Ferme Bassenges : agriculture low-tech sur campus high-tech


A la Ferme de Bassenges, six femmes et hommes dévoués apportent leur vision du développement durable sur les campus de l’EPFL et de l’UNIL, donnant à l’agriculture low-tech – sans pesticides – une chance de prospérer.

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Face au Swiss Tech Convention Center, de l’autre côté d’une longue route appelée le Tir-Fédéral, la ferme de Bassenges se transforme. Il y a presque 3 ans, la ferme était pratiquement vide. Maintenant, c’est littéralement animé par la vie.

La juxtaposition de la société technologique et de la vie agricole est frappante à cette intersection particulière à Ecublens. L’architecture imposante du palais des congrès, la circulation bruyante le long de la route, le métro M1 qui passe périodiquement… C’est la vie en ville comme d’habitude, jusqu’à ce que l’on entende le braiment de l’âne, étrangement amplifié au fur et à mesure que l’appel « hee-haw » rebondit les murs de l’immense centre des congrès.

Le contraste ne s’arrête pas à l’âne. Une parcelle voisine de terre cultivée de manière conventionnelle présente une monoculture parfaitement alignée et robuste sans aucune mauvaise herbe. À la ferme de Bassenges, qui travaille à la certification Bio-Suisse, les voisins et les passants ont été témoins d’un travail du sol mené par des chevaux et des mules, avec des agriculteurs et des bénévoles désherbant manuellement et prenant soin du potager diversifié.

© 2021 Ferme Bassenges

Rencontrez les membres du collectif agricole Bassenges

« Nous ne voulons pas de produits phytosanitaires dans nos champs, explique Ivanna Crmaric, agronome à la ferme de Bassenges. L’agriculture biologique autorise l’utilisation d’agents phytosanitaires biologiques, mais interdit l’utilisation de produits de synthèse. Au lieu de cela, Crmaric et ses collègues font leurs propres préparations, telles que des macérations d’ortie et des décoctions d’herbes.

Crmaric a choisi l’agriculture parce que c’est une façon concrète de vivre selon ses valeurs. C’est aussi une façon – espère-t-elle – de montrer qu’une agriculture low-tech et des choix économiques lents sont possibles dans nos sociétés high-tech en évolution rapide. Elle rêve aussi d’une ferme de recherche suisse en agriculture durable, et se réfère avec enthousiasme à l’exemple donné par la ferme de recherche de l’Université de Colombie-Britannique, au Canada.

Crmaric est l’une des six femmes et hommes investis qui travaillent – ​​et vivent – ​​à la ferme, élèvent des animaux et cultivent la terre selon des pratiques biologiques, comme le proposait un projet qui a fait l’unanimité auprès du jury EPFL-UNIL en décembre 2019. les terres agricoles sont mises à disposition par l’EPFL et l’UNIL sur leurs campus respectifs. Ensemble, Crmaric et ses collègues se définissent comme le collectif de la ferme de Bassenges.

« L’agriculture conventionnelle nourrit la plante, c’est ce que font les engrais de synthèse, mais tout ce que la plante n’absorbe pas est emporté par la pluie », explique Timothée Faes, agriculteur suisse certifié et formé à l’agriculture biodynamique. « Au lieu de cela, nous cultivons le sol. Nous apportons de l’humus riche en nutriments au sol pour favoriser la diversité, des mycorhizes aux vers et aux insectes. Nous prenons soin de l’écosystème pour faire pousser des plantes saines, et nous faisons intrinsèquement partie de ce système. »

Faes apporte à la ferme de Bassenges vingt ans d’expérience dans l’agriculture biodynamique, l’élevage de brebis laitières et la fabrication de fromage. Il a choisi cette vocation pour être au plus près de la nature sauvage dans le contexte de notre société construite.

Font également partie du collectif trois diplômés de l’EPFL en génie de l’environnement, Baptiste Calliari, Clément Levasseur et Tom Müller, ainsi que Melodi Binay, diplômée en communication de l’Université de Fribourg.

Calliari apporte à la ferme de Bassenges son expérience du maraîchage biologique d’une petite ferme grenobloise. Calliari était un alpiniste passionné, jusqu’à ce qu’il découvre l’agriculture. « L’alpinisme était une évasion pour moi, mais cela impliquait aussi beaucoup de voyages. Je voulais réduire mon empreinte carbone, et le meilleur moyen pour moi de trouver un équilibre était de changer mon mode de vie.

