Médecins « stars », célébrités, politiques: commentez leur avis sur le vaccin influence les Français


Un vaccin injecté en quelques secondes, des médecins souriants et des propos rassurants: mercredi, devant un parterre de journalistes, de photographes et de caméras, saisissez des personnalités « stars » de la médecine ont choisi de se faire vacciner contre le Covid-19. Tous les âges de plus de cinquante ans, et donc prioritaires à la vaccination, ces spécialistes étaient un mais commun: inciter leurs patients, les téléspectateurs et surtout les français les plus sceptiques à suivre leur exemple.

« Il convient de réinjecter de l’enthousiasme, de l’encouragement face à ce vaccin: c’est une formidable aventure et un moment essentiel dans ce combat douloureux », fait ainsi valoir Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer et fraîchement vaccin. Le médecin assume sa communication: « déçu » par la tonalité « défaitiste » jusqu’alors présenté dans les médias au sujet de la vaccination, il souhaite ainsi « faire naître une nouvelle appétence » pour ce processus. « On a dit tant de choses négatives sur ce vaccin … Que ce serait compliqué, trop rapide, trop dangereux. Je veux certifier que ce n’est pas le cas: depuis hier, je ne me suis toujours pas changé en crocodile! « , ironise-t-il auprès de L’Express.

Le médecin sait qu’il part de loin: selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour franceinfo publié début janvier, près de six Français sur dix (58%) qu’il ne souhaite pas se faire vacciner contre le Covid-19, soit une hausse de huit points par rapport au mois dernier. « Nous souhaitons inverser la tendance, et si notre parole peut avoir une valeur, alors tant mieux », confie Axel Kahn. Et pour tenter de convaincre les Français, il n’est pas le seul à se mobiliser: sur les réseaux sociaux ou dans la presse, nombreuses sont les personnalités publiques à exprimer leur opinion favorable sur le sujet.

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Un effet d’électrochoc sur la population française?

Mercredi, 200 personnalités du monde de la culture ont décidé de signer une tribune dans Le Parisien en faveur de la vaccination contre le Covid. « Pour faire un pas décisif dans la maîtrise de la pandémie et ce, sans aucune hésitation, nous nous engageons à nous faire vacciner dès que cela sera possible », Paiement des célébrités très populaires chez les Français, comme Gérard Jugnot, Daniel Auteuil, Nagui ou encore Grand Corps Malade. Un pari qui pourrait bien s’avérer gagnant: selon le sociologue Jocelyn Raude, spécialiste en psychologie de la santé et des maladies infectieuses, cette vague de communication positive autour du vaccin pourrait avoir un effet d’électrochoc sur la population française.

Selon le spécialiste, un « basculement impressionnant » a eu lieu ces derniers jours dans le traitement médiatique de la question vaccinale. Jusqu’alors remis en question ou boudé par certaines personnalités publiques, le vaccin produit par Pfizer BioNTech semble finalement avoir conquis le coeur de certains de ses détracteurs. Le très médiatique professeur Éric Caumes, chef du service infectiologie de la Pitié-Salpêtrière, est ainsi passé d’un appel à la prudence concernant le produit à une communication bien plus positive, noter dans Le Parisien qu’après avoir examiné de nouveaux rapports, il se ferait finalement vacciner « sans aucun problème ». « Sur un rééquilibrage violent sur le sujet », analyse Jocelyn Raude. « Nous sommes allés tellement loin dans la critique, dans la frilosité face au vaccin, que ce mouvement de balancier inverse peut faire ses preuves ».

Pour le sociologue, la question est intimement liée à un mécanisme plus large: comment, en pleine pandémie et face à une maladie complexe, sur laquelle « on a tout dit et son contraire », les Français prennent-ils leur décision face à la vaccination ? « Méfiants face à une technologie qu’on ne connaît pas bien, nous tentons de réfléchir par nous-mêmes, en faisant notamment un rapport bénéfice-risque », répond Jocelyn Raude. Si l’information disponible sur le marché est alors négative, ou présentée comme anxiogène, « on aura un problème », juge-t-il. Si, au contraire, l’opinion majoritaire se conforme à une vision positive du sujet, il y aura alors un rééquilibrage de ce que le sociologue appelle « la norme perçue ». C’est ainsi que la place des leaders d’opinions, notamment, pourrait prendre toute son importance.

« Vieux comme le monde »

Un concept « vieux comme le monde », résume l’historien Laurent Henri-Vignaud, auteur de Antivax. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours (Vendémiaire, 2019). Au XIXe siècle, lors des campagnes de vaccinations contre la variole, les évêques demandaient ainsi aux curés de prêcher dans leurs paroisses en faveur de la vaccination, et le gouvernement insistait auprès des maires pour se faire vacciner devant leurs administrés. « Cette idée de mobiliser les notables et les personnalités est très ancienne », insiste Laurent Henri-Vignaud, citant par exemple l’implication d’Elvis Presley dans la vaccination anti-polio en 1956. Le futur « King » était ainsi fait vacciner en direct, devant les dizaines de millions de téléspectateurs de CBS.

« Ce type de technique affective peut fonctionner, dès lors qu’une communauté s’identifie à ce leader d’opinion », décrypte Fabienne Martin-Juchat, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Grenoble- Alpes. « Pour certains, ce sera un chanteur de rap, pour d’autres, le directeur de l’Opéra de Paris! », Illustre-t-elle. Mais à chaque fois, le résultat est le même: dès lors qu’une personnalité se place dans une logique de « mise en scène d’elle-même », la confiance et l’adhésion l’emportent.

« Nous sommes des êtres d’imitation, et la figure d’exemplarité fonctionne très bien sur certaines personnes », présente la spécialiste, qui tient néanmoins à différencier la caméra face à la vaccination et la simple publication d’une tribune. « Ça n’aura pas le même impact, car ce n’est pas le même processus de persuasion », rappelle-t-elle.

« Cette communication ne peut fonctionner que si elle ne tourne pas en injonction », ajoute Laurent Henri-Vignaud. Il indique par ailleurs que ce genre de processus peut même être contre-productif si certaines personnalités recherchent « à se mettre en valeur à travers cette communication », ou se transforment en « moralisateurs ». Jocelyn Raude, lui aussi, nuance: le sociologue rappelle qu’il existe autant de groupes Facebook et de célébrités « anti-vax » que de personnalités en faveur du produit. « Cette communication ne servira probablement pas à séduire tous les sceptiques. Mais dans la problématique complexe du Covid, autant actionner tous les leviers possibles », juge le sociologue.


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