une girondine remporte un concours d’écriture international lié au « monde d’après » la pandémie


Avant de présenter plus en détails le conte qui a participé à ce concours, il faut d’abord parler du collectif qui l’a ortganisé.

Sororistas: qui êtes vous?

Sororistas est un collectif féminin, né durant le premier confinement suite au constat que les femmes, sous-représentées dans les médias et bousculées elles aussi par la crise du coronavirus, avait plus que jamais, un rôle à jouer dans la transformation du monde.

Un concours d’écriture: pourquoi?

«Les femmes écrivent le monde de demain» est un concours international d’écriture destiné à donner la parole aux femmes de la francophonie et à rendre visible leurs idées. Il est organisé par les Sororistas, un collectif engagé pour la juste place des femmes, elles leur proposent d’écrire un court texte de 5 pages maximum en se projetant mentalement à la fin de la décennie des années 2020.

Une initiative qui a dépassé toutes ses attentes

Le projet a mobilisé un collectif de plus de 150 femmes. Avoir imaginé ce concours, bien plus qu’un succès, a révélé une véritable adhésion de la part des nombreuses participantes.

Près de 600 textes et récits ont été envoyés par le monde: de France, bien sûr mais également d’Australie, de Bolivie, des Etats-unis, du Canada, du Cameroun, du Bénin et d’Haïti.

Vingt-sept pour cent des autrices, jamais écrit dans un cadre professionnel et les organisatrices sont ravies d’avoir peut-être suscité des vocations.

Une lauréate 100% girondine

«Covid contre Goliath» est un conte éco-féministe poignant, reflet du parcours de son autrice, Laura Carpentier-Goffre.

Ne vous fiez pas à son air juvénile, Laura Carpentier-Goffre est une femme aux multiples facettes:

doctoresse en sociologie politique, conteuse, animatrice d’éducation populaire et apprentie thérapeute. Dans le cadre de son cursus à Sciences Po, cette jeune trentenaire, qui habite à Saint-Médard-en-Jalles en gironde, a soutenu une thèse en décembre dernier sur le thème du travail domestique et des violences sexuelles en Bolivie et au Pérou.

C’est sa volonté de «remettre le monde à l’endroit avec des mots» qui l’a poussée à participer au concours Sororistas, avec un texte poignant, porteur des valeurs écoféministes qui lui sont chères, baptisé «Covid contre Goliath». Raconté à la manière d’un conte, le David du combat biblique devient ici une femelle pangolin courageuse, baptisée Padmiri, qui décide de ne plus avoir peur des «Sur-Deux-Pattes».

J’espère que la crise sanitaire que nous traversons depuis un an maintenant va nous pousser à repenser notre manière à nous, les humains, de cohabiter, d’une part, entre les femmes et les hommes, mais aussi avec les autres espèces qui peuplent notre Terre.

Laura Carpentier-Goffre autrice

via GIPHY

Outre la qualité de son récit, son texte a été salué par les membres du jury pour l’utilisation d’une écriture non sexiste, tout particulièrement par Eliane Viennot, ainsi que par Noémie de Lattre, deux personnalités très engagées sur ce sujet du langage égalitaire.

Laura Carpentier-Goffre entourée de deux des organisatrices du concours: Sarah Neuman et Emmanuelle Durand-Rodriguez

Laura Carpentier-Goffre entourée de deux des organisatrices du concours: Sarah Neuman et Emmanuelle Durand-Rodriguez

© Lydie lecarpentier

Extrait du conte « Covid contre Goliath »

«Mémé, Mémé! Raconte-nous l’histoire de Padmiri! », S’exclamèrent en chœur les bambines et les bambins, les yeux pétillants. Les enfants · es, bien sûrs, connaissaient par cœur l’histoire de Padmiri, car la coutume voulait qu’on la raconte, avec toute la communauté réunie, à chaque solstice depuis la Vraievolution. Awashenq’ur, gardienne de la Sagesse du clan, ne put résister à l’enthousiasme des petits · es, et entama donc une nouvelle fois son récit:

