Le sport féminin au cap des conventions collectives


ONU «Accord historique». Le 15 mars dernier, à l’heure de présenter la signature de la convention collective sectorielle qui doit entrer en vigueur en juillet 2021 pour organiser et garantir les droits de leurs joueuses, les représentants du handball tricolore selon pas peu fiers d’afficher leur détermination de pionniers. Le texte est en effet le premier du genre dans le monde du sport professionnel féminin français, fruit d’une longue négociation entre l’union des clubs professionnels, l’association des joueurs et le groupement des entraîneurs et des professionnels de la formation.

Les avancées ne sont pas minces. Plus de 150 handballeuses dans 14 clubs de l’élite verront leur salaire maintenu en cas de grossesse ou de longue blessure pendant un an (contre trois mois jusque-là). Elles profitent de l’allongement de leurs congés payés qui passent à sept semaines, comme ceux des hommes, et bénéficient de possibilités de formation pour leur reconversion.

Côté salaire, la convention fixe la rémunération minimale à 1 650 € brut mensuels. Un plancher plutôt modeste, à peine au-dessus du minimum actuel (1 561 €) prévu par la convention collective nationale du sport. Prenant en compte les difficultés liées au contexte sanitaire, il est appelé à évoluer.

Le handball en éclaireur

«Tout cela est le fruit d’un long processus entamé en 2018 et exigé par le développement du handball féminin, se félicite Sabrina Ciavatti, ex-internationale et vice-présidente de l’Association des joueurs et joueuses professionnelles de handball. Avec des clubs de plus en plus structurés, des titres gagnés aussi par l’équipe de France et une médiatisation accumulée, nous arrivons au même stade que le rugby masculin au moment de son passage au professionnalisme au milieu des années 1990. Il fallait poser un cadre juridique précis sur les conditions d’exercice de notre métier. »

Le handball peut-il inspirer d’autres sports? Tous les regards se tournent évidemment vers le football. Sauf que, contrairement à une idée reçue, si la discipline joue les ambassadrices et n’est pas pour rien dans l’évolution des mentalités autour du sport féminin, elle est moins structurée que le handball, notamment sur le plan économique.

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«Je dois le répéter souvent: nous ne sommes pas encore professionnelles, certaines de nos équipes de première division jouent toujours sur des pelouses synthétiques et les finances des clubs ne sont pas toutes assurées, martèle Brigitte Henriques, vice-présidente de la Fédération française de football. Nous devons faire évoluer le statut des joueuses, aller au-delà des quelque 150 championnes qui bénéficient aujourd’hui d’un contrat fédéral. Nous allons définir une nouvelle feuille de route pour passer un cap, peut-être d’ici deux ou trois ans. »

Sécuriser au mieux les pratiques

Le panier pourrait du coup être le mieux placé pour saisir la balle au bond. «Nous ne sommes pas dans un cours, mais l’évolution est indispensable, souligne Yannick Souvré, président de la Ligue nationale de basket, ancien capitaine des Bleues dans les années 1990. J’avais lancé à l’époque l’association des joueuses, qui n’était pas vraiment un syndicat, mais à travers laquelle je voyais bien que les joueuses, et moi la première, vivaient le panier comme une passion plus qu’un métier . Les choses sont différentes aujourd’hui. Les joueuses sont plus encadrées et conscientes dès leur début de leur carrière à mener. Un statut nouveau s’impose pour la sécuriser au mieux. »

Le monde du basket y travaille depuis septembre 2018. Le dialogue entre tous les partenaires connaît des hauts et des bas, mais il doit être relancé lundi 19 avril. «Depuis dix ans, un gros effort a été fait pour structurer les clubs, bien plus solides aujourd’hui. Nos 12 clubs d’élite pèsent 24,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploient 115 joueuses avec un salaire moyen de 77 000 euros brut annuels, détaille Marie-Laure Lafargue, présidente du club Basket Landes et nouveau numéro 2 de la Ligue à la manœuvre sur les questions sociales. Nous sommes mûrs pour un accord sectoriel pour nos féminines, je l’espère d’ici fin 2021. »

Une voie que prévoit d’emprunter aussi le rugby, même si aucune échéance n’est posée. Président du syndicat Provale, Robins Tchale-Watchou serait favorable à une accélération des discussions, et pour ce faire, de ne pas se focaliser sur la question économique: «L’important est de permettre aux joueuses de vivre pleinement leur pratique, sur et en dehors des terrains, et de s’occuper notamment des questions de maternité, de couverture assurantielle et de ne pas prendre le problème sur le seul versant des rémunérations. Pour ne pas attendre un développement économique qui peut être long, on pourrait avancer sur ces questions, poser un signe fort pour les pratiquantes, et ensuite faire évoluer les choses au niveau des salaires. Une convention n’est jamais figée. »

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La Fifa marque le coup sur la maternité

Annoncée en novembre 2020, une nouvelle réglementation imposée par la Fédération internationale de football (Fifa) à ses 211 pays membres est entrée en vigueur en janvier 2021. Elle oblige les clubs qui jouent à l’international à proposer à leurs joueuses un congé maternité d ‘au moins quatorze semaines (dont huit après la naissance) payé au moins les deux tiers de leur salaire contractuel, ainsi qu’une interdiction de licencier. Le constat est en effet clair: rares sont les joueuses qui osent une grossesse pendant leur carrière. Avec cette mesure, la Fifa espère contribuer à changer la donne.

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