« Plus il y a de points de suture et d’os cassés, plus j’aime ça », se remémore Bakkies Botha


Huit ans après son départ de Toulon, le deuxièm ligne sud-africain Bakkies Botha (43 ans) était de retour dans le cadre des festivités autour du « Hall of Fame » organisé par le club. Le champion du monde (2007) avec les Springboks et triple champion d’Europe avec le RCT (2013, 2014, 2015) est revenu sur cette période dorée et ces liens avec toutes les stars de l’époque. Et en revendiquant, des années après, son jeu dur sur le terrain.

Comment se dérouler votre vie aujourd’hui, loin du rugby professionnel ?

Oui, je suis assez loin du rugby pro mais la vie est belle ! Avec ma femme, mes enfants. Et je ne pouvais pas mieux finir que mes quatre, cinq dernières années au RCT. Et revenir huit ans après ici, pour voir ces vieux mecs avec leurs vieux visages, c’est bon ! C’est toujours bien de les revoir, de prendre de leurs nouvelles sur l’après rugby, après les belles histoires.

Le rugby vous manque-t-il ?

Non, ça ne me manque pas aujourd’hui. Je le regarde beaucoup à la télé, mais jouer ne me manque pas, car c’était ma décision d’arrêter. Quand vous faites ça, vous êtes en paix dans votre cœur. Donc non, ça ne me manque pas du tout. Vous savez, jouer durant dix-sept ans, c’est long. Et de terminer en haut, spécialement ici à Toulon, ce fut un parcours incroyable pour moi. Je suis rentré chez moi mais aujourd’hui encore on parle encore de cette période, de ces trois Coupes d’Europe, de ce titre de champion de France remportés et de cette équipe incroyable dans laquelle on a joué. A la fin de l’histoire, ce que vous laissez, ce sont de magnifiques histoires.

Bakkies Botha, célébrant le titre de champion d’Europe 2015. – IconSport

Peut-être manquez-vous au rugby ? Comme le bisou que vous aimez envoyer à vos adversaires sur le terrain ?

(Il rigole) Certainement ! Le bisou, c’est ma « spéciale » ! Beaucoup de gens m’ont demandé : « mais d’où ça vient ce bisou ? ». Je pense que j’ai besoin d’amener un côté doux dans la brutalité. Tout le monde pense que je suis ce joueur dur et les adversaires devaient avoir ma peau, m’attraper sur le terrain. Et quand je leur envoyais un bisou… (il fait une tête interloquée) « non, ce n’est pas possible, ce mec m’envoie un bisou ?! ». Ils ne savaient pas quoi faire ! C’était toujours bon de lire leur réaction sur leur visage. Toujours marrant.

Revenir à Toulon ces derniers jours, qu’est-ce que ça signifie pour vous ?

C’est incroyable. De voir les choses qui ont changé ici, ce centre d’entraînement, avec ce toit, les bureaux… nous avions un petit terrain et des petits bureaux derrière le stade ! Et de retrouver la passion d’un match de Top 14 ! Puis tous ces mecs avec qui j’ai joué. Carl Hayman, Matt Giteau, Drew Mitchell, Bryan Habana… les revoir à nouveau et savoir si tout va bien pour eux. C’est important de pouvoir prendre de leurs nouvelles. Car oui, sur un ensemble joué, mais il y a une vie après le rugby.

« Toulon, c’était juste la cerise sur le gâteau dans ma carrière »

Et que retenez-vous de cette période ? Les titres ? La passion ? Vos coéquipiers ?

