qui se cache derrière le MVP de la finale de l’EuroCup ?


Deux mondes se rencontrent, ou presque. D’un rire franc, Rob Gray (1,85 m, 27 ans) découvre le mantra de Bozidar Maljkovic avec Limoges en 1993 : « La victoire en EuroLeague ne voudra rien dire si vous n’êtes pas champions de France derrière », répétait-il à ses joueurs dans la foulée du triomphe d’Athènes. « Haha non, je ne suis pas absolument pas d’accord avec ça », s’esclaffe le sniper monégasque, avant de reconnaître l’habileté du procédé. « C’est la marque d’un bon coach qui veut garder son équipe concentrée. Mais si on lui avait demandé avant ce qu’il préfèrerait gagner, bien sûr qu’il aurait dit l’EuroLeague plutôt que la Pro A. Et c’est pareil pour nous avec l’EuroCup. » Est-ce à dire que la Roca Team va désormais aborder cette fin de saison en dilettante, le sentiment du devoir (déjà) accompli ? « Non, on sait que le boulot n’est pas terminé », rétorque-t-il. « On veut remporter la Jeep ÉLITE ! »

Toutefois, l’AS Monaco a déjà atteint de tels sommets émotionnels cette saison qu’elle sait pertinemment que le cours de l’histoire ne sera pas changé dans un mois par l’éventuelle absence d’un sacre national, aussi espéré soit-il. 33 ans qu’un club tricolore n’avait pas remporté la C2… Et prenez Rob Gray, justement. Emprisonné en début de saison dans l’intransigeante philosophie de Jurij Zdovc, l’arrière américain a explosé au cours de cette épopée printanière. Un buzzer beater à Gran Canaria, afin d’envoyer la Roca Team en finale de l’EuroCup − « évidemment le plus grand tir de ma carrière professionnelle, le genre de shoot dont on rêve quand on est enfant » −, puis deux démonstrations offensives contre Kazan (23 et 25 points), qui lui vaudront le trophée de MVP de la finale − « un grand honneur, la cerise sur le gâteau » −, ont cimenté ses premières heures de gloire continentales et l’ont placé sous les feux des projecteurs.

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Rob Gray, un nom qui compte en Europe depuis le 30 avril
(photo : Manuel Vitali)

« Déjà, avec sa petite queue de cheval, on ne peut pas le manquer », glisse malicieusement Sacha Giffa. Mais au-delà de son look, l’Europe du basket a surtout découvert un talent offensif de qualité supérieure. C’est simple, Rob Gray est un attaquant racé (18,2 points de moyenne à 48% aux tirs en EuroCup ; 13,7 à 46% en Jeep ÉLITE), capable de trouver le chemin du cercle dans n’importe quelle situation : de loin (38/74, soit 51,4% à trois-points en EuroCup), en un-contre-un ou même au contact des grands intérieurs adverses, avec des qualités athlétiques et un vrai hang-time qui lui permettent de se rééquilibrer en l’air et d’anticiper les chocs. « Il peut marquer dans tous les sens », résume simplement l’assistant-coach des Metropolitans 92, admiratif, mais « pas surpris », du niveau de jeu affiché par son ex-protégé, seulement deux ans après ses premiers pas sur le Vieux Continent. « En tant que joueur américain, tu gagnes tes galons aux États-Unis et les gens te connaissent. Mais dès vous arrivez en Europe, cela ne veut plus rien dire », relève le n°32 de la Roca Team. « Vous êtes un inconnu et il faut bâtir votre CV. Or, pour moi, vainqueur de l’EuroCup et MVP de la finale, ça fait deux jolies étiquettes dessus. »

Scoreur depuis toujours

Deux lignes dorées qui ont initialement pris corps dans l’amour que son paternel pouvait porter à la balle orange. Né le 3 avril 1994 en Caroline du Nord, Rob Gray a marqué ses premiers paniers dès l’âge de 4 ans. « J’ai passé mon enfance dehors, il n’y avait pas tous ces écrans comme aujourd’hui », sourit-il, se remémorant ses déménagements à travers la Cöte Est, direction le Maryland ou New Jersey, au gré des affectations de sa mère, travailleuse dans un hôpital. « Je touchais un peu à tous les sports mais je me suis entièrement dédié au basket vers l’âge de 10 ans. Mon père regardait beaucoup de NCAA et il me disait que j’aurais une chance d’y aller si je travaillais dur. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à rééllement m’investir dedans. » Des efforts qui lui ouvriront les portes de trois lycées successifs : East Rutherford et Christ School, tous deux en Caroline du Nord, puis West Oaks, en Floride. Quel type de joueur était-il à l’époque ? « J’étais un scoreur, très agressif et dur balle en main ». Déjà ? « Oui, il faut croire que c’est dans mon ADN », rigole-t-il.

