« La vente de TUI France ? Ce n’est plus d’actualité ! »


L’interview de Dirk Van Holsbeke, Directeur Général de TUI France


Après le plan de sauvegarde de l’emploi qui concerne près de 600 personnes (avec la fermeture et la vente des agences) et la crise liée au coronavirus, Dirk Van Holsbeke, Directeur Général de TUI France souhaite retrouver la confiance de ses équipes et du CSE. La filiale française de TUI Group veut se remettre en ordre de marche. Soutien de la maison-mère, nouveau contrat mandataires, reprise des voyages, partenariat avec Leclerc Voyages et Carrefour Voyages… Le DG a fait le point pour TourMaG.com sur les projets en cours et à venir. Interview.




Dirk Van Holsbeke : "Nous serons 200 mandataires fin août, c'est un réseau important. Nous sommes toujours prêts à accueillir et écouter de nouvelles agences de voyages qui montrent un intérêt pour devenir un mandataire TUI France" - DR : TUI

Dirk Van Holsbeke : « Nous serons 200 mandataires fin août, c’est un réseau important. Nous sommes toujours prêts à accueillir et écouter de nouvelles agences de voyages qui montrent un intérêt pour devenir un mandataire TUI France » – DR : TUI

TourMaG.com – Après le Plan de Sauvegarde de l’Emploi qui concerne le départ de près de 600 personnes, TUI France fait-elle partie intégrante des plans de développement international de TUI Group ?

Dirk Van Holsbeke : « Comme dans les autres marchés, TUI France est une structure autonome. Le plan de développement décidé par TUI France est le fruit d’un travail que nous avons mené avec les équipes françaises.

La filiale française a essuyé des pertes désastreuses et il n’est plus possible de continuer sur cette voie. Il était nécessaire de faire des ajustements structurels pour améliorer notre avenir.

A cette situation est venue s’ajouter la crise liée au covid-19. Je rappelle que la stratégie de TUI France a été présentée au Groupe en juin dernier et que celui-ci a confirmé sa mise en œuvre. « 

TourMaG.com – Est-ce que ça signifie que TUI Group va soutenir financièrement sa filiale française ?

Dirk Van Holsbeke : » La préoccupation principale au niveau du groupe était de sauver les liquidités et les financements. Ces liquidités et ces financements sont désormais garantis, grâce notamment au soutien de l’Etat allemand.

Cela signifie que les liquidités et les financements pour TUI France sont aussi garantis ».


« Web-to-store : nous voulons mettre nos mandataires en pole position »

TourMaG.com – A quel horizon TUI France sera-t-elle rentable ?

Dirk Van Holsbeke : Nous ne pouvons pas communiquer sur ce sujet, car le Groupe est dans une période de closing. Mais il est très clair que les entreprises ne sont pas là pour enregistrer des pertes… »

TourMaG.com – Le Groupe TUI a-t-il abandonné ses projets de vendre TUI France ?

Dirk Van Holsbeke : « Ce n’est plus d’actualité. Aujourd’hui nous sommes concentrés sur notre plan d’action.

Le plan de sauvegarde de l’emploi est mis en œuvre et désormais nous sommes tournés vers la reprise. Nous attendons les clients avec beaucoup d’énergie. Nous sommes prêts. Mais il n’y a aucune actualité sur un projet de vente de TUI France par TUI Group. »

TourMaG.com – Dans votre stratégie, quelle place va prendre la vente en ligne notamment ?

Dirk Van Holsbeke : « Notre stratégie s’articule sur une approche multicanal. Les agences de voyages restent un canal très important pour TUI France. La vente en ligne a ses limites. Nous ne pouvons pas penser que tous les vacanciers vont acheter directement sur notre site web.

Nous sommes en train d’investir sur notre site pour déployer une vraie stratégie multicanale avec nos mandataires. Notre objectif est vraiment de positionner nos mandataires en pole-position. C’est une priorité et c’est nouveau.

Chaque année dans notre business, nous devons trouver 60% de nouveaux clients qui peuvent être aussi d’anciens clients que nous devons en quelque sorte réactiver.

La vente contrôlée est très importante pour chaque voyagiste. Dans vente contrôlée j’entends que nous devons connaître de très près les clients. Et pour cela il faut organiser le CRM, les outils web-to-store, etc. »


Un nouveau contrat mandataire

TourMaG.com – Vous évoquez justement les mandataires. Vous préparez un nouveau contrat qui sera proposé à la rentrée, quelles en seront les grandes lignes ?

Dirk Van Holsbeke : « Ce nouveau contrat va aller de pair avec le repositionnement de la marque TUI en France qui va devenir la marque numéro 1 en termes de services.

Pour les expériences de vacances et de séjours, nous avons Marmara, Lookéa et Nouvelles Frontières, ce sont nos marques de produits.

Quand nous évoquons le service aux clients, les mandataires auront un rôle très important. Nous voulons devenir un distributeur ou une chaîne d’agences de voyages qui va avoir une réputation irréprochable sur le service aux clients, et qui soit comparable à d’autres secteurs hors tourisme. Il faut que le client ait une perception identique au haut niveau de service proposé dans certains secteurs.

