Trouver du financement en temps incertain


Trente-cinq mille dollars pour 10 % des parts de l’entreprise. Géraldine L’Hour et Frédéric Boucher, les deux propriétaires de la jeune pousse Bumble Bloom, qui produit du similimiel végane et biologique (un sirop de pomme à la texture rappelant celle du miel), rêvaient d’une telle offre avant leur passage à l ‘émission de téléréalité Dans l’œil du dragon, à ICI TÉLÉ, en mai dernier. Et ils l’ont pas obtenu.

Une telle manne n’est jamais facile à trouver pour une très petite entreprise, en temps de crise ou pas. Surtout pour une Commencez dont l’existence remonte à peu plus de huit mois et qui n’a pas eu l’occasion de développer tout son potentiel, comme celle du couple L’Hour-Boucher.

Frédéric Boucher a quitté l’an dernier son emploi de directeur des ventes et du développement des affaires à Gusta Foods, un producteur montréalais de produits végétaliens, pour devenir son propre patron, comme il le souhaitait depuis longtemps. Avec sa conjointe, Géraldine L’Hour, il a racheté l’entreprise vancouvéroise Bumble Bloom, dont il avait eu vent en 2018 à l’occasion d’une visite à un salon agroalimentaire dans l’ouest du Canada. « Leur produit m’avait semblé porteur, mais il manquait la recette du succès : cibler une clientèle très nichée, celles des jeunes adultes véganes », dit-il. Comme les affaires des propriétaires vancouvérois stagnaient, la vente s’est effectuée rapidement, selon Frédéric Boucher.

Le nouveau président de Bumble Bloom a fermé les bureaux de Vancouver pour en ouvrir de nouveaux dans le quartier Villeray, à Montréal. Histoire de limiter les coûts fixes, il n’a pris que deux employés — lui-même, à temps plein, et sa conjointe, à mi-temps, celle-ci ayant préféré garder encore son travail de chargée du marketing et du développement des affaires de Fruit O Bureau, qui livre des paniers de fruits frais aux bureaux de ses clients — afin de « faire bouillir la marmite », illustre-t-il. L’entrepreneur a trouvé de nouveaux partenaires pour la production et la logistique et… il s’est cassé les dents sur ses demandes de financement.

C’est que Frédéric Boucher a envoyé « quelques coups de sonde » auprès d’institutions financières susceptibles de soutenir sa petite entreprise, mais il a vite trouvé que, pandémie oblige, « le Horaire n’était pas bon ». « On m’a fait comprendre que l’heure était à la prudence en matière d’investissement, tant qu’il y avait des incertitudes économiques au Canada », dit-il.

Géraldine L’Hour et Frédéric Boucher sont alors lancés dans l’aventure entrepreneuriale avec leurs propres économies. Des membres de leurs familles leur ont donné un coup de pouce financier, de l’ordre de « quelques milliers de dollars ». Et leur banque a augmenté leur marge de crédit « sans discuter ».

Mais voilà. En décembre 2020, Bumble Bloom a reçu sa première grosse commande, de la part des supermarchés Avril. Ce printemps, d’autres distributeurs se sont laissé séduire, dont les épiceries Rachelle-Béry et la chaîne de supermarchés Metro. « Ce qui leur plaît, c’est que notre produit est à la fois bio et végane », explique le président.

Résultat ? Bumble Bloom n’avait plus d’autre choix que de vite trouver du financement, sans quoi il lui aurait été impossible de répondre à la demande. Il lui fallait impérativement de l’argent pour payer les fournisseurs et autres partenaires d’affaires. D’où l’idée de toquer à la porte des dragons…

Le cas de Bumble Bloom illustre bien l’importance vitale pour un entrepreneur d’inspirateur de confiance aux investisseurs lorsqu’il part en quête de capitaux pour réaliser un projet. Ce qui peut se faire grâce à quatre trucs préconisés par des experts.

