Pris entre Macron et l’extrême droite, les conservateurs français choisissent le candidat 2022


Les républicains conservateurs français choisissent leur candidat à la présidence lors d’un vote interne au parti du 1er au 4 décembre, dans l’espoir d’éviter les querelles et les scandales qui ont fait capoter leur palais de l’Élysée il y a cinq ans. FRANCE 24 revient sur les cinq candidats qui se battent pour représenter un parti conservateur amoindri qui se retrouve coincé entre le président Emmanuel Macron et ses challengers d’extrême droite.

Le spectre de 2017

Lorsque les conservateurs français ont choisi pour la dernière fois un candidat à la présidentielle à l’automne 2016, la primaire du parti a été décrite comme une répétition générale pour la course au palais de l’Élysée de l’année suivante. Avec les socialistes au pouvoir dans le marasme, celui qui sortait victorieux de la droite était considéré comme un fer de lance pour la présidence. Mais rien ne s’est passé comme prévu.

Un à un, les champions du parti – Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon – sont tombés à l’écart, victimes de scandales, d’intrigues et d’une soif de changement. Paralysé par une bagarre de « faux travail » impliquant sa femme Penelope, Fillon a finalement été éliminé au premier tour, derrière le centriste Macron et l’extrême droite Marine Le Pen. Incroyablement, Les Républicains avaient arraché la défaite aux griffes de la victoire.

Autrefois favori à la présidentielle, le candidat conservateur de 2017 François Fillon a été entravé par un "faux travail" scandale impliquant sa femme Penelope.
Autrefois favori à la présidentielle, le candidat conservateur de 2017 François Fillon a été entravé par un scandale de « faux travail » impliquant sa femme Penelope. © Lionel Bonaventure, AFP

En bas, mais pas dehors

Cinq ans plus tard, le principal parti conservateur français est une force diminuée, coincée entre un président Macron de plus en plus à droite et un nouveau cheval noir à l’extrême droite : l’agitateur encore non déclaré Eric Zemmour, qui a rongé la base de Le Pen et attire également de nombreux conservateurs. Mais avec les partis de gauche toujours dans le désarroi, Les Républicains restent la seule force dominante dont Macron se méfie encore – et leur choix de candidat à la présidentielle sera étroitement surveillé à l’Élysée.

Conscients des âpres querelles qui ont fait échouer la candidature du parti en 2017, les conservateurs ont opté cette fois pour un vote interne des membres du parti au lieu de primaires ouvertes, et ont exhorté les cinq candidats à s’abstenir de se moquer. Cela a donné lieu à des débats polis et quelque peu calmes au cours desquels les candidats potentiels se sont souvent battus pour des désaccords. Les politiques économiques de Macron empiétant de plus en plus sur un terrain conservateur, les cinq candidats ont plutôt doublé leurs efforts en matière de sécurité et d’immigration – certains s’enfonçant profondément dans le territoire d’extrême droite.

Les candidats à la présidentielle des Républicains, de gauche à droite : Eric Ciotti, Valérie Pécresse, Michel Barnier, Philippe Juvin et Xavier Bertrand.
Les candidats à la présidentielle des Républicains, de gauche à droite : Eric Ciotti, Valérie Pécresse, Michel Barnier, Philippe Juvin et Xavier Bertrand. © Thomas Samson, AFP

Les favoris

Après avoir quitté Les Républicains au milieu de la vague contestataire qui a bouleversé la politique française en 2017, Xavier Bertrand a déclaré à plusieurs reprises qu’il ferait cavalier seul et ne participerait pas aux primaires cette année. Mais lorsque le parti n’a pas réussi à se rallier à lui, le chef de la région Nord des Hauts-de-France a été contraint de manger son chapeau, de renouveler son adhésion et de se soumettre finalement à un vote. Ancien ministre de la Santé et du Travail, l’homme de 56 ans affiche les meilleurs résultats parmi les cinq candidats. Des victoires consécutives dans sa région du champ de bataille, cible clé du parti du Rassemblement national de Le Pen, lui ont permis de se présenter comme un rempart contre l’extrême droite.