«Il y a de cela bien longtemps, notre peuple était persécuté. Nous ignorions pourquoi les nôtres disparaissaient les unes et les uns après les autres. Tout ce que nous savions, c’est que les sauvages sur deux pattes ont régulièrement des ra es et semaient des pièges un peu partout dans la forêt. Notre population déclinait de lune en lune, de nuit en nuit. La peur était devenue l’air que nous respirions. Lorsque l’un ou l’une d’entre nous disparaissait, on disait que c’était de sa faute, qu’elle ou il aurait pas dû s’aventurer aussi près de la frontière du territoire des Sur-Deux-Pattes , qu’elle ou il s’était paré d’une carapace trop chatoyante…

Puis, c’était la chape de plomb, on ne mentionnait plus jamais son nom. Nous semblions voué · es à disparaître, roulé · es en boule sur nous-mêmes, recroquevillé · es sur nos corps et nos esprits tremblotants… Jusqu’à la naissance de Padmiri (…)

Le conte, un art traditionnel et populaire

En fait, lorsque ses recherches ont été amenée à passer plusieurs mois en Bolivie et au Pérou Laura Carpentier-Goffre a côtoyé des féministes, des éco-féministes, des féministes communautaires, et ya découvert l’art du conte tel que pratiqué en Amérique Latine.

«Une tradition, un moment de partage qui intéresse la communauté, enfants et adultes, autour d’histoires, qui témoignent du passé mais également des aspirations communes pour changer le monde. »

Laura Carpentier-Goffre

Ces rencontres ont nourri son imaginaire, et dès 2014, elle a commencé à écrire des contes.

En parallèle de sa thèse, mue par une volonté de ne pas «seulement» être une chercheuse, agir dans le domaine de l’éducation populaire, elle a monté en 2015 une compagnie de théâtre, baptisée «Les Culottées du bocal». Basée à Paris mais intervenant dans la France entière, cette association propose des spectacles et des ateliers sur les violences sexistes et sexuelles, pour adultes (notamment en entreprise) mais également pour les enfants, dans le cadre scolaire.

En 2018, Laura Carpentier-Goffre a également pris part au livre «Contes qui guérissent, contes qui aguerrissent», réunissant trois récits autour du thème de la sororité. Un ouvrage collectif, écrit avec 2 autres autrices et la contribution de 3 illustratrices. Un second tome, centré sur un seul conte, est sorti en décembre dernier. L’impression de ces deux ouvrages, qui sont disponibles dans les librairies parisiennes Publico et Quilombo, a été rendue possible grâce à des campagnes de crowdfunding.

«Contes qui guérissent, contes qui aguerrissent», réunissant trois récits autour du thème de la sororité.

«Contes qui guérissent, contes qui aguerrissent», réunissant trois récits autour du thème de la sororité.

© Laura Carpentier-Goffre

Vous l’avez compris, à tout juste 30 ans, cette jeune femme n’en n’est pas à son premier écrit et pourtant, elle a bien failli ne jamais envoyer son récit au concours « sororistas ».

« Je finissais juste ma thèse, j’étais en retard et au bord du burn out, je ne trouvais pas mon texte à la hauteur du sujet et si mes amies avaient pas insisté, je ne l’aurais jamais envoyé. »

Laura Carpentier-Goffre

Heureusement, la jeune autrice a écouté ses amies et aujourd’hui quand on lui demande ce que cela lui fait d’avoir été ainsi distingué parmi 586 textes venus du monde entie, son visage s’illumine.

« Cela me donne envie de dire à toutes les femmes qui ont écrit pour ce concours, de continuer d’écrire. Je les ai lues et, personnellement, cela m’a donné de la force, de l’espoir. Il faut continuer, s’autoriser de rêver à un monde différent, un monde de justice, de justesse et de soin. « 

Laura Carpentier-Goffre

Le palmarès Sororistas complet

Les 5 textes retenus par le jury pour figurer dans un podcast: «Les années aquarelle», de Loredana Cabassu
«Covid contre Goliath», de Laura Carpentier-Goffre
«La nouv • elle», de Carole Galland
«Prendre soin», d’Aline Jalliet
«La nuit des dominos», de Lisa de Pyla

Texte coup de cœur de Geneviève Brisac, présidente du jury: «18 heures moins trois», d’Alexia Sena

Texte coup de cœur de Noémie de Lattre, marraine du concours: «La nuit des dominos», de Lisa de Pyla

Le texte lauréat du concours:
«Covid contre Goliath», de Laura Carpentier-Goffre



Laisser un commentaire