Dans le nouveau contrat, nous souhaitons montrer que TUI France est vraiment capable de servir de la même manière tous ses clients, et que l’enseigne soit reconnue avec une perception similaire dans chacun des points de vente.

Les mandataires ont fait le choix de TUI France et c’est à nous désormais de les soutenir et de les aider pour qu’ils deviennent une chaîne d’agences reconnue, comme étant très professionnelles.

Les agences connaissent le client mais elles doivent aussi savoir quel produit lui proposer. Elles doivent individualiser leur communication. Il n’est plus possible d’envoyer une newsletter identique à tous ses clients, il faut personnaliser.  »


Mandataires : « La France est un grand pays et il y a encore des zones où nous sommes absents »

TourMaG.com – Quelles vont être les évolutions sur les incentives, les commissions ? Certains mandataires se sont structurés en association car ils souhaitent revoir le modèle… Quelle est votre position sur ce sujet ?

Dirk Van Holsbeke : « Nous avons un groupe de travail dans lequel il y a des représentants de mandataires et nous sommes en train de chercher des solutions sur la trésorerie ou les commissionnements.

Il faut savoir que TUI aujourd’hui paie 50% de la commission à ses mandataires au moment de la réservation, et nous sommes les seuls à le faire. Dans un partenariat, il y a des aspects que nous devons vraiment partager.

La crise liée à la Covid-19 a aussi montré qu’il y a des points à améliorer dans la relation entre la distribution, les tour-opérateurs et aussi les mandataires. »

TourMaG.com – Le réseau de mandataires représente combien de points de vente ? Souhaitez-vous l’étoffer ?

Dirk Van Holsbeke : » Je rappelle que de nombreux mandataires sont d’anciens salariés qui ont déjà travaillé dans nos agences TUI, en tant que responsables ou vendeurs. Ils ont fait ensuite le choix d’être indépendants.

TUI France s’occupe du côté support, c’est-à-dire des volets administratif, comptabilité et back office. Les mandataires peuvent totalement se consacrer aux clients.

Nous serons 200 mandataires fin août, c’est un réseau important. Nous sommes toujours prêts à accueillir et écouter de nouvelles agences de voyages qui montrent un intérêt pour devenir un mandataire TUI France. La France est un grand pays et il y a encore des zones où nous sommes absents.

Nous connaissons aussi les meilleures agences tierces, et nous pouvons aussi prendre l’initiative de les démarcher… »


Leclerc, Carrefour : « Ces réseaux sont de grands professionnels »

TourMaG.com – Certains concurrents proposent des contrats mandataires sans forcément mettre en avant l’enseigne. Est-ce que cela pourrait être envisageable chez TUI France ?

Dirk Van Holsbeke : » L’enseigne est très importante pour TUI France. Le client doit reconnaître nos mandataires. Les vitrines doivent répondre à nos critères. Nous avons 7 ou 8 mandataires qui n’ont pas encore les nouvelles couleurs, mais elles seront rénovées. C’est très important pour nous. »

TourMaG.com – Quelles sont vos relations avec les agences de la grande distribution, Leclerc Voyages et Carrefour Voyages notamment, ainsi qu’avec le GIE ASHA (Selectour – Havas, ndlr) ?

Dirk Van Holsbeke : « C’est la première fois que je mène des négociations avec la distribution en France. J’ai été vraiment impressionné lors de mes entretiens, notamment avec les directions de Leclerc Voyages ou Carrefour Voyages qui sont de grands professionnels.

Ils sont déjà très en avance sur la connaissance de leurs clients, ils ont également de nombreux clients. Ce sont vraiment des partenaires.

Je peux confirmer que nous avons trouvé un accord avec tout le monde. Ces grands réseaux aiment travailler avec TUI France. Quand je leur ai demandé quels étaient les éléments importants pour nouer une collaboration, ils ont évoqué en premier lieu : le back office, l’administratif et la facturation. Ils veulent une coopération fluide sur ces aspects.

En second lieu, ce qui est important c’est le produit. Ils font beaucoup d’efforts pour attirer le client et ils ne vendront pas un produit dont ils ne sont pas sûrs. Nous avons un certain avantage avec nos marques Nouvelles Frontières pour les circuits, Marmara et Lookéa pour les clubs.

Enfin le 3e élément concerne la rémunération. Tout le monde pense que la commission arrive en tête des préoccupations de nos partenaires, mais ce n’est pas vrai.

Evidemment que la rémunération doit être correcte. TUI France a introduit un nouveau système d’incentive qui a été très bien accepté par la distribution. Je suis personnellement très satisfait et j’ai beaucoup de confiance dans les liens que nous avons noués avec les grands partenaires.

Reste encore des réseaux plus petits avec qui nous sommes toujours en discussion. »


Passion des Iles : « Cela ne veut pas dire que la marque ne va jamais revenir »

TourMaG.com – Si les marques Marmara, Lookéa et Nouvelles Frontières sont désormais au centre de votre stratégie, que va devenir la marque Passion des Iles ?