Comme ses rivaux, Bertrand a frappé une ligne pro-business, promettant des allégements fiscaux pour l’industrie, des investissements massifs dans des projets d’infrastructure, la fin des 35 heures et un relèvement de l’âge légal de la retraite (jusqu’à 64 ans, par rapport à l’actuel 62). Champion du nucléaire, il veut construire 10 nouveaux réacteurs et stopper la construction d’éoliennes, qu’il qualifie régulièrement d’« horreurs » qui bouleversent le paysage français. Il prévoit également d’introduire une peine de prison minimale de 50 ans pour les crimes liés au terrorisme et de permettre aux procureurs de statuer à la place des juges pour des infractions moins graves afin d’accélérer le processus judiciaire.

Xavier Bertrand, 56 ans, espérait décrocher l'investiture du parti sans concours.
Xavier Bertrand, 56 ans, espérait décrocher l’investiture du parti sans concours. © Ludovic Marin, AFP

Un autre rapatrié récent, Valérie Pécresse a également été forcée de manger une humble tarte, retournant au bercail après avoir quitté Les Républicains et créé son propre mouvement en 2019. Comme Bertrand, elle a récemment été portée par une réélection confortable à la tête de la région parisienne, un territoire auparavant gouverné par la gauche et désormais convoité par le parti de Macron. Pécresse, 54 ans, a été porte-parole du gouvernement, ainsi que ministre du Budget et de l’Enseignement supérieur, sous l’ancien président Sarkozy. Considérée comme une conservatrice modérée, elle a récemment durci son discours sur l’immigration – dans la lignée du reste du parti.

Seule femme dans la course, Pécresse a placé le soutien familial au cœur de sa plateforme, promettant d’augmenter les allocations pour les ménages avec deux enfants ou plus et de renforcer les allégements fiscaux pour les emplois de garde à domicile. Elle prévoit d’augmenter les salaires en réduisant les impôts et les cotisations de retraite tout en allongeant les heures de travail et en relevant l’âge légal de la retraite à 65 ans. Elle souhaite également supprimer 150 000 emplois de fonctionnaires. D’autres propositions incluent une taxe carbone pour les importations en provenance de l’extérieur de l’UE, stimulant à la fois l’énergie nucléaire et les éoliennes (dans ce dernier cas, avec le consentement du public), et l’expulsion des ressortissants étrangers soupçonnés d’activités islamistes radicales.

Valérie Pécresse, 54 ans, est à la tête de la région parisienne, la plus peuplée de France.
Valérie Pécresse, 54 ans, est à la tête de la région parisienne, la plus peuplée de France. © François Nascimbeni, AFP

Le cheval noir : Monsieur Brexit

Les anglophones habitués à entendre parler de l’ancien négociateur en chef du Brexit de l’UE, suave, articulé et toujours poli, pourraient être surpris d’apprendre que Michel Barnier est rarement vu par ses compatriotes français comme un favori dans la course à l’Élysée. Avec ses multiples portefeuilles ministériels, deux passages en tant que commissaire européen et une connaissance approfondie des parlements français et européen, le Savoyard de 70 ans a plus d’expérience – et certainement plus de reconnaissance internationale – que ses quatre prétendants réunis. Mais ses manières douces et ses affectations continentales l’ont longtemps tenu à l’écart de la mêlée française. Pourtant, sa loyauté indéfectible envers le parti pourrait l’aider à créer une surprise lorsque les membres voteront.