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Entre 2013 et 2015, avant Houston, Rob Gray a passé deux ans en Junior College, à Howard
(photo : HC Hawk Athletics)

Ces qualités offensives se confirmeront ensuite à l’échelle universitaire. Admis à Houston en 2015, il quittera sa fac trois ans plus tard avec le statut honorifique de meilleur marqueur de l’histoire de l’American Athletic Conference (depuis dépassé par Quinton Rose) et un cursus sublimé par sa performance héroïque lors de la March Madness 2018 : 39 points et le tir de la victoire contre San Diego State (67-65) au premier tour.

Le fruit, aussi, d’un travail de métamorphose entamé au sein du campus texan.  « Au lycée, tout le monde te dit que tu es trop fort. Tout passe avec ton talent. Cela change dès que tu arrives en NCAA. Tu débarques dans une équipe où tous les joueurs étaient les meilleurs de leurs écoles respectives et il faut s’habituer à un nouveau rôle. C’est à Houston que j’ai compris l’importance de prendre soin de mon corps, de manger correctement, d’aller en salle de musculation. Il faut apprendre à en faire plus car tu es tenu responsable de beaucoup plus de choses. » Et tout ça dans l’optique de séduire les recruteurs de l’Association. Comme tous ses compatriotres, le natif de Forest City n’avait d’yeux que pour la NBA. « Je n’avais jamais pensé à aller en Europe », avoue-t-il. « Vous savez, chez nous, on ne voit pas plus loin que le bout de notre pays alors que le monde est grand. En général, les Américains ne connaissent que les États-Unis. Dans le monde du basket, il n’y a que le prisme NCAA – NBA. J’espère que l’internationalisation de la NBA et l’expansion des réseaux sociaux, notamment Instagram, aideront les jeunes à découvrir rapidement qu’il y a d’autres possibilités, à être plus éduqués sur le basket international. Mais bon, dès que l’on doit faire un choix pour notre carrière, on apprend vite. »

Bourg et Boulogne-Levallois,
l’heure du grand saut

De fait, boudé par la grande ligue, en raison de sa petite taille (1,85 m) et/ou de son âge avancé (24 ans lors de la Draft), Rob Gray s’ouvrira rapidement vers ces options alternatives qu’il ne connaissait pas. « Et je suis ravi de l’avoir fait ! », s’exclame-t-il. Un temps envisagé par les Houston Rockets pour le training camp, passé par la G-League lors de sa saison rookie, il débarque à Bourg-en-Bresse en mars 2019, afin de pallier la blessure de Zack Wright. « Avec du recul, j’aurais dû aller en Europe directement, plutôt que d’arriver pour deux mois en tant que remplaçant médical », admet-il. C’est pourtant le début de l’histoire, d’une nouvelle vie, « avec des vaches et des poulets au fond de ma rue ». À l’époque, il avait été utilisé comme meneur, et sa propension à ne pas lâcher la gonfle avait eu tendance à agacer certains de ses coéquipiers de la JL. « Il n’avait parfois pas tous les bons paramètres et les bons signaux pour être dans le rôle du meneur », résume Frédéric Sarre, celui qui l’a fait venir en Europe. « Peut-être que ça n’en est naturellement pas un non plus. Lui avoir donné autant de responsabilités au poste 1, c’était sûrement un peu trop à l’époque. Mais il avait quand même été capable de signer des performances intéressantes et nous avions vite vu que c’était un fort joueur. On aurait aimé le garder. »

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En 10 matchs avec la JL, Gray a tourné à 14 points à 48%, 3,8 rebonds et 3,9 passes de moyenne
(photo : Christelle Gouttefarde)

