Finances

Objectif de redressement des finances publiques « quasiment à l’arrêt », selon la Cour des comptes


Dans leur rapport annuel, les Sages jugent « limité » l’ambition du gouvernement pour redresser les finances publiques tandis que la dette publique ne reflue pas, notamment depuis les mesures prises pour répondre à la colère des gilets jaunes.

Le gouvernement n’en fait pas assez pour redresser le compte public, selon le rapport annuel de la Cour des comptes paru ce mardi. Dans leur analyse, les Sages estiment que « le redressement des finances publiques, déjà très graduel au cours des dernières années, est aujourd’hui quasiment à l’arrêt ».

Le rapport s’intéresse d’abord au déficit public qui, après avoir atteint 2,5 points de PIB en 2018, a bondi à 3,1 points de PIB, essentiellement en raison de la transformation du CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en allègement de cotisations sociales. « Une hausse temporaire du déficit était ainsi attendue dès le projet de loi de finances pour 2019 », reconnaît la Cour, rappelant cependant que le Projet de loi de finances (PLF) 2019 tablait sur un déficit moins élevé, à 2,8 points de PIB.

D’où viennent ces 0,3 points d’écart? Des mesures prises pour répondre à la colère des gilets jaunes fin 2018 (annulation de la hausse de la fiscalité énergétique, hausse de la prime d’activité, annulation de la hausse de la CSG pour les petites retraites…). Au total, ces dispositions favorables au pouvoir d’achat des ménages ont coûté 9 milliards d’euros aux finances publiques en 2019 et devraient atteindre 17 milliards en 2020, estime la Cour.

Les Sages regrettent également que les baisses importantes de prélèvements (CICE, suppression de la deuxième tranche de la taxe d’habitation, baisse des cotisations salariales, etc.) ont été que partiellement compensées par quelques hausses, notamment avec des taux de cotisations Agirc-Arrco et de la fiscalité sur le tabac qui ont permis de récupérer respectivement 1,8 et 1,4 milliard d’euros. Ainsi, le taux de prélèvements doit passer de 45% en 2018 à 44% en 2019.

Hausse des dépenses publiques

Du côté des dépenses publiques, celles-ci ont augmenté de 1,7% en 2019, soit environ 22 milliards d’euros. Une accélération par rapport à 2018 (+ 1,4%) malgré un fort recul des charges d’intérêts (-4,4 milliards) et la fin des remboursements au titre de l’annulation de la taxe à 3% sur les dividendes ( -3,7 milliards). Sans ces coups de pouce, la dépense publique aurait pu croître de 2,4%.

Ce sont les dépenses des administrations publiques locales qui ont le plus augmenté (+ 3,2%) « sous l’effet d’une poussée d’investissement usuelle en année pré-électorale », indique la Cour des comptes. Les dépenses des administrations publiques centrales ont quant à elles légèrement augmenté (+ 0,2%). Celles des administrations de sécurité sociale ont pour leur part connu une hausse de 2,2%.

Compte tenu de la révision à la hausse du déficit et du ralentissement de l’activité, la dette publique a continué de croître en 2019, à 98,8 points de PIB (2385 milliards d’euros).

« La dette publique reste proche de 100% du PIB et son reflux, toujours inscrit en prévision ne se serait pas produit en 2019 et resterait très incertain en 2020 », observe la Cour des comptes. Et: « Le contraste est saisissant avec la situation moyenne de nos partenaires: sur les cinq dernières années, la dette publique rapportée au PIB a reculé de plus de 9 points dans la zone euro hors France et Allemagne. En Allemagne, le ratio de dette serait repassé sous 60% en 2019 « .

Peu d’amélioration en 2020

Bonne nouvelle pour l’année 2020, le déficit public devrait se réduire à 2,2 points de PIB (53,5 milliards d’euros), mais cette baisse est essentiellement le contrecoup technique de la transformation du CICE, et non des efforts supplémentaires de maîtrise des dépenses, tacle la Cour. La dépense devrait pour sa part être similaire à celle prévue en 2019 « mais avec des risques de dépassement ».

Reste que le déficit structurel ne devrait pas s’améliorer en 2020 (2,2 points de PIB, comme en 2019) La dette publique devrait pour sa part être quasi stable et atteindre 98,7 points de PUB, le gouvernement anticipant un très léger repli d’un dixième de point de la richesse nationale. Les Sages estiment ainsi que « la France a tiré peu de profit de l’environnement économique et financier favorable de la seconde moitié des années 2010 pour consolider ses finances publiques ».

Manque de crédibilité

« L’environnement favorable des années récentes n’a pas non plus été utilisé pour faire reculer le poids de la dette rapportée au PIB. En outre, la poursuite de l’endettement ne s’est pas accompagnée d’une hausse de la part de l’investissement public dans le PIB « martèle la Cour.

Résultat, « le choix effectué depuis deux ans ont conduit à s’écarter des orientations pluriannuelles fixées dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018 ». Celle-ci prévoyait un déficit public inférieur de 0,7 point de PIB à celui estimé.

Cet effort « limité » du gouvernement pour redresser les finances publiques s’explique en grande partie par l’intensification des baisses de prélèvements obligatoires en 2020 (baisse de l’impôt sur le revenu, défiscalisation des heures supplémentaires, etc.). Des mesures insuffisamment compensées par ailleurs.

Les Sages appellent le gouvernement à prendre des mesures pour ramener les finances publiques sur la trajectoire de la LPFP ou, à défaut, à actualiser sa programmation pluriannuelle. Un rapport économique, social et financier conjoint au PLF 2020 réajuste déjà les orientations pluriannuelles mais celles-ci « font ressortir une ambition limitée de redressement des finances publiques », note la Cour, expliquant que « la réduction des déficits, nominaux et structurels, reprendrerait à un rythme modéré à partir de 2021, sans incorporer de rattrapage des constatés à ce jour. Cette trajectoire ne fait donc que décaler le redressement à accomplir « .

En outre, les auteurs du rapport pointent « l’incapacité récurrente à respecter les trajectoires fixées » qui « repose la question de la portée des lois de programmation pluriannuelle ».

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