panneau publicitaire à l’effigie du candidat à l’élection présidentielle française Eric Zemmour. (Reuters)

Les employeurs français « ont le droit de refuser les Arabes ou les Noirs » et « tous les musulmans, qu’ils le disent ou non, considèrent (les terroristes islamistes) comme de ‘bons musulmans' » site Web de droite, ce sont les déclarations publiques pour lesquelles l’espoir présidentiel français Eric Zemmour a déjà été condamné. La semaine dernière, il a de nouveau été reconnu coupable par un tribunal de Paris d’incitation à la haine raciale lors d’une apparition télévisée en septembre 2020. La dernière décision a été significative dans la mesure où ses propos ont été jugés avoir « franchi les limites de la liberté d’expression ».
À l’approche d’une élection qui sera gagnée ou perdue sur la base de la politique de l’identité, la décision du tribunal – et le fait que deux brandons racistes figurent parmi les principaux candidats – est révélatrice des directions opposées dans lesquelles la France est entraînée.
Il y a sept ans, par un froid week-end de janvier, 17 personnes ont été assassinées à Paris. Cet acte a stupéfié la France et l’Europe dans son ensemble et a été accueilli par des marches de masse et d’autres manifestations publiques d’unité. L’attentat terroriste odieux était une réponse aux caricatures provocatrices du prophète Mahomet publiées par le magazine Charlie Hebdo. Par la suite, « Je suis Charlie » (Je suis Charlie) est devenu un cri de ralliement pour ceux qui considéraient les collaborateurs du magazine comme des martyrs dans la défense de la liberté d’expression. Le tribunal de première instance de Paris et la cour d’appel de Paris avaient auparavant déclaré non coupable de diffamation en relation avec la publication des caricatures l’éditeur du magazine, poursuivi par diverses organisations musulmanes.
Le rédacteur en chef du magazine controversé, Gérard Biard, a par la suite appelé à une laïcité totale en France. Et la publication a été sans équivoque en communiquant son droit de publier du matériel incitatif, enhardissant des gens comme Zemmour à désigner les communautés d’immigrés comme la source des malheurs de la France.
En mai dernier, un tribunal français a acquitté la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen et un collègue du parti pour avoir enfreint les lois sur les discours de haine, invoquant la liberté d’expression. La décision de la semaine dernière a donc été capitale en ce qu’elle a marqué un changement d’attitude de la justice française face à des commentaires de plus en plus controversés qui cherchent délibérément à tirer sur les coutures de la société française.
Suite aux attentats de 2015, Biard a rejeté les accusations de racisme, d’islamophobie et de provocation des musulmans par Charlie Hebdo. Sa position annonçait une radicalisation croissante de la droite française qui est caractérisée par Zemmour. Lors de son récent procès, les procureurs ont fait valoir qu’en qualifiant les jeunes immigrés pakistanais de « voleurs, meurtriers et violeurs », les commentaires de Zemmour étaient « méprisants » et « scandaleux » et que « les limites de la liberté d’expression ont été franchies ».
L’avocat de Zemmour, Olivier Pardo, a qualifié le verdict d' »idéologique et stupide », affirmant qu’il était contraire à la liberté d’expression et au débat démocratique. Ces remarques prévisibles ont ignoré des éléments clés du verdict de Charlie Hebdo, qui – bien qu’ignorés à l’époque – en sont venus à influencer considérablement la réflexion sur la liberté d’expression.

Les électeurs français doivent montrer leur désapprobation d’un tel sensationnalisme dominant.

Zaid M. Belbagi

Bien que les tribunaux aient déclaré le rédacteur en chef du magazine non coupable de diffamation publique contre un groupe de personnes sur la base de leur religion, ils ont examiné si les abus allégués pouvaient être tolérés au nom de la liberté d’expression par rapport à un double critère : premièrement, un équilibre entre l’exercice des libertés et des droits en cause et, deuxièmement, la nature et la définition de l’infraction en cause. La cour a conclu que la liberté d’expression peut être restreinte si « elle est exercée d’une manière qui est gratuitement offensante pour autrui sans contribuer de quelque manière que ce soit à un débat public susceptible d’encourager le progrès de l’humanité ».
Ceux de la droite française à qui le procès de Charlie Hebdo a offert carte blanche pour attaquer publiquement la population musulmane de France n’ont pas réalisé que le jugement fournissait en fait un précédent important pour les restrictions à la liberté d’expression. Ces contrôles ont été confirmés dans le cadre du dernier verdict de Zemmour.
Ce qui est plus troublant, c’est la façon dont Zemmour se présente à la présidence d’un pays qui est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et l’une des plus anciennes démocraties du monde. Sa candidature est symptomatique d’un malaise plus large dans la politique française, qui est la prévalence croissante de la politique identitaire sur les politiques inclusives à long terme dont la France a besoin. Zemmour fait maintenant face à une autre contestation judiciaire concernant les commentaires qu’il a faits pour défendre le gouvernement français de Vichy allié aux nazis. Les électeurs français doivent montrer leur désapprobation d’un tel sensationnalisme dominant dans leur politique et s’assurer que Zemmour est tenu à une certaine distance de l’Elysée.

  • Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller de clients privés entre Londres et le CCG. Twitter : @Moulay_Zaid

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