Ceux qui ont suivi la saga du Brexit seront également surpris d’entendre Barnier s’en tenir à une ligne nettement eurosceptique depuis qu’il a déclaré sa candidature présidentielle. Après avoir négocié les termes du divorce exténuant de la Grande-Bretagne avec l’UE, le diplomate chevronné dit qu’il comprend l’exaspération du peuple face à une bureaucratie européenne considérée à la fois comme distante et envahissante. Sur un ton gaulliste, Barnier a promis de restaurer les pouvoirs souverains de l’État français en matière d’immigration, de restreindre les entrées et de convoquer un référendum pour protéger la France de l’ingérence des tribunaux européens. Comme ses rivaux, il envisage de baisser les impôts, d’augmenter le temps de travail et de repousser l’âge de la retraite. Contrairement à eux, cependant, il prévoit d’augmenter les salaires des travailleurs de la santé et de l’éducation épuisés par la pandémie tout en doublant le nombre de juges pour alléger la pression sur une magistrature surmenée.

Michel Barnier, le négociateur de l'UE pour le Brexit, s'est montré clairement eurosceptique pendant la campagne électorale.
Michel Barnier, le négociateur de l’UE pour le Brexit, s’est montré clairement eurosceptique pendant la campagne électorale. © Sébastien Salom-Gomis, AFP

Les étrangers

Alors que les cinq candidats ont adopté une ligne dure en matière d’immigration, personne n’a poussé plus loin que Eric Ciotti, un pilier du parti et législateur de la région des Alpes Maritimes autour de Nice, dont les politiques chevauchent la frontière de plus en plus floue entre droite et extrême droite. Ayant déjà refusé de soutenir Macron contre Le Pen lors du second tour de 2017, l’homme de 56 ans a déclaré ouvertement qu’il préférerait voter pour Zemmour – un apologiste du régime de Vichy allié aux nazis – que pour le président sortant. Il épouse également la théorie largement démystifiée du « Grand Remplacement » de l’extrême droite, selon laquelle les élites complotent pour remplacer les ressortissants français de souche blanche par des immigrés.

Ciotti prévoit de supprimer 250 000 emplois de fonctionnaires, de mettre fin à l’imposition progressive et de faire travailler 39 heures par semaine tout en gagnant un salaire de 38 heures. Il envisage également de retirer la France de l’espace Schengen sans visa et de remplacer la citoyenneté de naissance par la citoyenneté par le sang. D’autres politiques incluent des peines plus sévères pour ceux qui ciblent la police, une augmentation de la capacité des prisons de 40 000 personnes et la création d’un « French Guantanamo » pour détenir les personnes signalées par les forces de l’ordre comme des menaces potentielles pour la sécurité nationale.

Eric Ciotti, 56 ans, a déclaré qu'il choisirait l'extrême droite plutôt que Macron.
Eric Ciotti, 56 ans, a déclaré qu’il choisirait l’extrême droite plutôt que Macron. AFP

L’autre outsider, 57 ans Philippe Juvin, est le candidat le moins connu en lice pour l’investiture conservatrice. Médecin et chef du service des urgences de l’hôpital George Pompidou à Paris, il s’est d’abord fait connaître lors de la crise du Covid-19, faisant de fréquentes apparitions à la télévision française. Longtemps maire de La Garenne-Colombes, au nord-ouest de la capitale, il se présente comme le « candidat des services publics » dans un domaine où tous les autres envisagent de supprimer des emplois publics.

Les propositions de Juvin comprennent la création d’une force de police municipale dans toutes les villes de 10 000 habitants ou plus ; augmenter le nombre d’étudiants en médecine pour aider les régions souffrant d’une pénurie de médecins; et atteindre 50 % d’énergies renouvelables d’ici 2050, notamment grâce à la construction de parcs éoliens offshore. Mais ses politiques économiques, avec des allégements fiscaux et des heures de travail plus longues, le rapprochent de ses rivaux. Il en va de même de sa position sur l’immigration, qui comprend une suspension des accords de Schengen et le retrait de la France de la juridiction de l’UE avec l’introduction de limites nationales à l’immigration.

Philippe Juvin, 57 ans, dirige le service des urgences de l'hôpital George Pompidou à Paris.
Philippe Juvin, 57 ans, dirige le service des urgences de l’hôpital George Pompidou à Paris. © Thomas Samson, AFP

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