Tout ! Beaucoup de gens m’ont demandé quels étaient les moments les plus marquants dans ma carrière. J’ai été un privilégié et tellement gâté. Toute ma carrière a été marquante. Tout ce que j’ai disputé, je l’ai gagné. De la Currie Cup aux Tri-Nations, la Coupe du monde, la Coupe d’Europe, le Top 14, j’ai tout gagné ! Mais venir dans un club comme Toulon, c’était juste la cerise sur le gâteau. Et c’est pourquoi la cerise est rouge (il sourit). Parce que rencontrer Jonny Wilkinson, rencontrer Carl Hayman, Matt Giteau ou Drew Mitchell… une des raisons pour lesquelles je suis venu était de découvrir Carl Hayman, qui jouait déjà ici. Car je pense encore aujourd’hui qu’il était l’un des meilleurs piliers droits du monde. Et au-delà du climat magnifique ici, la mer, l’environnement, je voulais jouer avec Carl Hayman. Je suis venu ici pour jouer dans une équipe où tous les joueurs étaient mes ennemis ! Ils jouaient tous contre moi avant ! Et là, vous arrivez à Toulon et vous devez tous jouer ensemble. C’est ça qui a été spécial pour moi car mes trois dernières années de carrière se sont terminées sur un beau parcours. Tous ces trophées qu’on a gagnés sur une courte période, je ne les oublierai jamais, de toute ma vie.

De gauche à droit, en mai 2014 : Sebastien TILLOUS BORDE / Carl HAYMAN / Ali WILLIAMS / Craig BURDEN / Bakkies BOTHA / Juanne SMITH / Drew MITCHELL – IconSport

C’est toujours dans votre mémoire ?

Je suis arrivé sur le parking de l’entraînement là-bas (il montre) le 1er novembre 2011. Quand je suis descendu de la voiture, je suis tombé face à face avec Matt Giteau. Je le voyais toujours sur le terrain avec l’Australie quand je jouais contre elle. En fait, nos contrats commençaient le même jour. C’est là où tout a commencé. Et je l’ai déjà dit avant : pour moi, ce n’était pas la fait que je reçoive un paquet d’argent de la part de Toulon. C’était de venir ici pour avoir le respect de ces joueurs de classe mondiale. C’était ma volonté et ce que je voulais réussir. Venir dans un club comme le RCT et dire : « je peux avoir le respect de Jonny Wilkinson, de Carl Hayman ». Parce que maintenant, ce sont mes coéquipiers. Et comment vous faites ça ? Vous donnez tout. Chaque entraînement, chaque match, vous donnez tout. C’est comme ça que vous obtenez le respect de ces grands joueurs. Et aussi longtemps que je l’ai, je suis heureux. Vous pouvez vous éloigner de ce jeu en vous disant : « j’ai tout donné ». Spécialement les dernières années dans cette incroyable équipe.

« Le côté physique et brutal de ce jeu, j’adore ça »

Avez-vous conscience que vous êtes une légende à Toulon ?

(Il rigole) J’aime le côté physique et brutal de ce jeu. J’adore ça. Plus il y a de points de suture et d’os cassés, plus j’aime ça. Mais je dois confesser aujourd’hui que mes années à Toulon ont été celles où j’ai eu le plus de blessures dans ma carrière. Matt Giteau m’a dit qu’il n’y a pas longtemps qu’il se souvient d’un coup d’envoi à Agen et qu’il avait entendu comme un bruit de mitrailleuse. Je m’étais cassé les bras ! Dans un autre match j’ai eu une fracture du crâne… mais c’est ça le rugby. C’est dur et brutal. Et c’est pour ça que je suis venu en France parce que j’avais vu pas mal de vidéos du Top 14, quand le temps est humide et que tu ne peux pas t’échapper facilement. En Top 14, ce rugby m’allait comme un gant. C’était un peu plus prêté qu’en Super 12 (le championnat entre clubs australiens et néo-zélandais, ndlr) mais c’était beaucoup plus physique et brutal. C’était dur. C’est ce que j’ai aimé à Toulon. Le Top 14 est une compétition brutale et vous devez être à votre meilleur niveau physique pour faire la différence.

Vous parlez encore avec passion…

C’était une époque formidable pour moi. Et revenir huit ans après et voir tous ces gars, comme Sonny Bill Williams et Delon Armitage, voir que ça roule pour eux dans la vie, c’est bien.

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