L’Europe n’a pas besoin de quatre années supplémentaires de « merkelisme »


Mises à jour de la politique allemande

Et le gagnant est . . . Angela Merkel. Après 16 ans, la chancelière allemande se retire. Les électeurs de la nation signalent qu’ils veulent s’accrocher au « merkelisme ». Le monde est en tumulte et, après l’Afghanistan, l’alliance atlantique en déroute. L’Allemagne ne veut pas être dérangée. Après si longtemps sous la couette, la promesse qu’il attend du prochain chancelier est que la vie puisse continuer comme avant.

Les prédictions du résultat éventuel des élections du 26 septembre doivent commencer par un avertissement sanitaire. La politique allemande s’est fragmentée, multipliant les combinaisons possibles pour une coalition gouvernementale. Et la campagne a encore deux semaines pour se dérouler. Le point fixe est le climat national de continuité.

Les sondages d’opinion ont déjà renversé les idées reçues. La campagne a commencé par un consensus à Berlin selon lequel le Parti social-démocrate (SPD) de centre-gauche était un certain perdant. L’Union chrétienne-démocrate de Merkel semble avoir étouffé son partenaire junior dans deux grandes coalitions. Les centristes parmi les partisans du SPD devenaient verts. Les gauchistes désertaient au profit de l’ancien communiste Linke. Le défi au statu quo est venu d’Anna Baerbock, la leader télégénique des Verts.

Et maintenant? Si les sondages sont bons, le SPD a une avance considérable. Les cotes d’écoute de la CDU sont aussi basses qu’elles ne l’ont jamais été. Armin Laschet, le successeur choisi de Merkel, a trébuché à chaque tour. Il est trop tard pour passer à Marcus Soder, le leader le plus accompli du parti frère bavarois de la CDU, la CSU. Quant à l’énergique Baerbock, la fraîcheur a trop ressemblé à de l’inexpérience.

Les électeurs allemands se sont plutôt tournés vers Olaf Scholz du SPD. Compétent, solide et convenablement ennuyeux, il s’est imposé comme le candidat chancelier avec la prétention la plus convaincante d’être l’héritier de Merkel. Ministre des Finances de la coalition actuelle, il n’a pas hésité à se présenter comme le candidat à la continuité de la sécurité d’abord.

Scholz affiche autant de charisme que, eh bien, Merkel. Sa campagne se vante qu’il servira de « Madame » chancelière. Il a volé sans vergogne le geste de la main signature que Merkel déploie pour projeter une assurance apaisante. Il est attaché au « frein à l’endettement » qui plafonne les dépenses publiques de l’Allemagne. Et il n’a rien dit qui engagerait l’Allemagne à aider à contrer les menaces qui se multiplient contre l’ordre international libéral sur lequel sa prospérité est fondée.

Les notes personnelles de Merkel restent élevées. Même si l’on exclut les trois derniers premiers ministres britanniques, l’Europe n’a pas été trop chargée ces derniers temps par de grands dirigeants. Pensez à l’excitable Nicolas Sarkozy en France ou à l’éclatement sans fin de la politique en Italie et les arguments en faveur de la constance ont été suffisamment évidents. Et pour la défense de la chancelière, elle a payé un lourd tribut politique pour son seul acte d’audace : ouvrir les frontières du pays à un million de réfugiés en 2015.

Pourtant, son départ est attendu depuis longtemps. Ces dernières années, sa prudence a viré au cynisme. Merkel s’est longtemps plainte de l’absence d’un partenaire crédible à Paris pour redynamiser la collaboration européenne. L’élévation à l’Elysée d’Emmanuel Macron a justement fourni un tel partenaire. La chancelière a rapidement trouvé d’autres raisons pour écarter les initiatives françaises. L’Europe a avancé, en témoigne la décision de mettre en place un fonds de relance Covid de 750 milliards d’euros. Mais Berlin n’a signé que lorsqu’il le fallait.

La contestation par la Chine d’un ordre mondial ouvert et fondé sur des règles n’a pas été autorisée à interrompre les exportations allemandes. Ni les tentatives de la Russie de déstabiliser ses alliés occidentaux. L’année dernière, Merkel a défendu un nouvel accord d’investissement de l’UE avec Pékin. Cette année, elle a réussi à maintenir en vie le projet Nordstream d’acheminer le gaz russe directement vers l’Allemagne.

Bien sûr, il y a eu des discours occasionnels admettant que Berlin doit partager la tâche de préserver les valeurs partagées de l’Europe dans un monde qui tombe rapidement dans une autre ère de compétition entre les grandes puissances. Mais le message omniprésent qu’elle a transmis à l’électorat a été celui qu’il voulait entendre. Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis le triomphe de l’Occident sur le communisme. L’Allemagne n’a pas besoin d’être trop vexée par les événements du monde au-delà.

Macron n’est pas toujours le meilleur défenseur de sa cause lorsqu’il évoque la construction de « l’autonomie stratégique » de l’Europe. Mais il a raison de dire que, alors que le monde se divise en camps démocratiques et autoritaires, les Européens ont le choix. Ils peuvent traduire le poids économique du continent en une voix géopolitique significative, ou ils peuvent regarder impuissants alors que la concurrence entre les États-Unis et la Chine définit les termes d’un nouveau désordre mondial. S’il s’agit de ce dernier, l’ironie est qu’une Allemagne endormie sera parmi les plus grands perdants.

philip.stephens@ft.com

Laisser un commentaire