S’en suivra une offre de prolongation, refusée par Rob Gray, qui décide pourtant de renouveler l’aventure française, malgré des propositions plus lucratives en Russie. « J’ai préféré aller à Levallois mais Bourg fut la porte d’entrée vers une nouvelle expérience. C’est là-bas que j’ai réalisé que jouer en Europe pouvait représenter quelque chose de grand. » Surtout que ses premières performances sous le maillot des Metropolitans 92 épatent le petit monde de la Jeep ÉLITE. Repositionné au poste 2, là où il est beaucoup plus à l’aise, il démarre fort avec 17 points de moyenne sur les 11 premières rencontres, dont un invraisemblable festival contre l’Élan Chalon le 22 novembre 2019 (31 points à 11/11 et 8 passes décisives pour 42 d’évaluation). « C’était notre électron libre », se rappelle Sacha Giffa. « Il nous a fait beaucoup de bien, il débloquait à lui seul certaines situations en attaque. »

Un cadeau du ciel pour l’AS Monaco…
et un choix qui change une carrière

Mais ce passage dans les Hauts-de-France, c’est aussi une histoire de coachs. D’abord, une relation idyllique avec Frédéric Fauthoux, qui lui laissait beaucoup de libertés l’an dernier. « Fred, c’est mon gars ! », lance le All-Star 2019. « J’ai adoré jouer pour lui. C’est un entraîneur porté vers l’attaque et vu que mettre le ballon dans le panier est l’une de mes forces… » Tout le contraire de Jurij Zdovc, son successeur. Malgré le départ du technicien landais vers Villeurbanne et les avances de Monaco (déjà), l’artificier américain décide l’été dernier de rempiler avec Boulogne-Levallois. Mais il se heurte vite à l’inflexibilité du Slovène. « J’ai rapidement compris que ça n’allait pas coller entre nous. J’étais un peu confus en préparation, je pensais qu’il me ferait plus jouer dès que les choses sérieuses allaient commencer. Puis quand j’ai vu que ce n’était pas le cas, que mon rôle restait minime, la seule solution était de partir. » Utilisé moins de 17 minutes par match, le profil de l’ex-Burgien n’avait clairement pas les faveurs du champion du monde 1990. « Je suis un entraîneur à vocation défensive et il ne correspondait pas à cela », se justifie Jurij Zdovc. « C’est un scoreur mais pas du tout un bon défenseur, c’était l’une des raisons de son manque de temps de jeu. Aussi, offensivement, il est très talentueux mais il est égoïste : ce n’est pas ma philosophie, je veux développer un vrai jeu collectif. » Cette fois, son instinct d’attaquant ne pourra pas le sauver. « Le coach voulait partager les tâches tandis que Rob désirait plus de responsabilités. Le courant ne passait pas entre les deux. Des fois, il y a des mariages qui ne prennent pas », relativise Sacha Giffa, bien plus philosophe que certains dirigeants du club francilien qui ne cessent de faire tomber la foudre sur Zdovc depuis que Gray a été couronné MVP de la finale de l’EuroCup.

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La success-story monégasque de Rob Gray a causé bien des remous internes aux Mets en mai,
le dernier en date ce week-end avec le départ annoncé d’Alain Weisz sur fond de désaccord avec Zdovc
(photo : Olivier Fusy)

Une aubaine pour l’AS Monaco qui ne manque pas en octobre sa seconde opportunité d’attirer le Nord-Carolinien. « Dès que j’ai su que les Metropolitans étaient prêts à le libérer, j’ai contacté ses agents pour entamer les discussions », raconte Oleksiy Yefimov, le GM de la Roca Team. « Rob a été un formidable ajout pour notre équipe. » Couplé au remplacement de Vladimir Stimac par Mathias Lessort, un ajustement automnal qui aura sûrement modifié la face de la saison monégasque. Et pas que ! « Ce transfert a changé ma carrière », assène Rob Gray. Surtout lorsque l’on sait que son autre possibilité du moment se prénommait le BCM Gravelines-Dunkerque… En Principauté, il ne joue certes pas beaucoup plus qu’en banlieue parisienne, lui qui passe fréquemment les 7-8 premières minutes d’une rencontre sur le banc, mais il dispose surtout de beaucoup plus de responsabilités et d’une vraie relation de confiance avec Zvezdan Mitrovic. « Le temps de jeu ne veut pas dire grand-chose », évacue-t-il. « Le principal est la façon dont on est utilisé. À Levallois, mon importance était proche du néant alors qu’à Monaco, j’ai un vrai rôle. J’adore le coach, il est rigoureux mais il sait de quoi il parle et c’est fun de jouer pour lui. J’aime les entraîneurs qui, comme lui, vous imposent des standards élevés et qui veulent tirer le meilleur de vous-même pour l’équipe. J’accepte d’être soumis à un tel niveau d’exigence tant qu’il y a une compréhension mutuelle entre le joueur et le coach. » Un bien-être retrouvé qui saute aux yeux de tous… « Entouré comme il l’est à l’ASM, il y a beaucoup de choses qui lui permettent d’avoir toute l’expression de son jeu », remarque Fred Sarre. « La balle va souvent sur lui, avec la mission de créer quelque chose. Il peut évoluer dans son vrai profil de jeu et sa capacité à avoir du scoring est à son summum quand il bénéficie du travail de meneurs purs qui le servent pour lui permettre de faire la décision, l’action finale. Quand on va vers le haut niveau, plus on doit être utilisé pour ses compétences et non pas venir pour des minutes. Or, je pense qu’il est actuellement très bien utilisé au regard de ses compétences. »

