poursuite des manifestations, l’ambassadeur à l’ONU rompt avec la junte


Des manifestants protestent contre le coup d'Etat, le 26 février à Rangoun.

C’est une vague de colère qui traverse quotidiennement la Birmanie depuis le coup d’État du 1euh février. Jusqu’ici épargnée par l’usage de la force, contrairement à d’autres villes du pays, la capitale économique, Rangoun, est le théâtre depuis vendredi d’un déploiement massif de la police antiémeute. La police a utilisé, samedi 27 février, des balles en caoutchouc pour disperser une manifestation au carrefour de Myaynigone, la veille d’un long affrontement.

«Que fait la police? Elle protège un dictateur fou! », scandaient les manifestants. Des centaines de membres de l’ethnie Môn s’étaient rassemblés pour commémorer leur fête nationale, rejoints par d’autres groupes ethniques protestants contre le coup d’État. Les manifestants, pour beaucoup de munis de masques à gaz, casques et boucliers de fortune, sont partis construire des barricades dans les petites rues alentour. Les reporters locaux ont diffusé des scènes chaotiques en direct sur Facebook, y compris les moments où les coups de feu ont retenti. On ignore si des balles réelles ont été utilisées.

Au moins quinze personnes ont été arrêtées samedi, a confirmé la police. Trois journalistes parmi les personnes arrêtées dont un photographe de l’agence américaine Associated Press ainsi qu’un vidéaste et un photographe de deux agences birmanes, respectivement Myanmar Now et Myanmar Pressphoto.

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Un affrontement d’une heure avait eu lieu au même endroit vendredi, alors que des centaines de manifestants défilaient pour réclamer le retour de la démocratie et d’Aung San Suu Kyi. Six manifestants avaient été arrêtés, ainsi qu’un reporter japonais indépendant, après que la police eut dégagé la principale artère, obligeant les manifestants et les journalistes à se déporter dans les rues secondaires. Selon des témoins de la scène, le journaliste Yuki Kitazumi «A été frappé à la tête avec une matraque mais il portait un casque», un fils assistant détaillé sur Facebook, Linn Nyan Htun. Un policier a nié que M. Kitazumi a été battu, et déclaré plus tard qu’il avait été libéré. Une centaine de personnes ont été arrêtées vendredi dont trente et une à Rangoun. Des manifestations ont aussi eu lieu vendredi à Mandalay (centre), la deuxième plus grande ville du pays.

Un manifestant blessé a été arrêté et placé à l'arrière d'un camion de police, le 26 février 2021.

«Cette révolution doit gagner»

L’ambassadeur de la Birmanie aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, a appelé vendredi d’une voix émue à «Mettre fin au coup d’État militaire». «Nous avons besoin de l’action la plus forte de la communauté internationale pour immédiatement mettre fin au coup d’État militaire, mettre fin à l’oppression du peuple innocent et rendre le pouvoir de l’État au peuple», a déclaré Kyaw Moe Tun lors d’une session spéciale de l’Assemblée générale consacrée à la Birmanie.

En quelques phrases en birman, il a demandé à ses «Frères et sœurs» de poursuivre le combat contre la junte. «Cette révolution doit gagner», at-il lancé, achevant son discours d’une douzaine de minutes sous les applaudissements avec trois doigts levés, le geste de ralliement des manifestants.

Le dernier cas d’ambassadeur s’élevant en séance contre ses autorités à l’ONU remonte à 2011 lorsque le représentant libyen s’est présenté au dictateur Mouammar Kadhafi en pleine révolte libyenne. «Nous allons montrer aux militaires [birmans] que leurs actions ont des conséquences », a prévenu l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield.

L’émissaire de l’ONU pour la Birmanie, Christine Schraner Burgener, a exhorté par liaison vidéo les 193 membres de l’Assemblée générale à «Envoyer collectivement un signal clair en faveur de la démocratie en Birmanie».

Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix 1991, n’a pas été vue en public depuis son arrestation. Assignée à résidence dans la capitale, Naypyidaw, elle a été inculpée pour l’importation illégale de talkies-walkies, puis pour violation des restrictions liées au coronavirus. Malgré plusieurs demandes, son avocat, Khin Maung Zaw, n’a pas été autorisé à voir sa cliente avant une audience fixée lundi.

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Depuis le coup d’État, quatre personnes ont perdu la vie pendant des manifestations, une autre est morte au cours d’une patrouille nocturne, tandis que l’armée a signalé de son côté au moins un policier avait été tué. Plusieurs centaines de personnes ont également été arrêtées. Une ONG d’aide aux prisonniers politiques évalue à plus de 770 le nombre de personnes arrêtées, inculpées ou condamnées depuis le putsch, dont quelque 680 toujours derrière les barreaux.

Le Monde

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