En Turquie, Erdogan nomme un nouveau gouverneur de la Banque centrale


Aucune raison officielle n’a été donnée pour expliquer cette décision. La Banque centrale de Turquie venait de relever son principal taux directeur, ce que j’appréciais pas le président Erdogan.

Le président Recep Tayyip Erdogan a limogé samedi le gouverneur de la Banque centrale de Turquie quelques mois seulement après l’avoir nommé, au risque d’aggraver l’inquiétude des marchés quant à l’indépendance de cette institution.

Un éditorialiste proche du pouvoir comme gouverneur

Dans un décret présidentiel publié dans la nuit du vendredi à samedi, Recep Tayyip Erdogan a annoncé le remplacement de Naci Agbal, un ancien ministre des Finances apprécié des économistes, par Sahap Kavcioglu, un ex-responsable politique et éditorialiste proche du pouvoir.

Si aucune raison officielle n’a été avancée, ce remplacement brutal intervient deux jours après que la banque centrale de Naci Agbal a relevé de 200 points de base son principal taux directeur, à 19%, une mesure de lutte contre l’inflation saluée par les marchés.

Mais le chef de l’Etat, partisan d’une forte croissance alimentée par des crédits bon marché, a toujours son opposition aux taux d’intérêt élevés.

Il les qualifie ainsi régulièrement de « père et mère de tous les maux » et affirme, à rebours des théories économiques classiques, qu’ils favorisent l’inflation.

Naci Agbal avait été nommé en novembre, dans le cadre d’une refonte de l’équipe économique à la tête du pays dans un contexte de difficultés croissantes avec notamment une inflation élevée et une érosion de la livre turque.

La crédibilité de la Banque centrale en question

S’il n’est pas parvenu à freiner l’inflation, qui a atteint 15,6% en février en rythme annuel, Naci Agbal a réussi en quelques mois à redonner de la crédibilité à la banque centrale, une institution dont l’indépendance a été mis à mal ces dernières années.

Pendant son mandat, il a relevé le taux directeur de la banque centrale de 875 points de base au total.

Naci Agbal est « un bon économiste (…) qui a pris des décisions difficiles, mais bonnes, dans l’intérêt de la Turquie », a salué Timothy Ash, analyste à BlueBay Asset Management, qualifiant son limogeage de « décision vraiment stupide « .

Après le remplacement de Naci Agbal, « une chute brutale de la livre turque (à la réouverture des marchés de changement) lundi semble inévitable », a estimé le cabinet Capital Economics dans une note.

La décision du président Erdogan laisse peu de place au doute sur le fait qu’il considère tous les pouvoirs en Turquie et que cela se traduira par une baisse des taux (de la banque centrale). Cela ne fera qu’aggraver l’inflation « , at-il ajouté.

Un quatrième gouverneur en moins de deux ans

Sahap Kavcioglu, dont la nomination est tombée après la fermeture des marchés financiers, est devenu le quatrième gouverneur de la banque centrale nommée depuis juillet 2019.

Economiste et ancien député du parti au pouvoir, il avait signé en février un billet d’opinion dans le quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak dans lequel il estimait que la banque centrale ne devrait pas insister pour mettre en place une politique de taux d’intérêt , car cela conduirait selon lui à plus d’inflation.

La livre turque avait regagné environ 15% de sa valeur face au dollar depuis l’entrée en fonctions de Naci Agbal en novembre et le changement d’équipe économique, qui avait également vu la démission du gendre de Recep Tayyip Erdogan, Berat Albayrak, du poste de ministre des Finances.

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