VivaTech : trois entrepreneurs hors des sentiers battus


Qui sont les créateurs de start-up ? Dans la revue Travail et emploi de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en 2019, la chercheuse Marion Flécher dressait leur profil. 80 % de l’échantillon de 501 répondants ont un niveau bac + 5 ou plus, 21 % sont issus d’écoles d’ingénieurs et 35 % d’écoles de commerce. 83 % déclaraient avoir monté leur start-up par goût d’entreprendre. Une envie partagée par nos trois témoins attendus au salon VivaTech (du 16 au 19 juin) : le constructeur d’une voiture de luxe à hydrogène, une entrepreneuse qui explique la blockchain avec des Lego, un pilote d’avion solaire.

Olivier Lombard, le pilote automobile converti à l’hydrogène

Olivier Lombard a toujours eu la « fibre entrepreneuriale, l’envie de créer quelque chose ». Comme son arrière-grand-père, entrepreneur dans le monde du spectacle. Et comme Elon Musk, le fondateur de Tesla et de SpaceX, qu’il aime citer comme modèle, « parce qu’il a prouvé qu’on pouvait réussir un projet ambitieux en partant de pas grand-chose ». Alors quand l’occasion s’est présentée à lui, il n’a pas hésité une seconde à foncer.

À tout juste 30 ans, cet ancien pilote automobile est à la tête d’Hopium, une start-up qu’il a en créée 2019 pour concevoir « la première voiture haut de gamme roulant à l’hydrogène ». Son objectif est de commercialiser un modèle en 2025. Un véritable défi que le jeune Francilien, originaire de Poissy (Yvelines), s’est fixé au hasard de son parcours.

Vainqueur des 24 heures du Mans en 2011, Olivier Lombard est sollicité par le laboratoire suisse Green GT, qui travaille sur la conception d’une voiture de compétition à hydrogène. Il devient pilote de développement. « Je teste les performances sur piste pour que les ingénieurs puissent adapter les réglages », explique ce sportif accompli qui se passionne très vite pour ce nouveau carburant. Pendentif 7 ans, il sera le seul à conduire ce bolide « propre ». Alors, quand d’autres constructeurs investissent le marché balbutiant des véhicules à hydrogène, il imagine tout de suite le rôle qu’il peut y jouer. « J’avais la vision de la marque que je voulais créer », raconte-t-il.

Olivier Lombard esquisse les contours d’un véhicule élégant, beaucoup plus « performant et séduisant esthétiquement » que ceux déjà existants. Il fait appel à Félix Godard, un designer qui a travaillé pour Porsche ou Tesla, et recrute une vingtaine d’ingénieurs en France et en Allemagne grâce à plusieurs levées de fonds pour un total de 7,3 millions d’euros.

Sa berline, qui devrait être commercialisée autour de 120 000 euros, est aussi conçue pour séduire les amateurs de technologie « avec un mix de services, de type gaming (jeu) » et « l’utilisation de la blockchain pour assurer la traçabilité des données : propriétaires, empreinte carbone… ».

Il voit grand, et loin. Du chemin reste à parcourir… mais son projet avance. Chaque jour, Olivier Lombard se rend dans les ateliers de Montlhéry (Essonne) pour vérifier les derniers réglages d’Alpha 0, le premier prototype roulant qu’il va dévoiler le 17 juin dans le VIIIe arrondissement parisien. Le startupper salue le travail de ses équipes qui ont sorti ce prototype en « 6-7 mois, une très belle performance ». En attendant peut-être d’aller toucher les étoiles comme Elon Musk, il garde les pieds sur terre.

En ligne sur le site de VivaTech. Inscriptions ouvertes pour le prototype exposé le 17 juin à Paris.

Laure Merlin explique la blockchain par les Lego

Aujourd’hui âgée de 48 ans, elle est devenue entrepreneuse sur le tard. Avec Laure Merlin, on est loin du stéréotype de la startupeuse sortie d’école de commerce. En enseignant des études littéraires – Hypokhâgne, puis fac de philosophie – elle voulait plutôt devenir écrivain ou psychanalyste. La vie communautaire dans un squat d’artistes parisiens l’emporte dans un premier temps. Sa fascination pour cet univers « déjanté, underground, avec une diversité de profils » est telle qu’elle lâche aussitôt son premier poste de chargée de communication dans une petite maison d’édition et le salaire qui va avec pour peindre. « Je ne vendais rien et vivais du RMI », se souvient-elle.

Laure Merlin, fondatrice de Playmytech, vulgarise le fonctionnement des technologies complexes au moyen de Legos.
Laure Merlin, fondatrice de Playmytech, vulgarise le fonctionnement des technologies complexes au moyen de Legos. Sébastien Salom-Gomis

Après deux ans de cette vie à part et grâce à un peu d’argent gagné en aidant un auteur, Laure part à 29 ans en Éthiopie. Au lieu d’y passé deux mois, elle y vit deux ans et revient en France. Son mari travaille, Laure préfère se plonger dans les livres et la nature. La naissance de ses deux enfants est un déclic. Elle comprend que le monde du travail a changé, celui de la technologie aussi, que leur « impact peut être généreux ».

