Jean Prouvé, designer toujours d’actualité


par Clémentine Pomeau-Peyre

Le 13 février à l’Hôtel des ventes Anticthermal de Nancy, Sylvie Teitgen disperse aux enchères un ensemble de tableaux et mobilier provenant de la maison de Françoise Prouvé-Gauthier, fille de Jean Prouvé. Un décor toujours aussi moderne et fonctionnel qui devrait séduire les nombreux amateurs du travail du designer lorrain.

«À la mort de Jean Prouvé, beaucoup d’objets et de meubles ont été disséminés dans la famille, mais ce qui est resté dans la maison de sa fille n’a plus bougé depuis. Le décor de cette maison, elle aussi dessinée par Jean Prouvé, est resté pratiquement identique depuis les années 1980. D’abord, parce qu’il y avait un attachement familial, et ensuite parce que ce mobilier est resté parfaitement moderne et fonctionnel », souligne la commissaire-priseur Sylvie Teitgen qui rappelle que si la maison est également à vendre, « elle n’est pas démontable! »

Né à Nancy, Jean Prouvé (1901-1984) avait effectivement commencé des études d’architecte avant d’être contraint de les abandonner. Il s’en servira pour concevoir des maisons entièrement démontables dont il subsiste aujourd’hui quelques exemplaires… Sa carrière commence véritablement par une formation de ferronnerie, avant d’évoluer, dans les années 1930, vers la fabrication de meubles. Sa démarche, tout à fait particulier pour l’époque, consiste à concevoir des chaises, des fauteuils, des tables… Dans l’optique d’une fabrication industrielle à bas coût. Il est l’un des premiers à vouloir rendre le design accessible à tous, et l’un des seuls à avoir réussi. « D’ailleurs, tous les meubles que nous présentons sont bien des meubles d’édition, pas des prototypes, même s’il peut y avoir une petite touche familiale, comme les coussins des sièges Visiteurs qui ont été faits par Simone Prouvé, artiste tisserande et fille de Jean ».

Des fauteuils Visiteurs et chaises Standard

Les quatre fauteuils Les visiteurs de la vente sont estimés entre 60 000 et 80 000 euros pièce. Uneaine de chaises Standard ou Métropole (8 000 – 10 000 euros la paire) devrait également susciter l’intérêt des amateurs, et venir rappeler aux Nancéens la réplique géante qui trône depuis 2012 sur la place Stanislas. Jean Prouvé a dessiné cette chaise en 1934, en s’inspirant de l’anatomie humaine: les pieds arrière portant le plus important, ils sont donc plus épais et en tôle pliée, tandis que les pieds avant sont en métal tubulaire. L’assise et le dossier sont en contreplaqué, afin d’alléger la silhouette et le poids de l’ensemble.

Cette recherche constante entre économie de moyens et design a toujours guidé Jean Prouvé dans ses aménagements de collectivités. Dans les années 1950, deux résidences universitaires, Monbois à Nancy et Jean-Zay à Anthony, vont lui donner l’occasion de créer des éléments complets destinés aux chambres d’étudiants (lits, bureaux…) ou aux espaces collectifs. La vente du 13 février en offre quelques exemples, avec un lit en tôle d’acier pliée et laquée (4 000-6 000 euros), un bureau dit «Table Cité» en tôle d’acier pliée laquée noir et plateau bois (3 500 – 4 500 euros) ou un bureau à caissons Standard (6 000 – 8 000 euros). Créés dans les années d’après-guerre, ces meubles utilisent tous le même principe de structure modulable faciles à produire en série. « Dans le cadre de cette vente, ce qui risque de changer la donne pour ces meubles de séries, c’est la provenance. Un tel ensemble, directement issu de la famille, ne se reverra pas de sitôt », estime la commissaire-priseur.

Des sculptures de Victor Prouvé

Cette vente étant également une vente de maison familiale, il faut rappeler que Jean Prouvé était aussi le fils du peintre et sculpteur Victor Prouvé, dont une poignée d’œuvres figure au catalogue: sculpture en grès représentant une Maternité (600-800 euros), portrait de Françoise, huile sur toile de 1939 (1 500 – 2 000 euros) ou bronze représentant un enfant (1 500 – 2000 euros). «Nous avons aussi trié et catalogué toute la documentation conservée par la famille autour du travail de Jean Prouvé, pour en faire des lots», détaille Sylvie Teitgen. Les amateurs du travail du designer et de ses contemporains seront donc à même d’enchérir sur un livre édité à l’occasion de l’exposition conjointe sur Jean Prouvé et Serge Mouille à New York en 1985 (30-50 euros), un autre intitulé Jean Prouvé, une architecture par l’industrie dédicacée à François et Pierre (70-90 euros) ou un fascicule L’abbé Pierre et Jean Prouvé (10-15 euros). Ce dernier rappelle la fabrication de «La maison des jours meilleurs», commande de l’Abbé Pierre au designer au cours de l’hiver 1954. Il nécessite alors de concevoir une maison de 50 m2, montable en quelques heures afin de répondre aux situations d’urgence. Le pari avait été tenu, avec une version montée en sept heures sur le quai Alexandre III à Paris.

Enchérir | Suivez la vente du 13 février en live sur interencheres.com

Découvrez nos coups de cœur de la vente hommage à Jean et Victor Prouvé

Image en Une: Jean Prouvé (1901-1984), chaise Métropole n ° 306 dite «Standard». Piétement en tôle d’acier pliée laquée rouge, assise et dossier en contreplaqué moulé recouverts de skaï ivoire. Vers 1952. Haut. 79 cm – Larg. 42 cm Prof.47 cm. Adjugé à 9500 euros (hors frais) par Aguttes le 7 décembre 2020 à Neuilly-sur-Seine.

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