finances, solidarité, arrêt de carrière … le combat des joueurs de deuxième division


Privés de tennis jusqu’au 13 juillet, à cause de la pandémie de Covid-19, les joueurs de deuxième division se retrouvent confrontés à des problèmes financiers menaçant la suite de leur carrière. Ils s’organisent pour éviter de devoir mettre un terme à leur carrière.

Même si tout le monde s’y attendait un peu, le couperet est tombé mercredi 1er avril. Dans la foulée de l’officialisation de l’annulation de Wimbledon à cause de la pandémie de coronavirus, une première depuis la Seconde Guerre mondiale, l’ATP et la WTA ont prolongé la période de suspension du circuit professionnel jusqu’au 13 juillet inclus . La Fédération internationale de tennis (ITF) l’a annoncé dans la foulée pour le circuit secondaire. Une période synonyme d’absence de tournois et donc de revenus pour les joueurs. Cette partie de ressources va manquer cruellement aux joueurs écumant les tournois Futur et Challengers et qui n’ont pas fini de faire face aux problèmes de trésorerie.

« On s’entraîne sans objectif réel »

Depuis le début du confinement, Dan Added (379e mondial), jeune joueur strasbourgeois de 20 ans, s’entretient dans la maison familiale où il réside. « Au départ, avec les six semaines de suspension annoncées, je me suis fait un bloc comme une sorte de préparation physique hivernale. Avec trois-quatre heures de sport par jour. Si on me dit bientôt que la reprise est en janvier, mes deux séances quotidiennes ne me servent à rien. En tant que joueur, tu marches par objectif, avec les échéances des tournois. Tu sais pourquoi tu bosses. Mais là, on n’a aucune vision. Si le confinement se prolonge vraiment, j’ai peur de perdre ma motivation « .

Du côté de Biarritz, Alexis Musialek (31 ans) est retourné dans les attaches familiales, il y a quelques mois, avec une nouvelle structure d’entrainement. Il s’entretient dans son jardin avec son père sans accès à un court de tennis: « On est dans le flou. C’est compliqué parce que je trouve que c’est une date très lointaine (la reprise le 13 juillet) et qui risque d’être encore repoussée à mon avis. Alors je fais plus de l’entretien physique « , détaille le 608e joueur mondial, encore plus conscient en cette période de confinement du caractère exceptionnel de son métier pas comme les autres et de la chance qu ‘il a.

Une trésorerie à flux tendu

Pour certains joueurs, l’intersaison et le début de l’année ont été un investissement financier important. Dan a ajouté un choisi de gonfler sa structure avec un entraîneur de tennis, en complément de son entraîneur historique qu’il prenait en charge depuis septembre 2019: « Sur les premières compétitions de l’année, je n’ai pas fait beaucoup de résultats. Donc j’étais déjà en négatif financièrement « . Bilan: perte de 4.000 euros depuis sa préparation, malgré de nouveaux sponsors. Et c’est sans compter les prélèvements de l’URSSAF, les impôts, et les autres cotisations. « Si je n’habitais pas chez mes parents et que j’avais un loyer à payer, je n’aurais pas assez de côté pour vivre seul ».

Après avoir été plusieurs fois sparring partner de l’équipe de France de Fed Cup, Alexis Musialek a pu mettre un peu d’argent de côté et s’estime « chanceux, contrairement à ceux qui ont dû contracter un prêt bancaire pour jouer ». Mais les mois de mai et juin sont charnières dans sa saison, notamment ces deux dernières années avec les matchs par équipe (annulés par la fédération française). Il porte les couleurs du club de Vanves, en championnat de France en mai, et d’un club allemand à Cologne en juin-juillet: « C’était en grande partie grâce à ça que je pouvais me financer, et jouer au tennis. Les deux dernières saisons, cela représentait environ 50% de mon budget annuel « .

Revenus qui n’existeront pas cette année non plus pour Gianni Mina. Le joueur guadeloupéen de 28 ans, ancien espoir du tennis français, sort de trois années de galère et de blessures à répétition. Actuellement au 919e rang mondial, il comptait énormément sur les matchs par équipe pour « continuer à jouer au tennis ». Une période qui représente 10 000 euros de revenus assurés.

Entre charges et fonds de solidarité

Le bruit court que l’ATP n’a pas encore tranché pour aider les joueurs et ne pas « savoir pas quoi faire », à l’exception du remboursement de la cotisation « ATP Members » payée par les 200 meilleurs joueurs du monde. La question étant complexe: qui doit être indemnisé? À quel titre? Quel montant? Pour l’heure, rien n’a été communiqué aux joueurs qui ne comptent pas vraiment dessus. Mais ils ont des charges récurrentes.

Au-delà d’être des sportifs de haut niveau, ce sont aussi des entrepreneurs. Pour la plupart, ils ont un statut d’entrepreneur indépendant (micro entreprise, société unipersonnelle, etc.) et ont donc des factures à payer tous les mois. « Par rapport à mon statut juridique d’entrepreneur indépendant, je n’ai pas le droit au chômage, il faut que je fasse les démarches pour toucher le fonds solidaire du gouvernement pour le mois d’avril », confie Dan Added. Même son de cloche pour Alexis Musialek qui va « entamer les démarches pour s’y inscrire ».

L’arrêt de carrière en tête

Plus les semaines vont passer, plus ils seront dos au mur. Avec pas mal d’années sur le circuit secondaire, Alexis Musialek est lucide sur la suite: « S’il faut repousser la reprise des tournois, ou si je dois trouver un petit job je le ferai. Mais si jamais on s’oriente vers une année blanche, tout est envisageable comme l’arrêt du tennis. On va arriver à un point de non-retour. Je ne vais pas attendre un pour avoir des revenus « .

Le constat est tout aussi tranché pour Gianni Mina: « Je suis extrêmement touché par cette suspension du circuit par rapport à mes objectifs, car je sors de trois années très difficiles. Cela a été long et je me donnais en quelque sorte cet été comme date limite « . Avant d’ajouter: « Je ne sais pas dans quel état d’esprit je serai en septembre, j’ai 28 ans … Cela va être très long. Si le circuit reprend en septembre, cela veut dire aucune rentrée d’argent jusque-là. Et je ne saurai pas où j’en serai financièrement. Je suis diplômé d’État (moniteur de tennis), mais je ne peux même pas entraîner (les cours étant suspendus par la Fédération à cause de la pandémie). Potentiellement, je ne peux pas mettre de côté l’hypothèse de l’arrêt de ma carrière « . Il irait alors vers un autre challenge: un master de marketing à Sciences-Po. Pour une potentielle nouvelle vie.

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