le G7 Finances lance la dynamique, l’Irlande fulmine


Le G7 Finances se rapporte à Londres ce vendredi pour évoquer la réforme de la fiscalité internationale. Avec la volonté de prendre un engagement sur l’instauration d’un taux minimum d’impôt visant les multinationales. De quoi faire enrager les pays farouchement opposés au projet, à commencer par l’Irlande.

Ce pourrait être une véritable « révolution fiscale » à l’échelle internationale, selon les dires du ministre allemand des Finances, Olaf Scholz. Depuis l’élection de Joe Biden, les États-Unis semblent déterminés à imposer leur leadership pour déterminer la mise en place d’un impôt minimum mondial sur les sociétés.

Longtemps considéré comme un serpent de mer, ce projet débattu depuis quatre ans à l’OCDE a clairement gagné en crédibilité en ces dernières semaines sous l’impulsion américaine. Au point qu’un engagement sur le principe d’un taux minimum commun d’imposition des multinationales pourrait être pris dès ce week-end par les principales puissances mondiales, lors de la réunion du G7 Finances à Londres.

L’annonce officielle d’un accord ne devrait en revanche pas intervenir avant le G20 de juillet. Car il reste un certain nombre de paramètres à définir, comme le périmètre des multinationales qui seront visés par cette taxation. Il faudra surtout s’accorder sur le taux minimum à appliquer dans les 136 pays concernés.

Un taux à 15% ?

Après avoir envisagé un plancher à 21%, les États-Unis proposent désormais un taux minimum d’imposition des bénéfices de 15%. Objectif : lutter contre l’optimisation et l’évasion fiscale.

Aujourd’hui, une entreprise peut choisir le pays où elle souhaite être imposée, quand bien même elle tirerait l’essentiel de ses revenus à l’étranger. Résultat, de nombreuses sont celles qui installent leur siège dans les pays à la fiscalité avantageuse, voire dans les paradis fiscaux. Mais à l’heure où Joe Biden prévoit d’augmenter le taux d’impôt national sur les sociétés pour financer son plan de rénovation des infrastructures, les États-Unis ont tout intérêt à pousser la réforme de la fiscalité internationale pour décourager les entreprises américaines tentatives de délocaliser leurs profits.

« Il faut mettre fin à ce cours vers le bas », avait déclaré en avril la ministre américaine des Finances, Janet Yellen. Une position qui a ravi la France, après les échecs des négociations à l’OCDE sur la généralisation de la « taxe Gafa ». D’autres pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie où le taux d’imposition sur les sociétés avoisine également les 30% ont publiquement déclenché l’initiative américaine.

L’Irlande et la Hongrie rejettent le projet

La proposition américaine d’ailleurs reçue des réactions enthousiastes de la plupart des pays développés. Restent tout de même quelques réticences, voire de réelles oppositions. En tête du clan des réfractaires, l’Irlande a clairement fait partie de son hostilité au projet. Là-bas, le taux d’IS est fixé à 12,5%, ce qui a permis à l’Irlande d’attirer de grandes entreprises internationales. « Nous avons de très sérieuses réserves. (…) Je suis fier du rôle que (ce taux) a joué dans notre développement », a déclaré le ministre des Finances du pays, Paschal Donohoe

Avec un taux d’impôt sur les sociétés de 9%, la Hongrie s’est rangée derrière l’Irlande. « Nous ne pouvons tout simplement pas soutenir une augmentation des impôts même si l’idée a des partisans influents », a répondu le ministre hongrois des Finances, András Tállai, déplorant que cette réforme ne profiterait qu’aux puissances économiques fortement taxatrices et désavantagées par la concurrence fiscale internationale. « Le gouvernement hongrois s’efforce, comme toujours, d’entretenir de bonnes relations avec les dirigeants américains, les intérêts hongrois ne peuvent être précédés par les intérêts d’un autre État », at-il ajouté.

Paradis fiscal, l’île de Jersey a adopté la même position. Son ministre en chef, John Le Fondré, a notamment évoqué à Joe Biden de regarder « plus près de chez lui » avant de « s’occuper des politiques fiscales des autres ». « Peut-être que les Etats-Unis doivent regarder des Etats comme le Delaware avant de dire au reste du monde ce qu’il doit faire », at-il lâché.

Bahamas, Emirats arabes unis, Suisse, îles Caïmans… L’instauration d’un taux minimum d’impôt sur les bénéfices à l’échelle mondiale pénalisera de nombreux autres paradis fiscaux. Mais la plupart restent particulièrement discrets sur la question, conscients sans doute d’être de plus en plus isolés. Au sein de l’Europe, même des pays à la fiscalité avantageuse comme les Pays-Bas ou le Luxembourg se montreraient constructifs et plutôt favorables au principe d’impôt mondial.

Les opposants à l’impôt minimum mondial pris au piège?

Bien que la partie semble déjà perdue pour les pays farouchement opposés à l’impôt minimum mondial, l’Irlande n’a pas dit son dernier mot et entend bien faire pression jusqu’à la dernière minute. Avec l’espoir que l’OCDE ne finit pas par fixer un taux proche voire égal à son taux national.

A cet égard, la proposition d’un taux de 15% au lieu de 21 par les États-Unis peut être considérée comme une première victoire pour les opposants à la réforme. D’autant que si l’Irlande ou la Hongrie avait le pouvoir de bloquer les négociations européennes sur ce sujet, ce n’est plus le cas à l’OCDE où leur influence est probablement trop limitée pour leur permettre d’obtenir un renoncement.

Certes, les pays opposés à l’initiative peuvent toujours s’y opposer et refuser de s’aligner en maintenant leur fiscalité avantageuse. Mais cette position aurait pour conséquence d’augmenter les recettes fiscales des autres pays. En effet, le projet en discussion à l’OCDE prévoit que le pays d’origine d’une entreprise pourra prélever la différence qui existe entre le taux pratiqué dans le pays où elle siège et le taux minimum mondial.

En admettant par exemple que le taux mondial minimum retenu soit de 15% et que l’Irlande décide de maintenir son taux national à 12,5%, l’administration fiscale française pourra prélever 2,5% d’impôt sur les bénéfices d’ une entreprise tricolore établie à Dublin. De sorte que toute multinationale concernée par la réforme paiera au moins 15% d’impôt sur les bénéfices, quel que soit le pays où elle est basée. Avec un tel mécanisme, les avantages fiscaux d’une délocalisation des bénéfices seront nettement moins évidents.

Selon une étude publiée par l’Observatoire européen de la fiscalité, l’instauration d’un taux minimal à 15% permet à l’Union européenne de percevoir 50 milliards d’euros de recettes, dont 4,3 milliards pour la France. En revanche, avec un taux de 25 % comme préconisé par Gabriel Zucman, directeur de l’Observatoire, les recettes de l’Observatoire devraient être de 170 milliards pour l’ensemble de l’UE et 26,1 pour la France.

Laisser un commentaire