Sport féminin. En France, les défis sont encore nombreux. sport


C’était l’une des incohérences du deuxième confinement. Fin octobre dernier, les Français retrouvent leur rythme chambre-cuisine-salon, avec un peu plus de souplesse que quelques mois auparavant: cette fois, les sportifs professionnels, eux, ont par exemple le droit de continuer leur activité.

Seulement voilà, certaines, comme les joueuses de rugby du championnat d’élite 1, plus haut niveau français, n’y sont alors pas autorisés, faute de statut. Nous, sur un travail à côté, sur la côte des gens, souligne la Bretonne Lenaïg Corson, joueuse du Stade français et du XV de France. Donc la bulle sanitaire qui s’applique dans certains sports, on ne peut pas la faire. Souvent désigné comme étant l’un des enjeux du développement du sport féminin, la professionnalisation, qui n’est toujours pas la règle universelle dans toutes les disciplines, montre là toutes les limites du système.

Sauf que cette fois, confinement n’a pas complètement rimé avec isolement. La situation vécue par les joueuses de rugby a donné lieu à des échanges en visioconférence et à une réunion du syndicat Provale, dont Lenaïg Corson est secrétaire générale. Provale nous a vraiment aidées à nous structurer, à mettre des choses en place. Aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire du rugby féminin, on écoute les principales concernées. Deux joueuses ont été élues pour chaque club d’élite 1 et d’élite 2. On a pu faire des visios, un sondage. Et le retour au terrain l’a emporté, même s’il a fallu, ensuite, batailler ferme pour obtenir les dérogations pour s’entraîner dans les stades. Le championnat a enfin pu reprendre il y a quelques semaines.

Quasiment un an après le début de la crise sanitaire, le sport féminin tente de résister, tant bien que mal, et a bien la nécessité de travailler, dans l’intérêt de tous. Pour l’instant on essaye vraiment de faire en sorte de s’entraider, en tout cas de ne pas se lâcher , résume Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue féminine de handball. Dans sa discipline, certains clubs ont d’ores et déjà annoncés qu’ils respectent leurs budgets à la baisse de la saison prochaine.

Plus de billetterie, quid des budgets à venir?

Les modèles économiques des structures de sport féminin étaient déjà fragiles, la crise n’a fait que les affaiblir davantage. D’autant qu’en plus de ne plus toucher de recettes liées à la billetterie, ils ne peuvent pas se reposer sur les droits télévisés, quasiment inexistants dans le paysage français actuel. En 2020, le sport féminin n’a d’ailleurs représenté que 18% des retransmissions sportives sur nos écrans. À la reprise de la saison prochaine, les clubs vont être obligés de faire les comptes pour savoir quelle joueuse ils vont pouvoir conserver ou pas, et si la joueuse veut rester, est-ce qu’il y aura des négociations de salaires à la baisse ? Est-ce que nous, on n’a pas un risque de voir des joueuses à partir de l’étranger encore plus, parce que d’autres clubs avec un autre modèle économique peuvent se permettre une autre souplesse dans les contrats? , s’interroge Nodjialem Myaro.

Les questions sont pour l’instant nombreuses, les réponses pas encore connues. Pour autant, continuer de regarder devant. Depuis plusieurs semaines, des dirigeants des sports collectifs féminins se réunissent à travers des visioconférences autour de trois thématiques: la gouvernance, la performance et le business, qui englobe notamment la question de la médiatisation. Sur un ensemble envie de faire des choses, c’est super dynamisant , apprécie Yannick Souvré, directrice de la Ligue féminine de basket-ball. Ou on s’arrête, ou on essaye de se battre , continue l’ancienne meneuse de Bourges, qui cite en exemple les initiatives innovantes des clubs en temps de huis clos, avec notamment la mise en place de retransmissions en direct sur leurs réseaux sociaux.

Reconversion, grossesse: penser à la sportive, aussi

Demain, les chantiers ne manqueront pas, car on ne connaît pas encore l’ampleur des dégâts que laissera la crise. Structuration des clubs, notamment sur le plan médical, accompagnement dans le double projet, dans la reconversion, prise en compte des envies de maternité pendant la carrière, l’idée est de mettre la sportive et ses conditions de vie au centre des réflexions de tous et toutes.

Nous sommes des sportifs qui prenons la parole, qui sommes en activité donc qui connaissons le terrain , résume Lenaïg Corson, également engagée dans les échanges avec ses consœurs à la Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs. Demain s’inventera et s’écrira avec elles.



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