« Mon temps est venu », se dit-elle à 39 ans, quand elle découvre la blockchain et les cryptomonnaies. Selon elle, ce qui se passe est aussi fort que l’arrivée du Web. Divorcée, et vivant à Nantes (Loire-Atlantique), Laure se fait une place dans cet écosystème, travaille dans une start-up, rencontre une nouvelle communauté… Lego, à l’occasion de l’inauguration d’un incubateur, est un succès.

« Pour ce sujet, le langage n’est pas approprié, explique-t-elle. C’est comme pour le tango. Dire de mettre un pied à gauche et à droite fonctionne moins que de vous tenir dans les bras pour montrer les bons pas. Initier et rendre digeste une technologie dans une entreprise engage tous les collaborateurs. » Telles sont les briques de sa start-up Playmytech, déclenchées en février 2020 à destination des entreprises concernées par des problématiques de traçabilité et « ne voulant pas rater la coche de la blockchain ». Le timing ne joue pas en sa faveur car, à chaque confinement, les clients potentiels arrêtent tout. « Mes ateliers sur-mesure se font en personne, cela ne peut pas être digitalisé », insiste-t-elle, forcée de mettre alors « son entreprise sur pause ».

Membre du programme Femmes entrepreneuses d’Orange, elle compte sur VivaTech pour relancer la machine, retrouver des clients et un ou une associée. Avec pour rêve de convaincre l’Assemblée nationale et les services de l’État des implications possibles de la blockchain.

Visible à VivaTech sur le stand Orange, emplacement H10-044, vendredi 18 juin.

Raphaël Domjan, l’ambulancier devenu éco-aventurier

Sa prise de conscience du changement climatique date de l’été 2004. « Je suis retourné en Islande, là où j’avais mis les pieds une première fois en 1993, sur les traces de Nicolas Hulot, raconte l’éco-aventurier Raphaël Domjan . En seulement onze ans, le glacier avait reculé de trois kilomètres. Pour moi, ça a été un choc. » Depuis, cet ingénieur né à Neuchâtel (Suisse) en 1972 parcourt la planète pour promouvoir l’énergie solaire, initiant les défis les plus fous.

Après une brève carrière de mécanicien moto, le jeune Suisse avait suivi une double formation, d’ingénieur et d’ambulancier. En 2003, il crée avec son frère le premier hébergeur web fonctionnant à l’énergie solaire dont il « tombe amoureux ».

Raphaël Domjan prépare le premier vol avec un avion solaire habité dans la stratosphère.
Raphaël Domjan prépare le premier vol avec un avion solaire habité dans la stratosphère. LP/Olivier Arandel

« C’est l’énergie renouvelable la plus disponible, répartie la plus équitablement et la moins chère au monde », justifie celui qui a réussi à mobiliser les meilleurs cerveaux et les plus riches investisseurs pour mener à bien ses projets. « Il faut savoir à la fois vendre du rêve et avoir un projet suffisamment pragmatique », confie l’initiateur de PlanetSolar. Ce grand catamaran solaire lui a permis de faire le tour du monde entre 2010 et 2012, avec le soutien, entre autres, de la fondation du Prince Albert de Monaco. En 2015, il repart en mer, sur les eaux glacées de l’Arctique, avec un kayak équipé de panneaux solaires…

Après l’eau, l’air. L’explorateur prépare aujourd’hui le premier vol avec un avion solaire habité dans la stratosphère. C’est le projet SolarStratos, une mission de six heures : trois heures de montée, un quart d’heure à plus de 15 km du sol, trois heures de redescente vers la terre. Un projet plein d’audace, mené via une start-up.

Raphaël Domjan confiait, il y a quelques années, que ses parents lui avaient inculqué « une liberté totale pour réaliser [ses] rêves », ce qui l’avait poussé à oser tout entreprendre. « Il faut être capable aussi de partager ses rêves pour embarquer une équipe, la faire adhérer à une aventure », confie le fondateur qui a déjà effectué 40 heures de vol à bord de son avion solaire.

La mission, qui doit aboutir en 2023, a connu quelques soucis techniques : « On a refait le système électrique, cassé des ailes… », raconte le pilote. Mais ces retards – la pandémie est aussi passée par là – n’ont pas entaché son optimisme, ni découragé les financiers. « Hormis une société familiale vendue à des investisseurs, aucun partenaire ne nous a lâchés, se félicite-t-il. Nous avons même signé un nouveau contrat avec la maison horlogère Longines. Sur la première ligne du contrat, on s’engage à tout faire pour réussir… pas à réussir. »

Le projet SolarStratos est à découvrir à VivaTech les 16, 17 et 18 juin salle 1, stand H21.

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