All-in sur l’EuroLeague :
« Il n’essaye même pas d’aller obtenir un meilleur salaire ailleurs »

Le haut niveau, justement. Depuis qu’il a posé le pied à Ékinox au printemps 2019, Rob Gray mène une course effrénée vers le sommet du basket continental. Le voilà maintenant assuré de découvrir l’EuroLeague dès la saison prochaine, à la faveur d’une prolongation de contrat de deux ans. Les deux parties disposaient d’un accord oral depuis cinq mois et tout a été signé à l’issue du Top 16. Une anticipation salutaire pour la Roca Team, tant ses immenses performances lors des phases finales auraient pu éveiller l’attention de clubs plus fortunés. « Nous nous sommes presque immédiatement rendus compte que c’était le joueur idéal pour nous », se félicite Oleksiy Yefimov. « Pour son avenir, Rob sait que sa meilleure option est de rester ici. Il est tellement intelligent et fort mentalement qu’il n’écoute aucune autre proposition, il n’essaye même pas d’aller obtenir un meilleur salaire ailleurs. » Des propos confirmés par le principal intéressé. « Il y a des clauses de sortie des deux côtés mais la saison prochaine, je serai à Monaco, c’est sûr. J’étais prêt à revenir, peu importe que l’on joue en BCL ou en EuroCup. Alors maintenant qu’il y a l’EuroLeague, le deuxième meilleur championnat du monde, c’est tout bonus, c’est une situation idéale. Je suis impatient de prouver que ma place est à ce niveau et que je peux être performant en EuroLeague. »

Peu en doutent, à vrai dire, mais tout l’enjeu pour Rob Gray sera effectivement de parvenir à trouver une certaine forme d’efficacité dans la compétition reine. « Il peut tout à fait être performant en EuroLeague », estime Sacha Giffa. « Rob, c’est quelqu’un qui a besoin de sentir de la confiance et on a vu ce qu’il était capable de faire quand il voit qu’il a un système autour de lui. » Au niveau du talent offensif, aucun doute que le Monégasque devrait continuer à empiler les paniers. Avec la nécessité toutefois de gommer quelques tirs superflus. « Sa marge de progression réside dans la compréhension du jeu », confirme « Le Shaker ». Et sur son implication de l’autre côté du terrain ? Alors oui, Rob Gray ne sera jamais le meilleur défenseur du monde, mais au moins, il ne fait pas semblant. « Il n’est pas nul, loin de là », assure Fred Sarre. Ses qualités athlétiques lui permettent de tenir certains duels individuels mais les difficultés arrivent dans l’organisation collective, dans sa tendance à sortir des rotations. « Regardez combien de fautes offensives il a provoqué au cours de la finale de l’EuroCup ou combien de points Jamar Smith a marqué sur l’ensemble de la série », réfute Oleksiy Yefimov. Au contact de Mitrovic, Gray semble effectivement mettre plus d’intensité. « Je m’améliore », dit-il. « Un peu de progrès, c’est déjà des progrès. Je ne pense pas être un mauvais défenseur du tout. Il faut défendre pour être sur le parquet et je joue beaucoup, je crois que cela veut tout dire. » Quant aux autres critiques, régulièrement entendues, comme cette pointe d’individualisme ? « Égoïste, moi ? Hell, no ! », répond-t-il simplement, avant d’embrayer en prenant les exemples de Michael Jordan ou de son idole Kobe Bryant, également taxés d’individualisme alors « qu’ils faisaient simplement ce qui est nécessaire pour gagner. »

