Les entreprises peuvent-elles tenir leurs promesses climatiques ?


« Je suis convaincu que c’est l’action qui compte beaucoup plus que, vous savez, la rafale de promesses, de déclarations et de slogans politiques. »

Tels étaient les propos de Christine Lagarde, quelques années avant qu’elle ne devienne présidente de la Banque centrale européenne. Maintenant, avec la BCE appelant à une action sur le changement climatique pour protéger la stabilité du marché, mais les banques et les groupes énergétiques n’offrant que des engagements de plus en plus ambitieux, sa préférence résonne.

Comme l’a noté Nigel Topping, champion de haut niveau de l’ONU pour l’action climatique, les déclarations d’intention ne manquent pas. En mars, plus d’un cinquième des 2 000 plus grandes entreprises publiques du monde s’étaient « engagées » à atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre.

Cependant, lorsque Climate Action 100+, un groupe de 575 sociétés d’investissement gérant 54 milliards de dollars d’actifs, a compilé sa première référence d’« ambition d’entreprise » le même mois, il a découvert qu’aucun des plus gros émetteurs n’avait pleinement divulgué comment il tiendrait parole. Selon les investisseurs, « les entreprises ont encore un long chemin à parcourir pour tenir ces promesses ».

C’est pour combler ce fossé entre action et ambition que le FT et Statista ont lancé leur premier classement des leaders européens du climat : ces entreprises qui ont déjà réalisé une réduction significative de leurs émissions directes de carbone.

Son objectif est d’indiquer quelles entreprises ont les meilleures chances de respecter leurs engagements climatiques et les objectifs fixés par les gouvernements. Par exemple, l’objectif récemment accru de l’UE de réduire les émissions de carbone de 55 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990, équivaut à une réduction annualisée de 1,98 %. Les 300 entreprises de la liste inaugurale sont bien en avance sur ce taux dans leurs propres opérations, avec des réductions d’émissions annualisées allant de 4,4 % à 51,9 %.

Mais davantage d’entreprises devront égaler cette performance si les objectifs mondiaux doivent être atteints – comme Mindy Lubber, directrice générale du réseau d’investisseurs durables Ceres, l’a noté plus tôt cette année : « Il y a un besoin urgent d’une plus grande action des entreprises et d’une plus grande ambition pour accélérer le économie nette zéro et assurer un avenir sûr et viable.

Les progrès réalisés par les entreprises de la liste FT-Statista ont également été reconnus par des initiatives internationales. Plusieurs ont rempli les critères de plans de réduction des émissions crédibles requis par la campagne Race To Zero de l’ONU, qui vise à créer une dynamique pour l’action des entreprises avant sa conférence sur le climat COP26 en novembre. Il s’agit notamment d’entreprises dont les industries ont historiquement eu de mauvais résultats en matière de climat : Ørsted, anciennement connu sous le nom de Danish Oil and Natural Gas, par exemple, et le constructeur de camions suédois Volvo Group.

Cependant, ils gagnent leur place dans la liste FT pour leurs réductions d’émissions et leur transparence de reporting, comme le reconnaît le Carbon Disclosure Project, ou CDP. Plusieurs des groupes énergétiques autrefois principalement fossiles de la liste – Drax, Centrica, Engie, Enel, Endesa – obtiennent une note A ou A- du CDP*. Les entreprises émettant plus de 10 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an devaient obtenir une note CDP de A ou B pour être éligibles.

Mais cette liste initiale de FT-Statista n’est qu’un point de départ. Il ne fournira pas une image précise des entreprises apportant la plus grande contribution à la limitation du changement climatique tant qu’il ne pourra pas inclure toutes leurs émissions de Scope 3, ou indirectes, que beaucoup ne parviennent toujours pas à calculer et peu rapportent de manière standardisée.

Les militants et les climatologues soutiennent que le fait de ne pas inclure les émissions de Scope 3 – de toutes les parties de la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise et l’utilisation de ses produits – rend toute évaluation dénuée de sens, car ils constituent la composante la plus importante. Dans les entreprises agroalimentaires, elles peuvent représenter 10 fois les émissions directes ; dans des entreprises de mode 25 fois, ou plus. La chaîne de prêt-à-porter H&M estime que les émissions de Scope 3 représentent 99,5 % de son impact environnemental global.

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De même, les émissions qui sont effectivement financées par les banques et les gestionnaires d’actifs doivent être ajoutées aux calculs de réductions. Johnny White, un avocat qui travaille pour l’association caritative pour le climat ClientEarth, déclare : « Il est essentiel pour eux de définir clairement comment ils réduiront ces émissions financées. Aucune institution financière ne peut se considérer comme un « leader climatique » si elle ne prend pas dès maintenant des mesures réelles et crédibles pour réduire ses émissions financées. »

Mais, selon les normes fixées par le Greenhouse Gas Protocol – une initiative conjointe de l’organisme de recherche World Resources Institute et du World Business Council for Sustainable Development, un groupe d’entreprises – il existe 15 catégories d’émissions de Scope 3. Si ceux-ci ne sont pas tous divulgués dans leur intégralité, des divergences trompeuses peuvent survenir.

Les émissions de Scope 3 sont également un facteur manquant crucial dans d’autres listes. Sur les 159 engagements d’entreprises évalués par le référentiel Climate Action 100+, 83 impliquaient d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050 ou plus tôt. Mais 44 des engagements « ne couvraient pas l’intégralité des émissions les plus importantes des entreprises ».

Les futures listes FT-Statista des leaders européens du climat s’efforceront d’intégrer les émissions du Scope 3 dès qu’il y aura une divulgation généralisée et cohérente. Pour l’instant, la liste montre quelles entreprises font rapport sur le Scope 3, et une majorité le fait déjà : 196 sur 300.

Pouvoir comparer avec précision les promesses des entreprises avec les actions des entreprises devrait inspirer plus de confiance non seulement aux investisseurs et aux banquiers centraux, mais aussi aux décideurs politiques lorsqu’ils fixent leurs prochains objectifs. Comme Topping, le champion de haut niveau de l’ONU, le dit : « La ‘boucle d’ambition’ qui en résulte entraîne un changement exponentiel.

*Cet article a été modifié depuis la publication initiale pour refléter le fait que Drax n’est plus un groupe d’énergie fossile.

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