Il est temps de couper la main morte du Trésor


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« Le conservatisme à faible taux d’imposition a été abandonné, mais le conservatisme budgétaire du Trésor est bel et bien vivant. » C’est, suggère la Resolution Foundation, ce qui se passe avec la politique budgétaire du Royaume-Uni. C’est juste. Le Trésor est le département gouvernemental le plus puissant. Avec Rishi Sunak comme chancelier, il dispose également d’un porte-parole politiquement efficace. On ne peut pas s’étonner qu’il gagne. Mais il ne faut pas non plus être entièrement satisfait.

Le Trésor est compétent, mais il est aussi défensif et défaitiste. Nicholas Macpherson, ancien secrétaire permanent, l’a parfaitement saisi dans un article récent : le Trésor est défensif, car contrôler les finances publiques est une « tâche sisyphéenne » ; et c’est défaitiste, car « aucun chancelier n’a réussi à obtenir des recettes fiscales supérieures à 34,1 % du revenu national » au cours des 50 dernières années. En effet, le défaitisme du Trésor est encore plus profond que cela. Il est institutionnellement sceptique quant à tout ce qui vient des départements dépensiers et est particulièrement sceptique quant aux programmes d’amélioration économique.

Il faut un gouvernement fort et déterminé ou une crise colossale, comme celle de Covid-19, pour passer outre ces inclinations. Le scepticisme du Trésor rendra probablement infaisable l’ambition de « montée en puissance » confiée à Michael Gove. Cela nécessiterait des dépenses substantielles et une délégation de pouvoirs fiscaux et autres aux gouvernements locaux. De telles choses ne se produiront que sur le cadavre du Trésor.

Le nivellement n’est pas la seule source de pression fiscale. L’électorat britannique veut un État-providence européen, mais il ne souhaite pas payer les impôts dont il a besoin. La décision d’utiliser l’assurance nationale, un prélèvement sur les salariés, pour financer les dépenses destinées à financer le service national de santé (utilisé principalement par les anciens), ainsi que pour protéger les legs de maisons, souligne la réticence à remédier aux lacunes du système fiscal ou d’augmenter de nouvelles taxes d’une manière juste. Cela justifie également le scepticisme du Trésor sur la capacité du Royaume-Uni à augmenter les impôts.

C'est pourquoi le Trésor insiste sur l'assainissement budgétaire, le pourcentage du PIB, la dette nette du secteur public, le total des dépenses gérées, les recettes courantes du secteur public

Cela a également de grandes implications pour les dépenses publiques : la santé et les services sociaux engloutiront l’argent supplémentaire, laissant peu de place aux autres départements. Ainsi, selon la Resolution Foundation, la part des dépenses quotidiennes « de base » consacrées à la santé et aux services sociaux passera de 28 % de toutes ces dépenses en 2008-09 à 40 % d’ici 2024-25. Cette compression ne sera pas aussi dure que celle des années 2010. Mais l’impact de cette dernière ne sera pas inversé. De nombreux services se sentiront terriblement sous-financés. Les plans de dépenses qui seront annoncés prochainement le démontreront.

Un autre document de la Resolution Foundation souligne une « forte pression » sur les revenus des personnes à revenu faible à moyen via une inflation plus élevée, en particulier des factures d’énergie plus élevées. Pour 4 millions de familles bénéficiant d’un crédit universel, cela sera aggravé par une réduction de 20 £ par semaine ce mois-ci. En avril de l’année prochaine vient la hausse des cotisations d’assurance nationale.

Plus généralement, selon l’OCDE, en 2022, le produit intérieur brut réel ne sera que de 1 % supérieur à ce qu’il était en 2019. En effet, l’économie pourrait ne jamais revenir aux niveaux suggérés par la tendance d’avant la crise.

Les dépenses publiques sont de plus en plus dominées par les dépenses de santé et de protection sociale, dépenses courantes du ministère de la Santé et de la Protection sociale, en % de toutes les dépenses courantes de base

Le Brexit a permis au pays de transférer temporairement la colère et la déception vers une cause nationaliste. Puis est venu le choc accablant de Covid-19, qui a attiré l’attention sur quelque chose d’encore plus urgent et a ouvert les vannes budgétaires. Maintenant, nous revenons à la normale. Le problème, comme le fera clairement comprendre l’Office for Budget Responsibility, est qu’il s’agira d’une normalité désagréable, malgré une reprise économique étonnamment forte. Cela sera rendu encore plus difficile par les coûts substantiels pour les ménages individuels et les entreprises de la réduction de leurs émissions de carbone.

Le Trésor considère la gestion d’une normalité aussi désagréable comme son travail. Mais les gens et les politiciens pourraient envisager des alternatives. L’une serait d’admettre qu’un État-providence à l’européenne nécessite une fiscalité européenne.

Il n'y a pas de corrélation entre une imposition moyenne plus faible et une prospérité moyenne plus élevée, PIB par habitant en 2019 (en dollars internationaux de 2017) v Part moyenne des revenus du PIB, 1990-2019 (%)

C’est possible. Selon les données du FMI, les impôts allemands représentaient en moyenne 45% du PIB de 1991 à 2019, contre 35% au Royaume-Uni. Pourtant, malgré l’unification, le PIB réel par habitant de l’Allemagne était de 16% supérieur à celui du Royaume-Uni en 2019. Il est alors parfaitement possible qu’un pays soit riche tout en ayant un État plus grand. Mais si cela doit être un argument persuasif, nous aurions besoin d’un État bien meilleur.

Ceci, à son tour, exige des politiciens prêts à adopter des politiques plus radicales, y compris plus de dépenses dans la recherche, l’éducation et la formation, le développement régional et la transition énergétique. Ils doivent combattre les présupposés négatifs du débat politique britannique si profondément ancrés dans l’institution politique la plus puissante du pays. Oui, la stabilité macroéconomique compte. Mais il faut aussi être convaincu que les gouvernements sont capables d’apporter des améliorations.

martin.wolf@ft.com

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