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Le duo Demahis-Ballou – Gray dans les bras de Zvezdan Mitrovic après le triomphe à Kazan
(photo : Manuel Vitali)

En dehors des parquets, Rob Gray dispose d’une personnalité assez surprenante, d’apparence calme et réservé mais disert sur nombre de thématiques, aussi bien capable d’être l’un des premiers joueurs à lancer la fronde contre le Final 8 que de s’épancher sur différentes questions de société. « C’est un garçon extrêmement attachant », souligne Sacha Giffa. « Abonnez-vous à son compte Instagram », conseille Oleksiy Yefimov. « Vous verrez à quel point son esprit est paisible, il fait beaucoup de méditation. » Les sublimes vues sur la plage Mala, depuis son domicile du Cap-d’Ail, peuvent inciter à une certaine spiritualité mais peut-être serez-vous aussi surpris par certains de ses partages, remettant fréquemment en cause les versions officielles / politiques de divers sujets, les vaccins en exemple le plus récent. « Je fais attention à ce qui se passe autour de moi et ce qui se passe dans l’univers », explique-t-il. « J’essaye de répandre les bonnes connaissances et du contenu adéquat pour guider les gens vers la bonne direction. Je veux avoir une influence positive sur ce monde, le laisser dans un meilleur état que je ne l’ai trouvé. Je pense disposer d’une vraie plateforme à destination des fans de sport mais même si ce n’est pas votre cas, même si vous n’influencez qu’une seule personne, vous ne savez pas ensuite qui cet individu pourrait toucher. L’effet domino peut être totalement dingue. Je tire une certaine fierté à défendre ce qui est juste. Le monde est un endroit simple, rendu compliqué par les humains. J’essaye de le garder simple et de faire les bons choix. »

D’un point de vue basket, Rob Gray a su le faire. Jamais il ne serait arrivé aussi vite en EuroLeague sans prendre les bonnes décisions au passage. Aussi, son discours est empreint de slogans, qu’il se plait à répéter en parlant de lui : « Winners win ! » (littéralement : « les gagnants gagnent », ndlr), par exemple, un credo revenu à de multiples reprises au cours de nos quelques 70 minutes d’entretien, aux côtés des « je suis un winner ! » et compagnie. « Les titres et les trophées veulent dire plus que les avis extérieurs », conclut-il ainsi. Difficile de venir le contredire, moins d’un mois après l’avoir vu marcher sur les playoffs de l’EuroCup… « Avec nous, il avait peut-être une vision un peu décalée de ce qu’il devait être mais c’est aussi l’une de ses forces », note Fred Sarre. « Avoir une haute estime de soi, c’est bien et il faut en avoir. »

« Revenir comme Houdini »

Depuis son premier match européen, disputé à… Monaco le 7 avril 2019, ses progrès sont vertigineux. « Je savais que mon style de jeu pourrait bien s’adapter à l’Europe parce que peu importe où vous jouez, vous aurez toujours besoin de quelqu’un capable de mettre des paniers », rit-il.  « Après, la question est de savoir trouver de l’efficacité, de comprendre les subtilités européennes et voir ce qui fonctionne le mieux pour moi. » Justement, outre l’aspect défensif, pour avoir connu le rookie Rob Gray, Frédéric Sarre trouve « qu’il a notamment développé des qualités de contrôle et de maîtrise émotionnelle qu’il n’avait pas tout à fait il y a deux ans. » Unanimement décrit comme un joueur doté d’une irréprochable éthique de travail, Rob Gray promet de suivre un été studieux, de l’autre côté de l’Atlantique, afin de revenir prêt pour les grandes joutes européennes la saison prochaine. « C’est au cours de l’intersaison, quand personne ne le voit, que vous pouvez vraiment bosser et faire une différence sur votre jeu. L’été, j’ai le temps d’utiliser mon imagination, de visualiser certaines situations. Donc quand elles ne se présentent, je ne suis pas surpris. » Comme un tir dans le corner, en isolation, avec trois secondes à jouer en demi-finale par exemple… « Mais comme Anthony Edwards l’a dit, cet été, je ne vais rien révéler sur les aspects de mon jeu que je compte travailler et je vais revenir en septembre comme Houdini », glisse-t-il, en référence au célèbre magicien, avant toutefois de se livrer à quelques pistes.  « Je compte être prêt mentalement et physiquement. Il y a beaucoup de manières pour le faire : manger sainement, peaufiner ma condition physique, regarder des vidéos pour améliorer ma compréhension du jeu et apprendre à ralentir le rythme. Je veux jouer comme un vétéran et ne plus compter que sur mon talent et mon instinct. »

