Le grand pari économique britannique


Voilà pour un « mini-budget ». À peine deux semaines après le début de son nouveau poste de chancelier britannique, Kwasi Kwarteng a annoncé les plus importantes réductions d’impôts en un demi-siècle. Ce sera un gouvernement qui réduira les impôts, réduira la réglementation et subventionnera l’énergie à une échelle historique – financé par l’emprunt et l’espoir d’une croissance économique future. La discipline budgétaire passera au second plan pour alimenter l’économie. Avec une croissance atone depuis la crise financière de 2008 et une inflation proche des sommets de 40 ans, le modèle économique britannique a besoin d’être repensé. Pourtant, cette salve d’ouverture dans « Trusonomics » représente un pari politique et économique de taille.

Il est vrai que le plan de croissance était favorable aux entreprises, offrant une baisse des impôts, de meilleurs allégements pour les investissements et une réduction des formalités administratives. Le gouvernement Liz Truss vise à s’appuyer sur les atouts de la Grande-Bretagne dans les services financiers et à accélérer le développement des infrastructures, et reconnaît l’importance de simplifier le système fiscal. Viser une croissance plus élevée est une bonne chose. Mais compter entièrement sur la réalisation d’une telle croissance pour combler le trou dans les finances publiques que la stratégie économique globale va créer comporte des risques énormes.

Un certain assouplissement budgétaire était nécessaire pour faire face à la crise du coût de la vie, mais les folies du chancelier frôlent le dépensier. L’économie britannique est fragile. La dette en pourcentage de la production économique est à son plus haut niveau depuis le début des années 1960. Les pressions à la hausse sur les coûts d’emprunt sont préoccupantes : la Banque d’Angleterre a signalé cette semaine de nouvelles hausses de taux d’intérêt – en partie en prévision d’une augmentation des emprunts – et vendra des gilts, via son programme de resserrement quantitatif. Les 45 milliards de livres sterling de réductions d’impôts récemment annoncées, ainsi que le paquet déjà dévoilé pour aider les consommateurs et les entreprises à faire face à la flambée des coûts énergétiques, laisseront le pays endetté sur une voie insoutenable.

S’en tenir strictement aux orthodoxies budgétaires en temps de crise n’est pas toujours judicieux, mais l’audace doit être contrebalancée par la nécessité de maintenir la confiance dans la crédibilité économique du Royaume-Uni. La livre sterling a dégringolé, augurant d’une inflation importée. Il est retombé, à un creux de 37 ans contre le dollar inférieur à 1,09 $, à la suite de la déclaration de Kwarteng. Les rendements des gilts ont également bondi. Pour combler le déficit record du compte courant de la Grande-Bretagne, il faut également que les financiers internationaux achètent des actifs britanniques ou lui prêtent. Présenter un plan aussi radical sans prévisions indépendantes de l’Office for Budget Responsibility n’est pas rassurant.

Cela rend les mesures spécifiques du plan de croissance d’autant plus cruciales. Augmenter significativement la croissance tendancielle est un moyen de remettre les finances publiques sur des bases solides, mais les chances sont grandes de ne pas y parvenir. À court terme, les réductions d’impôts ne feront que stimuler la demande dans une économie déjà limitée par l’offre. Cela attisera les pressions sur les prix, que la BoE repoussera, créant des tensions potentielles avec le gouvernement.

Les mesures qui augmentent la capacité d’offre de l’économie seront plus importantes. Les nouvelles zones d’investissement pourraient stimuler les dépenses d’investissement, mais prendront du temps à se développer et pourraient simplement déplacer des activités ailleurs. L’accélération des projets d’infrastructure et le soutien aux investissements des entreprises sont louables, mais il faudra également du temps pour stimuler la croissance potentielle. Le plan contient peu de choses pour renforcer les compétences et inverser la flambée de l’inactivité économique depuis le début de la pandémie.

Alors que les détails doivent encore être finalisés et que les politiques peuvent évoluer, il appartiendra désormais au gouvernement de prouver qu’il peut réaliser ses ambitions de croissance. La nécessité de respecter d’autres engagements de dépenses – y compris sur les services publics et la défense tendus – ne fera que tester davantage la stratégie. Les marchés financiers continueront de mettre la pression. Cette déclaration budgétaire a mis l’économie britannique sur une voie dangereuse.

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