Marie-Victorin : à qui l’avantage ?


Un nouveau sondage de la maison Recherche Mainstreet dans la circonscription de Marie-Victorin, où se tiendra une élection partielle ce lundi, donne à la candidate caquiste Shirley Dorismond une avance sur le péquiste Pierre Nantel, et montre un effondrement de l’appui aux autres partis.

À la question : « Comme vous le savez peut-être, il y aura une élection partielle dans votre circonscription de Marie-Victorin pour élire un représentant à l’Assemblée nationale du Québec. Pour qui avez-vous l’intention de voter à cette élection partielle ? », le candidat de la Coalition Avenir Québec récolte 40 % d’appui parmi l’échantillon entier du sondage de 431 répondants. Pierre Nantel, du Parti québécois, l’aval de 33 % des sondés. Les candidats libérale (8 %), solidaire (5 %) et conservatrice (5 %) se retrouvent loin derrière le peloton de tête. Au total, 8 % des répondants affirment être indécis.

Parmi les électeurs décidés, la CAQ récolte 43 % d’appui, contre 36 % pour le Parti québécois.

La semaine dernière, un sondage local de Repère Communication dans Marie-Victorin (publié dans L’actualité) accordait une avance de 12 points à Pierre Nantel sur sa rivale caquiste.

Selon Mainstreet, même si les deux enquêtes ont été réalisées à une semaine d’écart, Dorismond mènerait plutôt par sept points, une différence se trouvant juste à l’intérieur de la marge d’erreur combinée (plus ou moins 4,7 points de pourcentage dans un sens comme dans l’autre) pour les deux candidats. Il ne serait pas mathématiquement faux de dire qu’il s’agit d’une égalité statistique, mais cela demeure une avance notable.

La question maintenant est de savoir laquelle de ces formations politiques aura la meilleure performance de terrain — à la fois le premier week-end d’avril, lors du vote par anticipation, et le 11 avril (lundi), le jour du scrutin.

Le scientifique en moi est particulièrement intéressé par le dénouement de cette course, non seulement pour ses conséquences sur les dynamiques à l’Assemblée nationale ou même pour la potentielle arrivée d’un politicien d’expérience comme Pierre Nantel représentant le PQ, mais bien pour les différences de mesure de l’opinion publique dans cette circonscription.

Dans le contexte actuel, les chiffres de Repère avaient de quoi surprendre. Rappelons qu’en 2018, le parti souverainiste avait conservé son bastion de justice avec Catherine Fournier. Et les appuis nationaux au PQ ont fondu par la suite : en moyenne, de six à huit points depuis les dernières élections générales. Marie-Victorin est-elle une enclave distincte du reste du Québec ? Un microclimat politique ? Qui sait.

Outre les avertissements habituels sur le fait qu’il s’agissait d’un sondage interne et que sonder pour une élection partielle est toujours un exercice périlleux (à cause des taux de participation plus faibles qu’à des élections générales), on doit faire confiance ici au principe méthodologique du rasoir d’Occam, selon lequel il faut privilégier d’abord l’hypothèse la plus simple pour expliquer un phénomène.

Dans ce cas-ci, la force relative du PQ dans cette circonscription est la candidature même de Pierre Nantel. Politicien connu pour ses années comme député de la circonscription fédérale de Longueuil–Saint-Hubert (qui récupère en partie les limites de Marie-Victorin), Pierre Nantel est démeuré dans l’espace public depuis son départ de la Chambre des communes, entre autres comme collaborateur régulier à La joute sur les ondes de LCN et à d’autres plateformes des médias de Québecor. Sa notoriété joue en sa faveur sans aucun doute.

Toujours est-il qu’un des deux sondages a tort, et celui qui aura raison sera l’enquête qui aura peut-être su le mieux mesurer l’aval aux autres partis. En effet, les deux sondages probabilistes accordent des appuis similaires au Parti québécois : 37 % pour Repère Communication et 36 % pour Mainstreet.

Repère Communication erronée par contre les intentions de vote pour les autres partis plus élevées que ce que mesure Mainstreet : 15 % au PLQ, 12 % à QS et 9 % au PCQ, une partie combinée de 36 %. Mainstreet donne à ces trois partis un total de 20 %. Et c’est peut-être là que se jouera cette élection.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces différences. Comme mentionné plus haut, le taux de participation aux élections partielles est généralement bien plus faible qu’aux élections générales (lors de la partielle de 2016 dans Marie-Victorin, 26 % des électeurs se sont donné la peine de voter, contre 63 % aux élections générales).

Or, la faible participation pourrait être encore plus marquée parmi les électeurs des partis n’ayant aucune chance réaliste de gagner. Par exemple, serait-il possible que Mainstreet ait mesuré une baisse d’enthousiasme chez les électeurs libéraux ? La formation n’étant pas compétitive sur le terrain dans Marie-Victorin, se pourrait-il qu’une fraction des électeurs du PLQ ait décidé d’appuyer sur le candidat caquiste pour battre Pierre Nantel ?

À l’inverse, même si les tensions entre le PQ et QS ont été bien documentées au fil des ans, peut-être que la chute mesurée de l’appui à QS dans Marie-Victorin pourrait améliorer les chances de Pierre Nantel, un ancien député du NPD fédéral (parti avec lequel QS partage de nombreux électeurs au Québec selon les sondages) ?

Néanmoins, l’analyste de sondages en moi est particulièrement curieux de voir commenter les résultats se compareront à ces deux sondages. Peut-être que la poire sera coupée en deux et que nous aurons une quasi-égalité au fil d’arrivée. Peut-être que l’échantillonnage de Mainstreet est représentatif de l’électorat de Marie-Victorin, mais pas de ceux et celles qui participeront à cette élection partielle. Et peut-être aussi que le sondage de Repère sous-estime grossièrement la CAQ : en 2018, elle avait obtenu 28 % dans Marie-Victorin, alors il est certes peu probable qu’elle se trouve sous ce niveau présentement — si l’on se fie aux nombreux sondages régionaux et nationaux des derniers mois.

Une victoire caquiste dotait sans doute l’aura d’invincibilité autour de la CAQ, qui avait également remporté les deux autres élections partielles de cette législature, dans Roberval et Jean-Talon, avec des marges confortables. Une victoire péquiste offrirait à Paul St-Pierre Plamondon une rare bonne nouvelle pour son parti en vue des élections à l’automne (et fermerait le clapet, au moins temporairement, à ceux qui prophétisent la disparition du PQ), comme le souligne mon collègue Guillaume Bourgault-Côté dans le numéro de mai de L’actualité.

Alors, quelle est ma prédiction ? La vraie réponse, honnête et scientifique, est « je ne sais pas », mais j’ai drôlement hâte de pouvoir comparer les chiffres. Nous le saurons lundi soir.

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Les données de ce sondage Recherche Mainstreet ont été puisées du 2 au 4 avril 2022 auprès de 431 électeurs québécois de 18 ans et plus habitant dans la circonscription de Marie-Victorin. La marge d’erreur des résultats de l’échantillon complet du sondage est de ±4,7 %, 19 fois sur 20. Les répondants ont été joints par appels automatisés via des lignes terrestres et cellulaires. Pour consulter le rapport du sondage, visitez ce lien.

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