Kinda-Bio-Pic de Céline Dion de Valérie Lemercier


Valérie LemercierIllustration par João Fazenda

Le bio-pic d’une personne vivante est un genre délicat. Faites un film sur NWA, et l’ancien manager du groupe vous poursuit pour cent dix millions de dollars. Affrontez WikiLeaks et Julian Assange vous envoie une lettre vous qualifiant d’« acteur au travail ». Ce n’était peut-être pas l’idée la plus infaillible de Valérie Lemercier, alors, d’écrire, de réaliser et de jouer dans « Aline », à propos d’Aline Dieu – une ballade de pouvoir québécoise très disciplinée et adorablement dingue avec treize frères et sœurs et un mari/manager omniprésent – que Lemercier reconnaît est « librement inspiré » par Céline Dion. Il y a aussi le fait que Lemercier, qui a cinquante-huit ans, a décidé de jouer Aline à chaque étape de sa vie, en commençant à cinq ans en socquettes.

Mais c’est le cinéma français ! Les collaborateurs et financiers de Lemercier ont adoré le pitch. Il y avait des similitudes biographiques entre Lemercier et Dion : éducation rurale dans une famille nombreuse ; un talent prodigieux dans un corps qui n’a pas toujours ressemblé ou bougé comme l’industrie du divertissement l’aurait pensé. « Je voulais parler de la solitude de quitter la scène », a déclaré Lemercier, l’autre jour. « Il y a une sorte de vide que vous avez quand la foule est partie. » Lemercier est une grande star en France. Connue pour son humour physique décalé, elle s’était déjà infantilisée au succès, avec un morceau bien connu, sur un concours de jeunes talents, qu’elle a exécuté entièrement à genoux.

« J’aborde mes rôles comme si j’étais l’avocate de mon personnage », a-t-elle déclaré. « Je n’enverrais pas mon assistante pour la défendre quand on se moque d’elle, je veux le faire moi-même. » D’une certaine manière, le gambit fonctionne, même avec des effets spéciaux minimes. La volonté de Lemercier de laisser entrer le bizarre dans la vie d’une diva la rend plus réelle que le réalisme consciencieux.

Lemercier marchait d’un café du premier arrondissement à un appartement voisin qu’elle garde pour le travail. Elle est arrivée avec des bottes dorées à talons hauts, un jean et un blouson prêté par Dior. Dans le hall, elle croisa un voisin qui lui dit qu’il avait aimé « Aline ».

« C’était un peu long, cependant », a-t-il ajouté.

Lemercier grimaça. (Plus tard, elle confiera qu’un commentaire négatif d’un inconnu peut ébranler sa confiance pendant des jours.) Dans l’appartement, des valises éparpillées régurgitent chaussures et vêtements. « Porcherie! » dit-elle. Elle a offert du thé de sarrasin… »de l’or pour ton corps”—avant de demander si c’était OK d’allumer une cigarette. « Un journaliste a écrit que je vapotais », a-t-elle dit avec dédain. Elle donnait une grande vedette de cinéma française, assise devant une fenêtre du sol au plafond alors que le crépuscule tombait sur les marronniers serrés du jardin du Palais-Royal.

« Écoutez, je les aime aussi, mais Pharaon veut prendre une autre voie. »

Caricature de Pia Guerra et Ian Boothby

Elle a dit qu’elle avait pris la décision d’appeler Céline « Aline » pour se libérer pendant qu’elle écrivait le scénario. Elle s’est inspirée d’« Amadeus » et de « l’angle extrêmement fort » que les créateurs du film ont pris en exagérant la rivalité entre Mozart et Salieri ; elle s’est tournée vers « Amélie » pour sa touche légère avec le passage du temps. Même les scènes inventées dans « Aline » – une marche en patins jusqu’à une audition, un engagement avec un cornet de glace – semblent correspondre à l’esprit sentimental de Dion. L’un des bons gars surprise est un personnage représentant René Angélil, le mari de Dion, qui apparaît comme un protecteur sympathique plutôt que comme le Svengali des articles de presse. Lemercier n’allait-il pas un peu à contre-courant en valorisant une idylle entre un couple qui s’était rencontré à trente-huit ans et elle à douze ans ?

« Elle avait vingt ans quand ils ont commencé leur liaison, et à vingt on embrasse qui on veut », a répondu Lemercier, ajoutant: « J’aurais aimé avoir un René à mes côtés parfois. »

Une fois, elle l’a fait. « Il travaillait dans une autre industrie. Il avait sa vie », se souvient-elle. « J’ai reçu une critique horrible, et il est allé dans les kiosques à journaux du quartier et a acheté tous les exemplaires pour que je ne le voie pas. »

Le film s’est attiré les critiques de certains proches de Dion (« On passe pour une bande de clochards ») et de défenseurs du Québec (« Imaginez si on sortait un film sur Tony Hairday ou Judith Paf »), mais ça fait carton- bureau et un succès critique. (En revanche, un film de 2008 dans lequel Lemercier apparaît en blackface, en tant que cadre raciste de la cosmétique atteinte d’une maladie qui noircit sa peau, « n’a pas suscité la moindre polémique », selon Le Monde. « C’est un film qui aujourd’hui, avec le recul, aurait bien pu être joué, dansé et chanté par une actrice noire qui aurait été maquillée en blanc pendant les deux premiers tiers du film », a déclaré Lemercier.) En février, Lemercier a remporté le prix de la meilleure actrice aux Césars, les Oscars français, pour « Aline ».

Le film se termine peu de temps après la mort d’Angélil, en 2016, ignorant la transformation de Dion en une icône de la mode impudique, une période que beaucoup considèrent comme la plus intéressante de sa vie. « Je le trouve trop sombre », a déclaré Lemercier. « Je ressens une sorte de frénésie. » L’offrande de Lemercier à Dion est celle du calme réparateur. « Je voulais lui offrir des moments de liberté et d’anonymat qu’elle n’a jamais eus. »

Représenter Dion, a-t-elle dit, lui a donné la capacité de se dépasser un peu. Lemercier a récemment participé à un documentaire biographique, quelque chose qu’elle n’aurait jamais fait, dit-elle, sans l’exemple sportif de Dion. Elle a dit: « Je me rends compte maintenant que ce n’est pas si dramatique, qu’il faut dire qui on est. » ♦

Laisser un commentaire