La CAQ goûte aux joies d’une opposition divisée


Une hirondelle ne fait pas le printemps, tout comme un sondage ne fait pas une tendance. Dans ma chronique de la semaine dernière, j’écrivais que les intentions de vote mesurées par Recherche Mainstreet laissaient supposer des mouvements importants dans le portrait politique du Québec.

La Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault, toujours confortablement en tête, glissait néanmoins de 10 points, une variation bien au-delà de la marge d’erreur du sondage. Pour ce qui est du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ), tous deux demeuraient figés près de leurs moyennes des 12 derniers mois, alors que Québec solidaire (QS) et le Parti conservateur du Québec (PCQ) obtenaient meilleurs scores.

Voilà que deux nouveaux sondages publiés cette semaine confirment ce portrait de l’humeur de l’électorat québécois.

Au niveau national, la CAQ trône sans surprise au sommet avec 42 % des intentions de vote selon la maison Léger, soit quatre points de moins depuis le précédent sondage du même institut, en novembre (et cinq points par rapport aux chiffres de septembre). Du côté d’Angus Reid, sur mesure plutôt 37 % d’appuis pour la CAQ, un chiffre qui n’a pas bougé depuis la dernière enquête québécoise de ce sondeur, en octobre. Loin en deuxième place, on trouve le PLQ avec 20 % dans les deux sondages ; des appuis faméliques, quoique stables, depuis la fin de l’automne pour le parti de Dominique Anglade.

Les appuis à Québec solidaire représentent la seule réelle divergence entre les chiffres de Léger (14 %), Angus Reid (16 %) et Mainstreet (19 %). Néanmoins, considérant l’incertitude respective de ces trois sondages, nous pouvons affirmer que la formation de Gabriel Nadeau-Dubois se situe près de son niveau de 2018 (où QS avait obtenu 16,1 % des suffrages). Comme nous le verrons plus bas, de tels appuis pour Québec solidaire ne se traduiraient pas nécessairement en gains nets de sièges, mais probablement probablement à la formation de gauche de conserver la plupart de ses acquis — contrairement au PLQ et au PQ.

Sans doute propulsé par la prolongation des restrictions sanitaires par le gouvernement de la CAQ, le Parti conservateur d’Éric Duhaime est indéniablement en hausse. Léger mesure des appuis de 11 % pour le PCQ, contre 9 % chez Angus Reid (Mainstreet en mesure 13 % la semaine dernière). Les données actuelles nous indiquent que les appuis au PCQ sont particulièrement concentrés dans la grande région de la Capitale-Nationale, où Léger place le PCQ à 22 % (en deuxième place derrière la CAQ). Avec cette progression du PCQ à Québec, nous devrons garder l’œil sur certains endroits où des cours serrés entre la CAQ et le PCQ pourraient se dessiner. Plus précisément, nous surveillons les circonscriptions des couronnes de Québec, telles que Lévis, Chutes-de-la-Chaudière, Charlesbourg, Chauveau, La Peltrie et Portneuf.

Pour le Parti québécois, c’est l’hécatombe. Sur le plateau de Tout le monde en parle dimanche dernier, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a discrédité le sondage Mainstreet selon lequel sa formation récolte à peine 10 % des intentions de vote au Québec. Or, Léger et Angus Reid mesurent plutôt… 11 % et 12 %, respectivement, des chiffres bien à l’intérieur des intervalles actuels — et nettement inférieurs aux résultats du parti en 2018. Tout comme le PLQ, le PQ ne semble aucunement profiter de la glissade de la CAQ.

Auprès des électeurs francophones, c’est une domination complète de la CAQ : 48 % selon Léger et 46 % selon Angus Reid. De plus, et c’est ce qui explique la domination de la CAQ dans les projections de sièges, le vote non caquiste est parfaitement réparti à l’avantage des troupes de François Legault. Alors que Léger mesure une égalité statistique entre les quatre partis d’opposition (14 % pour QS, 12 % pour le PLQ, le PQ et le PCQ), Angus Reid accorde une mince avance à QS avec 19 %, suivi du PQ à 16 %. Dans notre mode d’examen uninominal à un tour, il s’agit d’un scénario idéal pour la CAQ.