Levasseur a travaillé plusieurs années comme conseiller agricole, mais il voulait une expérience pratique. Il s’intéressait particulièrement à la façon de réduire le travail du sol, comme moyen de maximiser la vie dans cet habitat, et comment incorporer des arbres pour le bien de l’agriculture, une pratique appelée agroforesterie. Un projet à la ferme de Bassenges était une opportunité à saisir. «Les terres agricoles sont rares en Suisse, et sont souvent conservées au sein des familles d’une génération à l’autre», explique Levasseur. Avec l’aide des étudiants de l’EPFL et de l’UNIL, ils ont planté plus de 75 arbres et près de 200 mètres linéaires de haies vives sur les deux campus.

Lorsque Müller ne travaille pas sur sa thèse UNIL sur la fonte des glaciers, il contribue à la ferme chaque fois que cela est possible. Il fait partie du projet pour découvrir et apprendre le plus possible sur l’agriculture à petite échelle, tout en expérimentant la vie en communauté.

Binay a toujours été passionné par l’agriculture. Après ses études, elle enseigne la gestion agricole et la politique à l’école Marcelin. Venir à la ferme de Bassenges était une démarche naturelle, en accord avec ses convictions de réduire l’énorme quantité de déchets issus des pratiques industrielles.

Une expérience d’agriculture durable

Depuis l’origine du projet, les membres du collectif Bassenges développent leur vision de l’agriculture et du vivre durables et la testent directement dans leurs pratiques. Ils se réunissent chaque semaine pour organiser le travail, mais aussi pour évaluer et évoluer dans leur formidable expérience durable. L’approche biodynamique, comme planter selon les cycles de la lune, ou concocter des sprays et des préparations biodynamiques, n’est pas pour tout le monde dans le collectif. Mais cela n’empêche pas Binay, Calliari, Crmaric, Faes, Levasseur et Müller de se concerter, de réunir leurs personnalités respectives, et de mettre en œuvre leur idée commune d’une agriculture biologique et durable.

Quels sont leurs principes directeurs ? « Nous visons un flux de matières circulaire, avec le moins d’apports externes possible. Nous visons à augmenter la biodiversité dans nos pratiques agricoles, mais aussi à minimiser notre empreinte carbone », explique Crmaric.

L’agriculture a en effet le potentiel de réduire les émissions de carbone. La perte de carbone organique du sol due à l’utilisation humaine des terres peut être atténuée. Tout récemment, la Commission européenne a lancé sa nouvelle initiative d’agriculture carbone.

Agriculture à petite échelle et à faible technicité

Les membres du collectif sont à la ferme de Bassenges depuis février 2020, juste avant que le COVID ne déferle sur le pays, cultivant jusqu’à 9,5 hectares soit 8000m2 de légumes, 15000m2 de cultures comme les céréales. Ils élèvent des moutons, des cochons, s’occupent de chevaux, d’un âne et d’un mulet, tout en fabriquant du fromage et en aménageant les bâtiments sur place.

Lorsque la mule têtue nommée Greta refuse de labourer le champ, ils ne se privent pas d’utiliser un petit tracteur. Ils retirent les grains de maïs soufflé séchés de l’épi à l’aide d’un broyeur à vélo. Ils utilisent une armoire alimentée par la lumière du soleil pour sécher leurs haricots verts pour un stockage à long terme. Ils stockent leur récolte dans une chambre froide qu’ils ont eux-mêmes construite, avec l’aide de bénévoles, à partir de blocs de foin et d’un mélange d’argile locale. C’est avec leurs mains, chaque matin et chaque soir, qu’ils traient les brebis pour la fabrication du fromage, dans une fromagerie qu’ils ont eux-mêmes construite, en utilisant autant que possible du matériel recyclé. Ils vendent également des légumes frais et du fromage sur leur marché du mardi, quotidiennement dans leur self-service, ou via leur distribution hebdomadaire de paniers de produits de saison.

La charge de travail est intense, vaste et variée. Les membres du collectif Bassenges récoltent les fruits de leur travail, pas forcément financièrement, mais en termes de vie selon leurs valeurs. Ils vivent le plus possible de la terre. Ils adoptent une vie circulaire et une économie lente. Ils explorent ce que signifie pratiquer une agriculture durable low-tech, et ils le font en face de l’une des universités les plus techniques de Suisse. Les synergies futures sont prometteuses.

© 2021 Ferme Bassenges

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