Front commun international pour faire reconnaître l’écocide


Voilà bientôt cinquante ans, en 1972, Olof Palme, Premier ministre de la Suède, avançait l’idée d’écocide lors de la Conférence de Stockholm, premier sommet international pour la protection de l’environnement organisé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU). Depuis lors, les crimes majeurs contre la nature n’ont cessé de se répéter et leurs impacts de s’aggraver, sans que la notion même ne soit encore reconnue par les instances mondiales.

Citation d'icôneLa dégradation de la planète ne cesse de s’aggraver et les crimes environnementaux autant que leurs responsables restent le plus souvent impunis. Marie Toussaint, fondatrice de notre affaire à tous

Alors que la bataille pour accorder à l’écocide un statut juridique à l’échelle mondiale a représailles depuis quelques années, des élus de plusieurs pays ont décidé de s’organiser pour appuyer la revendication.

Une Alliance des parlementaires pour la reconnaissance de l’écocide, au même titre que le crime contre l’humanité, vient d’être lancée ce vendredi 23 octobre. Elle rassemble, pour l’heure, une dizaine de représentants de pays d’Europe, d’Océanie, d’Asie et d’Amérique. « Ce défit est international », Rappelle Marie Toussaint, juriste, fondatrice de l’ONG Notre affaire à tous, et aujourd’hui dépendée européenne chez les Verts. « La dégradation de la planète ne cesse de s’aggraver et les crimes environnementaux autant que leurs responsables restent le plus souvent impunis», Expliquait-elle lors d’une conférence de presse organisée en ligne, qui rassemblait plusieurs initiateurs de la démarche. «En tant que parlementaires, nous avons le devoir de porter la voix des citoyens, poursuivait Marie Toussaint. C’est également à nous qu’incombe la tâche de rédiger des lois. »

«Au Brésil, nous perdons 1,5 million d’hectares de forêt chaque année»

Très précisément, l’Alliance définit l’écocide comme « une destruction ou des dommages graves portant atteinte à toute partie ou système appartenant aux biens communs mondiaux, ou à tout l’écosystème à une échelle telle qu’elle pourrait menacer la vie des générations présentes et / ou futures, mais surtout la sécurité et la viabilité de la planète ».

La choose peut sembler extraordinaire: elle est pourtant commune, rappellent les parlementaires. «Au Brésil, la déforestation et la destruction d’écosystèmes entiers sont à un niveau tel que nous sommes près d’atteindre un point de non-retour, après lequel rien ne sera plus réparable»,explique Rodrigo Agostinho, député de l’Assemblée fédérale du Brésil.«Nous perdons en moyenne 1,5 million d’hectares de forêt chaque année, et plus de 1 000 espèces végétales et animales sont, chez nous, menacées. »

Depuis deux ans, les incendies n’ont cessé de se multiplier dans la forêt amazonienne, poursuit le député. Et si le réchauffement climatique les attise, c’est bien la main de l’homme qui les déclenche, alors que la plupart sont attribuables aux fazendeiros et autres grands exploitants agricoles en quête de terres à cultiver. «Aucun de ces crimes n’est jamais puni, reprend Rodrigo Agostinho,ou quand ils le sont, c’est au prix d’une simple amende.»Ceux qui osent élever la voix pour dénoncer ces agissements, en outre, le font au prix de leur sécurité, voire de leur vie. Le pays compte aujourd’hui au nombre de ceux où les défenseurs de l’environnement se font le plus assassinés.

Les pays de l’OCDE laissent les criminels environnementaux imposer leurs empreintes sur l’environnement.

Même mécanique aux Philippines, explique Eufemia Cullamat, représentante de la communauté indigène Mindanaode à la chambre des représentants du pays. «Les peuples autochtones sont confrontés à des violations de leurs droits», Ils peuvent aller, là encore, jusqu’à l’assassinat. Dans les deux cas, l’État tolère, voire alimente les exactions, en empêchant la mise en place de garde-fous légaux, ou en supprimant ceux déjà existants.

Les pays totalitaires, cependant, ne sont pas seuls à être pointés du doigt. Menaces sur telle ou telle espèce animale, poursuite d’activités extractivistes mis en danger les ressources naturelles, telle que la production d’hydrocarbures de schiste, ou autres pressions exercées sur lesdites ressources: les pays de l’OCDE laissent, eux aussi, les criminels environnementaux – souvent de grandes entreprises – imposer leurs empreintes sur l’environnement, insistent les membres de l’Alliance. Bien sûr, dans de nombreux cas, des lois existantes aux échelles nationales, censées empêcher les pratiques délétères. Le fait est qu’elles ne sont pas suffisantes.

Objectif, avancent les parlementaires, est à présent l’explorateur de nouveaux systèmes législatifs. La reconnaissance de l’écocide ne vise ni à remplacer les lois nationales, ni à étouffer les batailles qui se mènent localement, «mais à les suppléer, les relayer et les décupler», Insiste Inès Sabanes, qui, jusqu’en janvier dernier, était encore membre du parti vert espagnol. L’Alliance nouvellement créée se veut un outil pour mener la campagne, «partager les expériences et les savoirs afin de réussir à faire participer la reconnaissance de l’écocide dans le droit international, mais aussi dans nos pays respectés», Conclut Marie Toussaint.

Tuvalu et les Maldives à l’offensive pour sauver leur avenir

Plusieurs fenêtres se sont ouvertes ces derniers mois qui peuvent laisser aux parlementaires l’espoir de remporter la bataille. La pression citoyenne en est une – en France, la Convention citoyenne pour le climat place la reconnaissance de l’écocide au nombre de ses 149 propositions.

Dans plusieurs pays, des travaux législatifs avancent également dans ce sens, comme en Suède, où trois propositions sont aujourd’hui en débat devant le parlement. À l’internationale, enfin, les États insulaires de Tuvalu et des Maldives ont déposé un amendement devant la Cours pénale internationale pour demander qu’elle reconnaisse les écocides, et les traite au même titre que les crimes contre l’humanité. Il faut dire que les deux archipels ont gros à jouer, alors que la montée du niveau des mers, promesse par un réchauffement climatique qui s’élèverait à près de 2 ° C, menace directement leur existence à courts termes.

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