Ajoutons que François Legault demeure le chef de parti le mieux perçu des Québécois selon le sondage Léger. À la question « Lequel des chefs de partis politiques provinciaux suivra le meilleur premier ministre du Québec ? », 46 % des personnes sondées ont répondu François Legault (50 % chez les francophones). Loin derrière en deuxième place, seulement 13 % des répondants (et 6 % des répondants francophones) croient que Dominique Anglade est la meilleure candidate au poste de premier ministre. Gabriel Nadeau-Dubois 10 % des voix et Éric Duhaime, 9 %. En dernière place, Paul St-Pierre Plamondon n’est le choix que de 3 % des répondants (4 % chez les francophones).

Selon le modèle Qc125, la CAQ remporte une moyenne de 94 sièges avec de tels chiffres, une hausse de près de 20 sièges par rapport à son résultat électoral de 2018. Ces gains potentiels pour la CAQ se font presque exclusivement aux dépens du PLQ et du PQ .

Avec de maigres appuis auprès de la majorité francophone, le PLQ ne récolterait que 20 sièges en moyenne. Le PLQ serait ainsi réduit à ses bastions montréalais (et Pontiac, en Outaouais). À l’est de Rivière-des-Prairies, le modèle ne projette actuellement aucun gain pour les libéraux.

En ce qui concerne Québec solidaire, les sondages de la dernière semaine ont indiqué que ses appuis sont de retour près du niveau de 2018. Ainsi, QS pourrait fort probablement conserver la plupart de ses acquis sur l’île de Montréal et à Sherbrooke, de même que la circonscription de Taschereau, à Québec. La circonscription de Jean-Lesage, à Québec, oscille entre QS et CAQ, alors que la CAQ est projetée favorite dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue.

Selon les plus récents sondages, le Parti québécois pourrait être réduit à seulement deux députés, bien que l’intervalle de confiance supérieur de la projection s’élève jusqu’à huit sièges. Les circonscriptions les plus probables pour le PQ sont Matane-Matapédia (Pascal Bérubé) et Joliette, si Véronique Hivon se représente cet automne.

Qu’en est-il du PCQ d’Éric Duhaime ? Ses appuis grandissants dans la région de Québec (et dans Chaudière-Appalaches) sont tels qu’ils ne peuvent être ignorés. Le PCQ semble compétitif dans plusieurs circonscriptions des couronnes de la Capitale-Nationale. Si la CAQ devait reculer sur le projet du troisième lien entre Québec et Lévis, le PCQ pourrait en bénéficier auprès des électeurs de la rive sud du fleuve Saint-Laurent.

En déterminant, un mot rapide sur la circonscription de Bourget, où le chef péquiste tentera de se faire élire à l’automne. S’agit-il d’un bon choix pour St-Pierre Plamondon ? Tout dépend des attentes à son endroit. Il y avait sans doute des circonscriptions où ses chances de l’emporter auraient été supérieures (comme Marie-Victorin, Duplessis, Rimouski, Bonaventure), mais le symbolisme associé à la circonscription montréalaise, représenté notamment par Camille Laurin, le père de la loi 101, semble avoir pesé dans la balance.

Cependant, aucune donnée empirique, que ce soit des sondages locaux ou nationaux, des données démographiques ou même l’historique des élections récentes, ne nous indique que les appuis du PQ ne pourront pas s’effacer depuis 2018 à Montréal. La CAQ avait remporté Bourget de justesse en 2018 avec seulement 28 % des suffrages, une marge de 500 voix à peine séparant la CAQ du député péquiste sortant Maka Kotto. Cependant, 500 voix derrière le PQ se sont retrouvées à Québec solidaire, dont la fraction du vote dans Bourget n’a fait que croître à chaque élection générale depuis 2008.

L’attrait du chef pourrait-il avoir un effet sur le résultat dans cette circonscription ? C’est possible et même probable, mais attention : ce n’est pas fait chose faite non plus. Pauline Marois a perdu Charlevoix en 2014 et Jean-François Lisée a mordu la poussière dans Rosemont en 2018. Le fait que le chef péquiste ait jeté son dévolu sur Bourget permet sans doute le score du PQ dans cette circonscription, mais sa présence seule ne fait pas de lui le favori pour autant. Évidemment, nous aurons besoin de sondages locaux dans Bourget pour avoir une meilleure idée du portrait actuel.

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Pour consulter les chiffres de cette projection québécoise, visitez la page de Qc125. Pour la liste complète des 125 circonscriptions, consultez cette page ou visitez les liens régionaux suivants :



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