Le plan allemand de soutien à l’énergie de 200 milliards d’euros suscite « l’animosité » au sein de l’UE


La poursuite par l’Allemagne d’un programme d’emprunt massif pour aider son économie à résister à la crise énergétique a exacerbé les tensions entre les États membres de l’UE alors qu’ils luttaient pour forger une approche commune sur la baisse des prix du gaz et de l’électricité lors de réunions à Bruxelles.

Le plan de 200 milliards d’euros, annoncé jeudi par Berlin, a été décrit par le chancelier allemand Olaf Scholz comme un « double ka-boom » qui aiderait les consommateurs des ménages pauvres ainsi que l’industrie à payer des factures énergétiques de plus en plus élevées cet hiver.

Mais l’ampleur du soutien et le moment de l’annonce à la veille d’une réunion d’urgence des ministres de l’énergie à Bruxelles vendredi ont provoqué un contrecoup au sein de l’UE. Plusieurs diplomates ont fait valoir que l’utilisation par Berlin de sa puissance de feu budgétaire alors que d’autres capitales luttaient pour financer le soutien se heurte aux efforts visant à forger une réponse unifiée de l’UE contre la militarisation des exportations d’énergie par la Russie.

Un diplomate de l’UE a déclaré que le paquet allemand avait suscité « l’animosité » au moment même où le bloc tentait de trouver une approche commune pour « s’attaquer au problème à la racine ». Berlin résiste également à l’imposition d’un plafond des prix du gaz soutenu par plus de la moitié des États membres de l’UE.

Vendredi, les ministres se sont mis d’accord sur trois propositions visant à réduire les prix de l’électricité pour les consommateurs et les entreprises, notamment une réduction obligatoire de 5 % de la consommation d’électricité de pointe, une taxe exceptionnelle sur les entreprises de combustibles fossiles et un plafond de 180 €/MWh sur le prix de l’électricité produite par des non -les producteurs d’électricité au gaz dont les revenus sont supérieurs à ceux qui sont recyclés aux consommateurs.

Mais après d’intenses négociations, il n’y a pas eu d’accord sur un plafond des prix du gaz, ce que plusieurs États membres, dont l’Allemagne, craignent de faire grimper la demande et de détourner le gaz dont l’UE a désespérément besoin vers d’autres régions qui sont prêtes à payer plus pour l’approvisionnement.

Mario Draghi, le Premier ministre italien sortant, a déclaré après l’annonce de l’Allemagne que « face aux menaces communes de notre époque, nous ne pouvons pas nous diviser en fonction de la place dans nos budgets nationaux ».

Guido Crosetto, l’un des principaux conseillers de Giorgia Meloni du parti d’extrême droite Frères d’Italie qui a remporté la plus grande part des voix lors des récentes élections dans le pays, s’en est pris directement à la politique énergétique de Berlin. « C’est un acte, précis, délibéré, non convenu, non partagé, non communiqué, qui met à mal les raisons de l’union », a-t-il dit.

Guido Crosetto
Guido Crosetto, l’un des principaux conseillers de Giorgia Meloni du parti d’extrême droite des Frères d’Italie, déclare que la politique énergétique de Berlin « sape les raisons de l’union » © Antonio Masiello/Getty Images

Présenté à Berlin comme un «bouclier protecteur» pour l’industrie et les ménages, le plan de 200 milliards d’euros de Scholz sera financé par de nouveaux emprunts et acheminé par le biais du Fonds de stabilisation économique réactivé, une facilité hors budget qui a été mise en place en 2020 pour aider les entreprises à survivre au Covid -19 blocages.

Robert Habeck, ministre allemand de l’économie, a défendu le plan de Berlin lors de la réunion de Bruxelles, affirmant qu’il répondait à la nécessité d’une solidarité européenne et soulignant que d’autres États membres avaient déjà entrepris des interventions majeures pour réduire les coûts énergétiques. « Nous faisons la même chose que d’autres pays ont fait il y a longtemps », a-t-il déclaré.

Georg Riekeles, directeur associé du groupe de réflexion European Policy Center, a déclaré que l’Allemagne avait une « responsabilité particulière » pour renforcer la solidarité de l’UE étant donné qu’elle a contribué à renforcer la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe et parce que Berlin dispose de « l’espace fiscal » pour répondre à la crise. Mais le bouclier énergétique annoncé par Scholz « perturbe fondamentalement l’équilibre du marché unique et ne semble pas durable », a-t-il déclaré.

Claude Turmes, ministre luxembourgeois de l’énergie, a appelé vendredi la Commission européenne à mettre à jour ses règles en matière d’aides d’État afin d’arrêter « cette course folle de différents gouvernements pour surpasser les autres gouvernements dans un moment si difficile en Europe ». . . et arrêtons les querelles entre nous.

L’opposition de Berlin à un plafonnement des prix du gaz, aux côtés des Pays-Bas et du Danemark, a suscité la frustration de 15 pays de l’UE, dont la France, qui a écrit cette semaine à la Commission pour lui demander d’accélérer les travaux sur une telle mesure.

Susanne Ungrad, porte-parole du ministère de l’Economie, a déclaré vendredi matin que Berlin ne soutenait pas l’idée d’un « plafond rigide des prix » car il y avait un risque qu’il ne soit pas possible d’acheter suffisamment de gaz sur les marchés mondiaux, « ce qui serait contreproductif ».

L’Allemagne a soutenu l’idée de l’UE de former un consortium européen pour acheter du gaz sur les marchés mondiaux, a-t-elle ajouté.

Un haut diplomate de l’UE a déclaré que le calendrier du paquet allemand avait été considéré comme un « signe d’intransigeance » mais que Berlin devrait soutenir le plafonnement des prix du gaz car si le plan de dépenses « était appliqué parallèlement à un plafonnement des prix, le coût pour le gouvernement allemand serait divisé par deux de 100 milliards d’euros ».

Reportage supplémentaire d’Amy Kazmin à Rome et de Guy Chazan à Berlin

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