Série « Les data dans le sport » (3/3): la Ligue 2.0 du Clermont Foot


Quel genre de données?

D’abord beaucoup de vidéos, bien sûr, de l’équipe et de ses adversaires. Mais pour compléter ces observations, le Clermont Foot est aussi un gros consommateur de données fournies par certaines plates-formes. Et notamment l’une d’entre elles, qui délivre des données qui vont plus loin que des statistiques brutes. «Des données plus« foot », explique Sébastien Grillon, analyste du club. Par exemple, chez l’adversaire, on peut identifier les joueurs qui, sous pression, ont une grosse chute de réussite de leurs passes, et notamment les défenseurs, pour savoir sur qui on doit aller presser davantage ».

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Certaines données en disent aussi plus sur les habitudes collectives de l’équipe adverse: «On regarde le contre-pressing. Quand l’équipe perd le ballon, on peut voir si, cinq secondes après, les joueurs exercent un pressing et récupèrent le ballon. Ça permet de savoir si on va être remis en difficulté par un adversaire qui presse tout de suite, ou si l’équipe va se remplacer et nous laissera le temps de ressortir le ballon ».

Un adversaire à la loupe

Avant chaque rencontre, certaines données de l’adversaire sont mises en parallèle avec celles du Clermont Foot. Des vidéos permettent aussi au staff de Pascal Gastien d’avoir un montage d’une quinzaine de minutes. Basé sur les quatre derniers matchs, il présente l’animation de jeu, les points forts, les faiblesses, les individualités, les coups de pied arrêtés, et le gardien.

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De la théorie à la pratique: pour dribbler et battre une première fois le gardien du Paris FC (3-2), en décembre, Jodel Dossou s’était souvenu d’un détail révélé avec la vidéo. «Il l’a dit après-coup et ça m’a fait sourire, évoque Sébastien Grillon. Il a pensé à le faire car il savait que le gardien pouvait sortir vite ».

Des data au service du projet de jeu

Il y a des coachs «mordus» de data. Pascal Gastien n’en est pas à ce point, mais l’entraîneur clermontois a conscience de l’apport de telles données. «Il est toujours à l’écoute», explique Sébastien Grillon, qui fait le tri dans ses données en fonction d’une seule choisie: le projet de jeu. «Le coach réfléchit à son plan de jeu pour le match, il construit ses entraînements en tenant compte de nos montages, des critères qu’on aura retenus et des données. Et après le match, notre analyse des données est d’abord liée au projet de jeu du coach. On analyse si les joueurs, au niveau collectif, ont répondu correctement aux demandes de Pascal ».

Le collectif d’abord, là encore. Si les joueurs ont à leur disposition des statistiques individuelles, celles-ci ne sont jamais isolées. À Clermont, on préfère s’en servir pour jauger évolution du groupe, et sa forme en début ou en fin de match, à domicile ou à l’extérieur. «Des données toutes seules ne veulent parfois par dire grand-chose», l’analyste.

Stéphane Héros (à droite) et Sébastien Grillon (à sa droite) apportent leur regard au service du projet de jeu de Pascal Gastien. Ils interviennent également lors des rencontres de l’équipe.

Des perspectives illimitées?

Le club a plongé la tête la première dans l’univers sans frontière des données. Si bien que l’utilisation de ces données donne un tas d’idées au Clermont Foot pour la suite. «Il faut qu’on affine nos critères et ça nous permet de gagner du temps dans la vidéo. On sera mieux rôdé la saison prochaine ». Au point de déborder sur d’autres domaines, comme le recrutement? Pas encore, même si les données pourraient avoir une utilité.

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Un exemple: «Si on perd un joueur dont on aime les caractéristiques, on peut rechercher le même profil dans près de 80 championnats étrangers, étaye Sébastien Grillon. Et si on veut qu’il soit meilleur dans un domaine, on peut aussi faire évoluer notre curseur ». L’analyste ne se mue pas en recruteur, mais il peut donc l’aiguiller ce dernier: «Ça n’empêchera pas d’aller observer les joueurs. Mais les datas peuvent permettre de penser à des joueurs qu’on aurait jamais pu trouver autrement ».

L’œil de Stéphane Héros

Dans le staff de Pascal Gastien, Stéphane Héros apporte aussi son expertise, notamment sur les phases de transition défensives. C’est l’objet d’une thèse qu’il a écrit autour de l’étude des pertes de balle chez le footballeur. «Les meilleures équipes sont celles qui récupèrent plus rapidement le ballon sur les transitions défensives», explique-t-il. L’universitaire intervient également lors des matchs, auprès d’Éric Gélard, «pour apporter un certain nombre d’informations en direct sur ce qu’on est en train de faire sur les différentes phases de jeu, et sur ce que je vois de l’adversaire ».

Clermont dans le top 3 de la Ligue 2
En Ligue 2, le TFC est à la pointe, et a recruté en tenant compte de données statistiques précises. Amiens, ex de Ligue 1, est aussi en avance sur les autres clubs. «Plus sur tient la corde avec eux, estime Sébastien Grillon. En termes d’utilisation des technologies, on est dans le top 3, en Ligue 2 ».

Les autres volets de notre série:

« Les data dans le sport » (1/3): « Je suis pour quand c’est pour faire avancer sa pratique », évalue Thomas Lorblanchet

« Les data dans le sport » (2/3): « Une aide à la décision » pour Guillaume Vizade, coach de la JAVCM

Laurent Calmut

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