La France et l’Italie tentent de renverser le rapport de force de l’Europe


La France et l’Italie tentent de renverser le rapport de force de l’Europe

La France et l'Italie tentent de renverser le rapport de force de l'Europe
Le président français Emmanuel Macron et le président italien Sergio Mattarella après la signature du traité franco-italien du Quirinal au palais présidentiel du Quirinal à Rome le 26 novembre 2021. (AP)

Pendant une grande partie de l’après-guerre, l’Allemagne et la France ont été les moteurs d’une intégration européenne toujours plus étroite. Pourtant, l’Italie, sous le Premier ministre Mario Draghi, veut bousculer ce duo douillet et tenter de faire pencher la balance des pouvoirs en Europe dans l’ère post-Merkel à venir.

Vendredi, l’Italie et la France ont signé le traité de coopération bilatérale dit du Quirinal. Pour certains, sa promesse ressemble au traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne, créé pour reconstruire leur relation après la Seconde Guerre mondiale.

Dans le cadre du nouveau pacte, la France et l’Italie se sont engagées à une plus grande coordination dans les domaines de la sécurité, de la défense, des migrations, des secteurs stratégiques (dont la 5G et l’IA) et de la macroéconomie. Par ailleurs, dans le domaine des affaires européennes, Rome et Paris rechercheront une plus grande coordination avant les sommets des dirigeants de l’UE pour tenter de se mettre d’accord sur des positions communes, un processus qui a déjà lieu entre la France et l’Allemagne.

L’accord de coopération bilatérale a été évoqué pour la première fois en 2018 sous le Premier ministre italien de l’époque, Paolo Gentiloni, mais les relations entre Rome et Paris se sont détériorées après qu’il a été remplacé au pouvoir cette année-là par le gouvernement populiste de la Ligue et du Mouvement cinq étoiles. Les tensions bilatérales ont culminé au début de 2019 lorsque la France a brièvement rappelé son ambassadeur au sujet d’une dispute impliquant l’immigration.

Sous Draghi, les liens entre les deux pays ont été entièrement rétablis et lui et Macron sont de plus en plus désireux d’agir en tandem pour façonner la politique étrangère européenne et plus large après des années de querelles importantes entre les deux pays La semaine dernière seulement, les deux dirigeants se sont rencontrés à Paris la dernière semaine, en se concentrant sur la transition politique en Libye, une question d’une importance capitale pour les deux parties.

La raison pour laquelle le nouvel accord pourrait être si important est qu’il intervient alors qu’un changement de pouvoir potentiellement historique pourrait être en cours sur le continent. Angela Merkel est depuis longtemps la dirigeante politique la plus importante d’Europe continentale, en poste depuis 2005.

Elle a déjà battu il y a longtemps le précédent record de la femme dirigeante la plus ancienne d’Europe, dépassant les 11 années de mandat de Margaret Thatcher. Désormais en prolongation à la fin de son quatrième mandat, elle ne siège derrière Otto von Bismarck que pour la durée de son mandat. Bismarck a servi pendant près de deux décennies de 1871 à 1890, au cours d’une période où il était une force dominante dans les affaires européennes, ayant auparavant contribué à l’unification de l’Allemagne.

Si l’alliance franco-allemande a longtemps été le moteur de la construction européenne, la coopération entre les deux puissances fluctue selon les personnalités des élus berlinois et parisiens. Merkel et Macron, bien qu’ils ne soient pas d’accord sur toutes les questions, ont généralement été un formidable duo, traçant l’avenir de l’Europe et son rôle plus large dans le monde.

La raison pour laquelle le nouvel accord pourrait être si important est qu’il intervient alors qu’un changement de pouvoir potentiellement historique pourrait être en cours sur le continent.

Andrew Hammond

Parmi les principales réalisations, citons le fait d’avoir persuadé l’année dernière les autres membres de l’UE d’accepter de donner au bloc, pour la première fois de son histoire, des pouvoirs de levée de dette pour financer un plan de relance post-pandémie de 750 milliards d’euros (1 000 milliards de dollars). Cependant, le passé n’est pas toujours un guide pour l’avenir, et les relations entre Macron et le futur chancelier, Olaf Scholz, pourraient être plus froides.

Macron et Draghi pensent tous deux que l’Europe est maintenant dans une période critique de son histoire. Malgré les progrès réalisés dans leurs agendas respectifs de l’UE, les principaux défis incluent l’euroscepticisme croissant à travers le continent. La dernière demi-décennie a vu non seulement le référendum sur le Brexit, mais aussi une réaction croissante contre Bruxelles de la part de gouvernements ouvertement sceptiques, dont la Pologne et la Hongrie.

Cette situation qui se déroule s’inscrit également dans un contexte où subsistent encore une multitude de points de vue à travers le continent sur l’avenir du club bruxellois. L’accord de coopération bilatérale de vendredi représente donc une opportunité pour Paris et Rome de façonner de plus en plus ce débat.

Les scénarios de la prochaine décennie vont du retrait de l’UE, post-Brexit, à rien de plus que le marché unique économique actuel qui cherche à garantir la liberté de circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. À l’autre extrémité du spectre, cependant, se trouve un avenir assez différent pour le continent, où les 27 États membres non britanniques décident de faire beaucoup plus ensemble, relancer potentiellement l’intégration européenne, qui est favorisée par Macron s’il peut gagner un deuxième mandat présidentiel l’année prochaine.

Alors que la direction de l’UE est encore si incertaine, ce qui est clair, c’est que Draghi veut que Rome ait une plus grande influence sur les événements, d’où l’accord de vendredi. Car il sait, comme Macron et bien Scholz, que les prochaines années pourraient avoir un impact démesuré dans la définition du caractère économique et politique du bloc – pas seulement dans la seconde moitié des années 2020, mais potentiellement bien au-delà.

  • Andrew Hammond est associé chez LSE IDEAS à la London School of Economics

Avis de non-responsabilité : les opinions exprimées par les auteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News

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