Opinion : L’Allemagne doit faire face à l’agression de la Russie | Avis | DW


L’accord de la coalition gouvernementale a eu raison de consacrer l’une de ses sections les plus longues à la Russie. En plus des paroles amicales qui témoignent de la profondeur et de la diversité des relations germano-russes, il y a des critiques claires des actions agressives de la Russie envers ses voisins.

Il y a des références directes aux « tentatives de déstabilisation de l’Ukraine, à la violence dans l’est de l’Ukraine et à l’annexion illégale de la Crimée » ainsi qu’à la « restriction globale des libertés civiles et démocratiques ». En termes simples : la Russie mène une guerre psychologique et hybride qui ne se limite pas à l’Ukraine et aux pays voisins – et constitue une menace croissante pour l’Occident.

Les développements récents brossent un tableau sombre. Des bombardiers russes à capacité nucléaire sont interceptés par des avions de combat de l’OTAN au-dessus de la mer du Nord. L’homme fort biélorusse Alexandre Loukachenko utilise les réfugiés pour faire chanter l’UE, avec le soutien du président russe Vladimir Poutine. A la frontière russo-ukrainienne, le Kremlin a amassé près de 100 000 soldats et de l’artillerie lourde. Les cyberattaques contre l’Ukraine et l’UE sont à l’ordre du jour.

N’abandonnez plus l’Ukraine

Une invasion russe de l’Ukraine, qui rappelle l’incursion de 2014, est une réelle possibilité. Il y a sept ans, l’Europe et les États-Unis laissaient l’Ukraine en plan. Mais ils peuvent et doivent être aux côtés de Kiev maintenant. L’apaisement du Kremlin aurait des conséquences désastreuses — pour l’ensemble de l’Europe, pas seulement pour l’Ukraine.

Expert en sécurité Oliver Rolofs

Expert en sécurité Oliver Rolofs

Pour protéger l’Ukraine, l’Allemagne et les autres alliés doivent comprendre que l’agression russe ne se limite pas aux chars et aux troupes. Les hostilités du Kremlin envers l’Ukraine sont profondes et font partie d’un schéma plus large de belligérance, qui comprend le chantage énergétique et la guerre économique.

La Russie utilise le gaz comme arme politique à un moment où l’Europe est frappée par une crise énergétique paralysante. Ce n’est pas une nouvelle tactique et l’Ukraine n’est en aucun cas la seule victime : le mois dernier, Moscou a militarisé la carte énergie pour décourager le nouveau gouvernement moldave pro-UE de renforcer ses liens avec le bloc.

Au-delà de la politique des pipelines, la Russie a menacé l’intégrité territoriale de l’Ukraine par une guerre économique sournoise visant à forcer le gouvernement ukrainien dans une impasse financière. Ces moyens de pression ont notamment consisté à resserrer les procédures douanières entraînant de longs retards pour les exportateurs à la frontière, à imposer des interdictions d’importer des produits ukrainiens et à lancer des campagnes de fermeture d’usines dans l’est de l’Ukraine.

Selon les estimations de l’Atlantic Council, un groupe de réflexion, l’annexion de la Crimée par la Russie et l’invasion de l’est de l’Ukraine ont coûté à l’Ukraine au moins 100 milliards de dollars (88 milliards d’euros). Ceci, bien sûr, n’est qu’une analyse économique glaciale. Le bilan humain a été bien plus important, avec 14 000 morts et plus.

L’UE est-elle disposée et capable d’agir ?

L’UE dispose des outils et de la force politique nécessaires pour réagir, mais peut-elle agir de manière suffisamment rapide et décisive ? L’UE doit se forger un nouveau cadre stratégique pour traiter avec la Russie. Dans un premier temps, Bruxelles devrait déballer sa boîte à outils réglementaire et poursuivre la diversification et le dégroupage des marchés de l’énergie.

En collaboration avec la France, le gouvernement allemand devrait ouvrir la porte à une réglementation plus stricte du gazoduc Nord Stream 2 et à Gazprom pour fournir du gaz à la frontière russo-ukrainienne. La récente décision de suspendre les opérations de Nord Stream 2 par le régulateur allemand de l’énergie envoie un message puissant, bien que tardif, au Kremlin que ses tactiques d’intimidation ne seront plus incontrôlées. Le Green Deal de l’UE pour atteindre ses objectifs climatiques ambitieux peut également être utilisé comme un point de pression. Le changement climatique crée de nouvelles réalités géopolitiques qui, avec le temps, coûteront à la Russie des sources de revenus lucratives et ses principaux moyens d’influence.

Berlin et Paris devraient également redoubler d’efforts pour relancer le Format Normandie, plateforme de négociation réunissant les dirigeants ukrainiens, russes, allemands et français.

Envoyer un message clair à la Russie

Tout en repoussant l’agression russe, l’UE doit également s’assurer que le gouvernement ukrainien dispose du soutien nécessaire pour maintenir le cap. S’il est laissé seul, il y a un risque élevé que le pays soit à nouveau la proie d’oligarques politiquement actifs tels que Viktor Medvedchuk et l’ancien président Petro Porochenko, qui ouvrent la porte aux Russes à un moment où un front uni est crucial.

Le gouvernement allemand devrait utiliser ses canaux de communication avec Moscou pour tracer des lignes rouges claires qui mesurent le coût de l’agression russe. L’Europe fait face à un hiver long et froid si la puissance diplomatique et économique combinée de l’UE, des États-Unis et du Royaume-Uni ne parvient pas à dissuader la Russie.

Edité par : Rob Mudge

Oliver Rolofs est un expert en sécurité. Il était auparavant responsable des communications à la Conférence de Munich sur la sécurité, où il a établi le programme de sécurité énergétique.



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