Rendez-nous le sport qui pue!


Où s’en vont les parfums quand ils disparaissent? Ici, peut-être. Pierres tombales fleuries, épitaphes attries, il existe dans la campagne américaine un faux cimetière, triste et drôle comme dessiné par Tim Burton. Ci-gisent en paix les goûts disparus d’un fameux vendeur de glaces. Si une «saveur» ne paie pas son écot au grand banquet du surgelé industriel, qu’elle n’est plus digne d’une place sur terre, on la met en-dessous.

Fruit de la passion, poire, beurre de cacahuète et confiture de fraise, vous voilà rayés du rayon frais, faute de goût d’un public hypnotisé par la sage vanille et le roi chocolat. La justice boutiquière est sauve: pour exhumer un parfum, il suffira que les gourmets éplorés actionnent le levier plébiscitaire sur le site du marchand. Commentaire de voiture affronter l’absurdité de notre existence sans le sorbet poire?

Cette dernière année, vitue le groin dans la muselière, a inoculé ce nouveau supplice dans notre lexique: l’anosmie, la perte de l’odorat. Symptôme du virus comme de nos réclusions. Une fois enfilé son nouveau survêtement canari, Raymond Domenech s’était ému de retrouver l’odeur de la pelouse. Sa formule poétique pointait aussi le temps infini qui nous sépare, nous les cloîtrés du museau, de l’instant où nous replongerons en meute dans les effluves éteints.

Surtout ceux à la grâce discrète mais à la forte personnalité. Les merguez au gras rouge, les fumées des braseros. Les casiers à ballons, les sacs de frappe, les tatamis. Les retours en voiture, tassés non douchés sur la banquette arrière. Les frites pas cuites, leur moutarde trop sucrée. Le bitume fumant qui colle le peloton sur la route. Les vestiaires fermentés, leurs vapeurs brûlantes et le froid des couloirs. Et surtout, nos voisins et nos voisines de travées, leurs haleines de bière, leurs peaux poisseuses et leurs déos urticants. Rendez-nous vite le sport qui pue.

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