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Quelle évolution depuis son premier match européen, ici représenté par le cliché de gauche !
(photos : Sébastien Grasset)

Avec la découverte de l’EuroLeague l’an prochain, Rob Gray sait déjà que ce sera une « saison charnière » pour lui. Peu au fait des modalités du basket européen il y a deux ans, le combo-guard de la Roca Team ne manque désormais plus un match de la compétition reine, « pour s’imprégner du niveau et comprendre qui [il] va affronter. » Il a tout vu des playoffs, attend avec impatience le Final Four de Cologne, et rien de ce qu’il a vu pour l’instant ne l’effraye. « Eh, ils vont devoir défendre sur moi aussi », réplique-t-il directement, lorsqu’on lui demande s’il se prépare spécifiquement défensivement pour les Shane Larkin, Nando De Colo et autres Sergio Llull. « Les actes valent plus que les paroles toutefois. Je vous en montrerai bien plus sur le terrain que je ne peux vous le dire maintenant. »

Un destin à la Malcolm Delaney ?

Heureux d’avoir quitté rapidement le circuit de la G-League pour opérer une transition réussie vers l’Europe, l’ancien Cougar de Houston n’en a pas pour autant tiré un trait sur ses rêves de NBA. « Ça restera dans un coin de ma tête, jusqu’à ce que j’arrête le basket. On a déjà vu des joueurs passer directement de l’EuroLeague à la NBA alors qui sait ce qui se passera si j’arrive à y être bon… » Avec Facundo Campazzo, Gabriel Deck, Mike James, Luca Vildoza ou Elijah Bryant, le circuit vers l’Association fonctionnait effectivement à plein régime ces derniers mois. « Pour la NBA, il va peut-être manquer un peu de taille  », prévient néanmoins Sacha Giffa. « Ou alors il faudrait que ce soit au poste de meneur, mais il a vraiment plus le profil d’un arrière. » Qu’il termine dans la grande ligue ou non, peu importe finalement, Rob Gray a compris que ses possibilités étaient infinies. « Maintenant, je suis en Europe, ma vie est ici et devenir un joueur qui compte en Europe, ce serait beau. C’est ce que je m’évertue à faire en moment. Que j’évolue en NBA, en EuroLeague, en Chine ou en Russie, je veux continuer à progresser et prouver que je suis un bon joueur. Pour l’instant, je reste en France, il ne faut pas presser les choses. J’ai la conviction d’être un très bon joueur, je continue à forger mon jeu mais on peut toujours faire mieux. Je vais m’y prendre saison après saison, doucement mais sûrement… »

Tous ceux qui l’ont côtoyé ces dernières années croient en ses chances de suivre un destin à la Malcolm Delaney, ex-rookie de Pro A devenu un joueur d’envergure en EuroLeague (avec même un crochet de deux ans par la NBA). À la différence près que le champion de France 2012 n’a passé qu’une seule saison en France, tandis que le Monégasque s’attache à y « imposer sa marque » sur le moyen-terme. « S’il reste dans la bonne attitude mentale, dans la volonté de continuer à progresser et travailler, Rob est un garçon qui peut avoir une très bonne carrière européenne », croit Fred Sarre. « Il a la créativité, le contrôle du ballon, la capacité de faire des passes, une vraie qualité d’adresse ou de finition au contact… Autant de forces techniques qui peuvent lui permettre d’évoluer dans des championnats de très haut niveau. » À savoir, l’EuroLeague… « Plus il va rester en Europe, plus il va être bon. Il va se bonifier d’année en année », renchérit Sacha Giffa. Et quand on peut se targuer de posséder un trophée de MVP de la finale de l’EuroCup comme premier jalon d’une carrière européenne, à peine deux ans après son premier match sur le continent, on sait que l’avenir ne peut que être prometteur…

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