Dirk Van Holsbeke : « Nous avons dû stopper la marque à contre cœur. Passion des Iles nous amenait de bons dossiers aux marges correctes, mais ce n’était plus possible de faire des investissements au niveau de l’organisation et de la technologie.

Si nous ne sommes pas capables de donner un meilleur service aux agences de voyages et aux clients, il est préférable de s’arrêter.

Cela ne veut pas dire que la marque ne va jamais revenir. Nous allons nous concentrer sur nos marques Marmara, Lookéa et Nouvelles Frontières. Une fois que tout sera en ordre avec la base, nous pourrons remettre en route Passion des Iles, car la marque est toujours chez nous. »

TourMaG.com – Le gouvernement a annoncé une levée progressive des restrictions ouvrant la voie aux voyages. Comment voyez-vous la reprise ?

Dirk Van Holsbeke : « L’été dernier en juillet et août, nous avons fait voyager plus de 110 000 clients. Ils ont pu vivre des vacances dans un contexte qui n’était pas celui des années précédentes avec le covid. Les retours de nos questionnaires de satisfaction le montrent : ils ont passé des vacances extraordinaires. »


« Hausse des réservations tous canaux confondus de 40% »

Désormais, les clients n’ont pas peur d’attraper le coronavirus en vacances ou d’être isolés à destination, les protocoles ont fait leurs preuves.

Si les restrictions mises en place par les gouvernements sont levées, la demande pour les voyages va exploser. Nous avons déjà constaté avec les annonces du calendrier de déconfinement, une hausse des réservations tous canaux confondus de 40%, par rapport à la semaine précédente.

La fréquentation du site a plus que doublé. L’envie de partir en vacances des Français est énorme après une année de restrictions.

TourMaG.com – Quelles sont les destinations qui vont tirer leur épingle du jeu ?

Dirk Van Holsbeke : « Nous avons pris l’initiative de développer nos clubs en France, et c’est une très bonne chose.

Notre club à Hyères dans le Var est un énorme succès, et notre partenaire est très satisfait. En Corse aussi nous sommes très satisfaits des résultats. Les clubs devraient rouvrir entre le 19 mai et le 5 juin 2021.

Les clients qui ont déjà choisi de réserver leurs vacances ont privilégié la France. Nous avons aussi déployé une offre France avec Nouvelles Frontières : 6 circuits sont proposés et pas mal de départs affichent complet.

Sur les destinations moyen-courrier, la Grèce tire clairement son épingle du jeu, notamment Rhodes, Kos et la Crète. La Grèce devrait rencontrer un grand succès. Nous avons également les Baléares qui présentent un potentiel intéressant. En revanche, nous avons du mal à convaincre les clients sur l’Italie.

Nous allons d’ailleurs faciliter la vie aux clients en fonction de ce que demandera le gouvernement en matière de tests à réaliser avant le retour par exemple. Nous allons accompagner les clients. »


« 65% des avoirs ont été reportés pour un voyage cet été »

TourMaG.com – Où en êtes-vous des reports consécutifs aux avoirs ?

Dirk Van Holsbeke : » Les clients ont montré une forme de solidarité avec les tour-opérateurs avec les avoirs, grâce à l’ordonnance du 25 mars 2020.

65% des avoirs ont été reportés pour un voyage cet été. Nous avons aussi proposé aux clients qui acceptent l’avoir une réduction de 5% sur la nouvelle réservation. Cela a très bien fonctionné. Ce système a bien marché et cela a sauvé de nombreux tour-opérateurs de la faillite. »

TourMaG.com – Si la reprise tarde à arriver, pourrait-on imaginer que TUI France s’engage dans un nouveau PSE ?

Dirk Van Holsbeke : « Pas du tout. Un fois que le marché sera ouvert, même avec des réservations qui ne pourraient véritablement repartir qu’à partir de la mi-juin, nous n’aurons pas besoin de faire de PSE.

Nous avons fait notre travail, cela n’a pas été facile pour nos collaborateurs, de nombreuses personnes ont perdu leur travail. Désormais nos 379 collaborateurs poursuivent leur mission.

La réorganisation est terminée. Nous avons installé une nouvelle équipe de direction qui est très proche des équipes. La communication, la coopération et la confiance sont des éléments essentiels dans une entreprise.

Nous devons redonner confiance à tous les collaborateurs ainsi qu’à notre CSE (Comité Social Economique) après une période compliquée liée au PSE.

Cela fait partie du challenge que j’ai à relever. C’est pour cela que je suis venu en France, pour aider toute l’équipe, réparer et installer la confiance entre le CSE et la direction. Et nous sommes j’en suis sûr sur le bon chemin.

Le tourisme au niveau international est en croissance constante depuis plusieurs années. Cela fait un an à un an et demi qu’il est à l’arrêt. Mais je crois vraiment au « revival » du tourisme, il va être spectaculaire.

Chaque crise amène un nouvel élan et une nouvelle énergie pour le futur, et ce sera certainement le cas avec le coronavirus. »



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