«Les militants réveillés s’inscrivent dans une histoire longue de mobilisation politique de la jeunesse»


Rassemblement devant le Brooklyn Museum, à New York, le 19 juin 2020.

Qu’il s’agisse de féminisme, de racisme ou d’écologie, le mot «réveillé», utilisé pour qualifier les personnes ayant pris conscience de certains enjeux sociétaux et qui ont choisi d’en faire leur combat, s’est petit à petit imposé dans les conversations au point de devenir lui-même, parfois, le centre des débats. Comment peut-on définir ce terme? Quelles en sont les origines et comment expliquer qu’il soit aujourd’hui largement utilisé? Peut-on considérer que son usage ou son révélé une fracture générationnelle?

Pap Ndiaye, professeur à Sciences Po et spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis, décrypte les origines et les usages d’un terme devenu quasi omniprésent.

Quand et où l’expression «être réveillé» est-elle apparue? Que signifie-t-elle?

Le mot «réveillé» dérive de éveillé («Éveillé», en anglais): être réveillé, c’est être consciencisé, vigilant, engagé. Cette expression argotique a cheminé dans le monde africain-américain à partir des années 1960. Dans un discours à l’université Oberlin (dans l’Ohio), en juin 1965, Martin Luther King, qui évitait l’argot dans son expression publique, exhortait les étudiants à rester «Éveillés» ( » éveillé « ) «Pendentif la grande révolution» et à «Être une génération engagée». Au milieu des années 2010, une nouvelle génération se l’est appropriée, au-delà du monde noir, et pour des usages plus variés que l’antiracisme.

Le «woke» est très différent du «cool» élégant et jazzy de Barack Obama. L’époque n’est plus au cool mais à une révolte plus âpre, surtout à partir de 2017, face au suprémacisme masculiniste de Trump et au «Je m’en fiche vraiment, hein? » («Je m’en fous complètement, et vous?») Qui ornait une veste de son épouse, Melania Trump. Le réveillé fait figure de repoussoir pour la droite, qui y voit une expression déplorable des excès du «politiquement correct», tandis qu’à gauche le terme est désormais critiqué car il est vu comme galvaudé, un peu usé.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ne soyez plus cool, soyez «réveillé»

Que défendent les personnes qui se disent réveillées? Peut-on rapprocher le fait d’être réveillé de l’approche intersectionnelle, qui consiste à prendre en compte simultanément les différentes formes de domination ou de discrimination?

Bien que son origine soit la lutte contre le racisme, et que cette question reste essentielle, il n’y a plus une cause unique attachée au réveil. C’est un ensemble de causes, qu’on peut schématiser par un grand triangle militant qui mobilise une partie de la jeunesse mondiale: un premier angle est l’antiracisme (et le mouvement Black Lives Matter), qui a montré toute sa force en 2020; un deuxième est l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique (Greta Thunberg est une figure typiquement réveillée); le troisième angle est l’égalité femmes-hommes, la défense des minorités sexuelles et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (#metoo).

Il vous reste 60,56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Laisser un commentaire