Technologie Saturne, additive et addictive


Les lumières dansent sur la poudre d’acier. Le ballet silencieux est réglé au micron près. Couche après couche, pendant des heures, les lasers dessinent des pièces destinées au fleuron des avions de combat et des trains à très grande vitesse.

Le nez collé à la vitre, Walter Grzymlas a les yeux émerveillés d’un enfant qui vivrait Noël tous les jours. Très vite pourtant, le CEO de Saturne Technology grimace. Les temps sont durs et ils seront durs. «Nous avons la chance de nous être diversifiés. Quelques rapports de commandes sont compensés par d’autres projets d’autres clients. »

L’aéronautique, qui a permis à la société de Contern de décoller, va forcément essuyer une tempête musclée. «Mais les grands groupes internationaux, qu’ils soient dans l’aéronautique, dans le spatial, dans le nucléaire ou dans le pétrole, veulent leurs pièces! Et comme certaines sociétés vont avoir du mal à passer la crise, d’autres vont devoir suppléer les premières… »L’expert en fabrication additive métallique, découpe, perçage, soudure et rechargement laser, a sécurisé sa poudre, au Canada, en France , au Royaume-Uni, en Espagne et en Allemagne, pour permettre à ses machines de plus en plus grosses de continuer à produire des pièces uniques.

Plus c’est compliqué, mieux c’est

«À forte valeur ajoutée», précise-t-il, à un moment où la fabrication additive gagne ses lettres de noblesse pour industrialiser la filière. «Nous ne nous intéressons qu’à des pièces très compliquées et à la qualité irréprochable. Je dis toujours à mon équipe qu’il n’est pas question de laisser sortir une pièce qui ne soit pas exactement conforme au cahier des charges du client. »

L’industrie ne le pardonnerait pas: ses pièces à lui sont au cœur des avions de combat stars, des trains futuristes ou des plateformes pétrolières. Chaque détail compte à chaque seconde.

Le CEO de Saturne Technology, Walter Grzymlas, devant une de ses «Rolls-Royce» de la fabrication additive.

(Photo: Paperjam)

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La galerie des pièces de Saturne.

(Photo: Paperjam)

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Des moules à pneus pour Goodyear.

(Photo: Paperjam)

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Saturne cherchait 3.000 mètres carrés, elle en a trouvé 5.000 pour poursuivre sa croissance.

(Photo: Paperjam)

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L’an dernier, Saturne, à l’étroit à Sandweiler… un emménagé à Contern. «Cela faisait deux ans que nous cherchions un autre entrepôt, autour de 3.000 mètres carrés, pour continuer à nous développer», raconte le gérant intraitable. «Et puis un jour, par hasard, en déjeunant dans un restaurant, on m’a parlé de ce local de 5.000 mètres carrés que Goedert voulait abandonner. Nous avons sauté sur l’occasion et nous avons fait tous les travaux nécessaires pour que l’endroit devienne conforme à nos normes et à la sécurité. » Les 2.000 mètres carrés «en trop» sont loués provisoirement à Kuehne + Nagel, qui a son entrepôt dans l’autre zone industrielle de Contern. Le logisticien a accepté de partir si Saturne avait besoin de place pour ses machines géantes. Car les Luxembourgeois sont devenus des références pour les constructeurs de ces machines hors normes, qui n’hésitent plus à en confier l’un ou l’autre en «bêta-test» pour un an ou deux. De quoi être aux avant-postes des évolutions technologiques.

Quatre millions à 13 personnes

Comme dans beaucoup d’industries modernes, il semble possible de manger par terre tellement le grand hangar est propre, mais le PDG a aménagé une sorte de cantine pour son équipe. Treize personnes hyperspécialisées et qui travaillent de 7h à 15h30, chaque jour, sans parler des astreintes quand une machine envoie un SMS pour dire qu’elle a un problème, ou des coups de bourre pour livrer les clients en temps et en heure.

C’est un des deux éléments qui acquièrent le succès croissant de la société luxembourgeoise: livrer à temps, «dire assez tôt à nos clients qu’ils n’auront pas leurs pièces à la date prévue» et garantir une qualité irréprochable. Trois laboratoires testent en permanence le fait que chaque pièce corresponde au besoin du client final.

«Je cherche encore quatre personnes cette année, mais le recrutement reste un sujet compliqué. J’ai non seulement besoin de gens spécialisés, mais qui ont envie, qui imaginent une évolution personnelle, qui sont prêts à aller donner un coup de main à un collègue quand il en a besoin. »

«Je descends souvent en production», sourit-il dans son grand bureau où trônent des maquettes d’avions d’une dizaine de compagnies, des cartes-infographies de gammes d’avions et des bouts de métal dont personne ne pourrait comprendre l ‘ intérêt. Et le patron connaît chaque machine et chaque pièce sur le bout des doigts… Il n’hésite pas à décrire au profane l’intérêt de chacune d’entre elles, comme il apparaît fait, dans son entrepôt précédent, pour une visite guidée au Grand-Duc Henri beaucoup plus longue que prévue.

Un marché en croissance de 25% par an

«J’étais ravi de partager cela avec lui. La famille grand-ducale est importante pour moi, pour nous. Et le Grand-Duc comme le Grand-Duc héritier ont manifesté leur intérêt. » Cet attachement justifie à lui seul que, malgré le prix de l’immobilier, la société aux quatre millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, qui a un plan d’investissement de 10 millions d’euros sur les années à venir, continuez à ne jurer que par le Luxembourg.

Ce n’est pas rien au moment où les géants réintègrent l’impression additive directement sur leurs sites de production. Le marché, estimé à 9,8 milliards de dollars en 2018, atteindra au moins 16 milliards cette année, 25,5 en 2022 et 40,8 en 2024. Plus du quart des pièces de haute technologie sont déjà issus de cette manière (28 , 4%) et 27,9% des prototypes fonctionnels.

Loin des initiatives locales qui ont permis de sauver des vies en mettant en réseau toutes les imprimantes 3D du pays dans un élan incroyable de solidarité, la fabrication additive a son fleuron luxembourgeois.



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