Le rugby. Johanna Lelong et Amandine Guilbert, destins croisés


Johanna Lelong (à gauche) et Amandine Guilbert de retour sur les terrains quelques jours après leur rupture du ligament croisé, à l'automne 2020.
Johanna Lelong (à gauche) et Amandine Guilbert de retour sur les terrains quelques jours après leur rupture du ligament croisé, à l’automne 2020.

Il faut avoir l’esprit vraiment rationnel pour ne pas y voir un signe du destin. Amandine Guilbert et Johanna Lelong se sont bénis le même jour, un dimanche 20 septembre 2020. Fauchées par une rupture du ligament croisé antérieur du genou, ce petit «crack» qui éloigne des terrains pour de longs mois, parfois une année entière. Quelques semaines plus tôt, les deux rugbywomen de l ‘Ovalie Caennaise Avait changé de poste. Centres à l’origine, elles s’étaient installées en troisième ligne. À Tarbes, pour l’ouverture de la saison en Elite 2, c’était leur tout premier match ensemble: «Didine» en 7, «Jojo» en 8. La découverte les avait rapprochées. De copines d’équipe, elles étaient devenues coloc de chambre en déplacement, et amies. Les deux jeunes femmes ont poussé la proximité jusqu’à subir à quelques minutes d’intervalle cette lourde blessure tant redoutée.

Amandine: «Sa blessure m’a chamboulée»

Johanna Lelong a été la première à s’effondrer. «J’ai compris directement ce que c’était. »Touchée à l’épaule la saison d’avant, la capitaine a accueilli l’accident avec fatalisme. «C’est fait, c’est fait. »Plus sur le terrain, après la sortie de son partenaire, Amandine Guilbert est restée reconnue. «Jojo a toujours été quelqu’un de très important pour moi. Quand j’étais cadette, c’était mon idole (sourire). Sa blessure m’a chamboulée. D’après le préparateur physique, je me suis pétée parce que j’ai trop pensé à elle. Je suis sortie de mon match… »Vingt minutes plus tard, c’est elle, sans le réaliser, qui a tiré un trait sur le reste de la saison.

Amandine Guilbert et Johanna Lelong sur un match amical.
Amandine Guilbert et Johanna Lelong sur un match amical. (© Pascal Bourgeois)

«Une force de vivre ça ensemble»

De saison, il n’y a finalement pas eu. «On n’a loupé que deux matchs», observent les Caennaises. En revanche, elles n’ont pas échappé à tout ce que les croisés induisent: les questions, l’opération, les doutes, parfois la douleur et toujours les interminables séances de cinéma. Bien sûr, les deux sportifs fréquentent le même cabinet, à Colombelles. «C’est une force de vivre tout cela ensemble, disent-elles. On n’avance pas toujours à la même vitesse mais on s’est dit dès le départ qu’il ne fallait pas se comparer. Peut-être qu’inconsciemment ça nous a rencontré un coup quand la copine va plus vite, mais on ne le dit pas. On est juste là l’une pour l’autre. »

Johanna: «Ça m’a fait du bien de souffler»

Quatre et cinq mois après leur opération, Johanna Lelong et Amandine Guilbert ne courent pas encore. La rééducation n’a pas été optimale. «On ne sera pas compétitifs au mois de septembre, il ne faut pas se mentir», reconnaît Amandine Guilbert. La cousine du footballeur Frédéric Guilbert reprendra le rugby quand elle s’en sentira prête, malgré l’appréhension qu’elle imagine déjà. «Ne rien faire, ça va bien une semaine», sourit-elle.

Johanna Lelong et Amandine Guilbert sont plus que des coéquipières.  En atteste cette petite balade sur la côte fleurie avant la blessure ...
Johanna Lelong et Amandine Guilbert sont plus que des coéquipières. En atteste cette petite balade sur la côte fleurie avant la blessure… (© DR)

Son aînée se questionne davantage. «Je ne sais pas encore si je vais reprendre, confie Johanna Lelong, 27 ans. J’ai envie de résigner mais il faudra que je sois prête physiquement et mentalement. J’ai eu des coups de mou après mon opération mais je suis rendu compte que la vie sans rugby, c’était bien aussi. Avec le rugby, j’ai loupé plein de choses. Avant, ma vie, c’était boulot, rugby, dodo. Ça m’a fait du bien de souffler. »

Liées pour la vie

Si tout va bien, Johanna Lelong et Amandine Guilbert porteront à nouveau le même maillot de l’Ovalie Caennaise la saison prochaine. Sur la feuille de match, leurs noms se suivront. Liés par les chiffres et les affres d’un destin capricieux.

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