1. Avoir une équipe solide

Bernard Rousseau, directeur régional principal (Montréal) d’Investissement Québec, que la présentation d’une équipe « solide » est « le critère le plus important » dans la décision d’investir, ou pas, dans une entreprise. « On peut faire beaucoup d’argent avec une bonne équipe qui a un produit ordinaire, et en perdre beaucoup avec un bon produit vendu par une équipe faible », dit-il.

Cette solidité se voit, entre autres, par les compétences et l’expérience des membres de l’équipe de direction. Elle inspire confiance, en ce sens qu’elle est « un bon indicateur » de la capacité des dirigeants à réaliser le projet pour lequel ils ont besoin d’argent et, de façon plus large, à prendre les décisions qu’il faut pour le bien de l’entreprise.

Selon Bernard Rousseau, la solidité peut également se voir par le profil des consultants et autres partenaires d’affaires de l’entreprise. « Être bien entouré est un atout non négligeable », souligne-t-il.

2. Projet de fils vulgarisateur

Si le projet est un nouveau produit ou service, l’entreprise doit faire ressortir son caractère novateur, à tout le moins « ce en quoi il se distingue de la concurrence ». « Car il faut considérer que l’investisseur potentiel n’a pas une connaissance du marché aussi fin et profond que l’entrepreneur », poursuit Bernard Rousseau. Le dirigeant de PME doit veiller à « bien vulgariser » son projet, c’est-à-dire expliquer le but visé « en termes simples et compréhensibles pour tous ».

Valérie Bornais, directrice du centre d’affaires de la Banque de développement du Canada (BDC), note pour sa part qu’il convient de porter une grande attention aux documents de présentation eux-mêmes. « L’image compte beaucoup », affirme-t-elle. Par exemple, « si la rédaction n’est pas votre fort, faire affaire avec un rédacteur professionnel peut être un choix judicieux ».

3. Présenter un projet en béton

Le projet doit être appuyé par divers documents, mention Valérie Bornais. Ils peuvent prendre la forme d’une étude de marché, de recherches confirmant les demandes de résultats, de témoignages de clients, ou encore d’articles de presse sur l’entreprise. Il faut aussi inclure des données comptables telles que des états financiers, des estimations de sous-traitants et des copies de baux.

Selon la directrice de la BDC, il est aussi important de présenter plusieurs scénarios réalistes d’évolution du projet. Par exemple, cela peut consister à soumettre différentes stratégies en fonction d’entrées de revenus variés : un plan A correspondant aux revenus espérés, mais aussi un plan B en cas de revenus moindres, voire un plan C en cas de revers financier temporaire. « Le dirigeant de PME doit montrer à son interlocuteur qu’il a les pieds sur terre et qu’il est prêt à faire face aux coups durs », dit-elle.

4. Oser poser des questions

L’entrepreneur doit s’assurer que l’investisseur potentiel pourra bel et bien répondre à ses besoins. C’est pourquoi il lui faut, selon Bernard Rousseau, « oser poser des questions ».

L’objectif est de vérifier qu’ils sont tous les deux sur la même longueur d’onde quant à l’avenir et au plan stratégique de l’entreprise. L’entrepreneur doit aussi avoir l’assurance que son futur partenaire financier dispose des ressources nécessaires pour qu’ils puissent aller loin ensemble. « Il peut être mieux pour le dirigeant de PME de faire affaire avec un investisseur qui a un peu moins d’argent que d’autres, mais qui a un meilleur réseau de contacts, ou bien une meilleure capacité d’accompagnement technologique », dit le directeur régional principal d’Investissement Québec.

La clé, au fond, c’est la confiance. Car l’entrepreneur en quête de financement ne peut pas se contenter de décrocher une somme d’argent, il doit chercher à nouer un lien durable et rentable avec un nouveau partenaire. « L’idée, c’est de vivre ensemble une belle et grande aventure », résume Frédéric Boucher, le président de Bumble Bloom.

Publicité

Laisser un commentaire