Critique « Devenir Cousteau » : Le vieil homme et la mer


Jacques-Yves Cousteau est décédé en 1997, et il peut être difficile pour les personnes majeures dans les années qui ont suivi de saisir l’étendue de sa notoriété, voire de reconnaître la catégorie de célébrité à laquelle il appartenait.

Ancien officier de marine français, amoureux inextinguible de la mer, il allie l’élan d’un aventurier à l’ancienne à la discipline technocratique des premiers astronautes. Il était à la fois inventeur et explorateur, cinéaste devenu écologiste et, grâce à son charisme naturel et sa casquette de montre rouge signature, une figure de la pop-culture universellement reconnue.

« Devenir Cousteau », le nouveau documentaire de Liz Garbus pour National Geographic, réussit à redonner à Cousteau une partie de son lustre, mais aussi sa pertinence. C’est une biographie détaillée et rapide, racontant une vie longue, mouvementée et parsemée de tragédies et de regrets.

Les images d’archives sont passionnantes, qu’il s’agisse de suivre les récifs coralliens et les bancs de poissons ou de jeter un coup d’œil sur l’histoire remarquable du maillot de bain masculin français. Le navire de Cousteau, un dragueur de mines désarmé nommé Calypso, apparaît comme un lieu de cape et d’épée, de bonne humeur macho – Simone Cousteau, la femme du capitaine, a insisté pour être la seule femme à bord – et d’enquête scientifique rigoureuse.

Mais Garbus (dont les documentaires récents incluent « Love, Marilyn » et « What Happened, Miss Simone? ») recherche plus qu’une nostalgie poignante ou un sentiment d’émerveillement perdu. L’histoire de Cousteau telle qu’elle la raconte – aidée par la narration tirée d’entretiens avec les collègues et les enfants de Cousteau, ainsi que par l’audio de l’homme lui-même – parle de l’éveil de sa conscience, de la façon dont sa fascination pour les océans de la Terre s’est transformée en une croisade pour sauve les.

Du point de vue du présent, il semble intuitif qu’une personne dévouée à l’exploration des océans soit également engagée dans leur préservation. « Devenir Cousteau » suggère quelque chose de proche du contraire. Dans les annales de l’exploration humaine, la curiosité est souvent un prélude et un catalyseur de conquête. Et il en fut ainsi, du moins au début, avec Cousteau.

Après que les blessures subies dans un accident de voiture ont mis fin à son rêve de devenir pilote, Cousteau s’est tourné vers la chasse sous-marine au large des côtes méditerranéennes de la France. Avec ses amis Philippe Tailliez et Frédéric Dumas, il développe de nouvelles techniques de plongée et des respirateurs sous-marins qui ouvrent de nouveaux horizons.

Après la Seconde Guerre mondiale, ses ambitions se sont élargies. « Le monde silencieux », le long métrage de Cousteau en 1956 – qui a remporté à la fois la Palme d’or à Cannes et l’Oscar du meilleur documentaire – a offert « une heure et vingt-six minutes de sensations fortes picturales (et piscatoriales) », selon The New critique du York Times. Comme de nombreux explorateurs, Cousteau considérait ce monde nouvellement tracé comme quelque chose à exploiter, voire à coloniser. Il attendait avec impatience les établissements humains sous-marins permanents et l’essor de « l’homo aquaticus », un nouveau type d’humain habitué à la vie dans l’eau.

Il a également accepté de l’argent et des commissions de l’industrie pétrolière, qui était désireuse de trouver des sources de pétrole offshore. Une grande partie de l’activisme ultérieur de Cousteau était une franche pénitence pour ce travail et pour son rôle dans l’accélération de l’encrassement des océans qu’il chérissait. Ses avertissements écologiques étaient prémonitoires, et non sans coût. Les dirigeants de la télévision américaine ont cessé de diffuser ses documentaires, les trouvant trop « sombres », « stridents » et « cyniques ».

Le film de Garbus rend compte des pertes personnelles qui ont assombri les dernières années de Cousteau, y compris la mort de Simone et de leur fils Philippe. Mais comme la plupart des documentaires sur les questions environnementales et sociales – et sur des personnes bien connues et respectées – il accentue le positif.

Cousteau fournit un exemple inspirant de passion au service d’un noble objectif, en devenant un ambassadeur au nom d’écosystèmes assiégés et fragiles. Il est déterminé dans son optimisme, même s’il craint – dans les années 80 et 90 – qu’il ne soit peut-être trop tard pour sauver les baleines, le corail, les glaciers et les poissons. « Devenir Cousteau » s’accroche à cet optimisme, peut-être parce que l’alternative est trop inquiétante pour être envisagée.

Devenir Cousteau
Classé PG-13 pour tragédie personnelle, danger environnemental et tabagisme. Durée : 1 heure 33 minutes. Dans les théâtres.

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