TOUT COMPRENDRE – L’impôt minimal mondial sur les sociétés, un vrai bouleversement?


L’administration Biden a frappé un grand coup en proposant une fiscalité minimum pour les entreprises dans le monde entier. Une telle proposition remettrait en cause des décennies de concurrence fiscale entre les pays.

La pandémie n’en finit pas de faire bouger les lignes. Véritable serpent de mer de la diplomatie, la fiscalité mondiale est un revenu sur la table avec une proposition forte des États-Unis: mettre en place un impôt minimal sur les sociétés à l’échelle mondiale.

• Que propose concrètement les Etats-Unis?

Lors d’un discours à Chicago, le Secrétaire au Trésor (équivalent d’un ministre des Finances) Janet Yellen a indiqué travailler « avec les pays du G20 pour s’entendre sur un taux minimal d’imposition sur les entreprises ». Cette proposition ciblerait les bénéfices des multinationales, installées dans plusieurs pays, y compris les GAFA (Amazon, Apple, Microsoft…). Le taux proposé par les Etats-Unis serait de 21%. En France, cet impôt fluctue entre 15% et 26,5% en fonction du chiffre d’affaires.

• Quel serait l’intérêt d’une fiscalité commune?

Les enjeux sont multiples. Concrètement, cela devait mettre un terme au dumping fiscal, devenu une spécialité de nombreuses entreprises. Le dumping fiscal, c’est la concurrence fiscale entre les Etats, un « cours vers le bas » qui incite à baisser toujours plus la fiscalité pour attirer les entreprises.

Cela doit aussi de mettre un terme à une pratique récurrente de certaines entreprises pour éviter de payer leurs impôts: après avoir installé leur maison-mère dans un état plus favorable, elles font en sorte de rediriger les bénéfices vers cette structure pour éviter les impôts locaux . C’est la raison pour laquelle Amazon, Facebook ou Airbnb ont payé très peu d’impôts en France ces dernières années.

• Mais quel intérêt pour les Etats-Unis?

Cette proposition fait en réalité partie d’un plan plus vaste. Contraint de trouver 2000 milliards de dollars pour renouveler les infrastructures vieillissantes, Joe Biden souhaite augmenter l’impôt sur les sociétés de 21% à 28%, alors qu’il était encore à 35% avant l’arrivée de Trump. Un taux minimal mondial servirait donc à éviter une fuite des entreprises vers l’étranger.

L’autre intérêt des Etats-Unis, c’est d’enterrer une taxe GAFA au niveau mondial. Lancée par la France, cette taxe sur les géants du numérique vise principalement les entreprises américaines et commence à faire des émules dans d’autres pays.

• La communauté internationale est-elle favorable à cet impôt minimal?

En réalité, cette idée est au cœur des débats de l’OCDE depuis plusieurs années. Avec la crise, la pression s’est faite plus forte pour l’imposer. La France ne cache d’ailleurs pas sa satisfaction et Bruno Le Maire espère une mise en place « dès que possible ».

« Nous pensons que ce sujet d’une taxe minimum est absolument vital dans un souci d’efficacité et d’équité en matière de fiscalité internationale » at-il expliqué à Bloomberg.

La proposition d’un taux de 21% est même une divine surprise puisque la France plaidait pour un minimum de 12,5%, celui de l’Irlande (le plus bas d’Europe) alors que la moyenne au sein du G20 atteint 27 %. Un engagement ferme des Etats-Unis serait ainsi un moyen de pression sérieux sur les pays réfractaires.

• Cette proposition at-elle une chance d’être efficace?

Le risque est que cette proposition ne soit qu’une mesure symbolique et que certains États offrent des crédits d’impôts ou des allégements pour détourner ce nouveau système. L’autre risque, pointé par la Banque mondiale, serait de défavoriser les pays plus pauvres qui ont cruellement besoin d’une fiscalité attractive pour se développer. Les négociations vont donc se poursuivre.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business

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