Crise sanitaire: prolongement de la trêve hivernale – Immobilier


Annoncée par un communiqué de presse (Dalloz actualité, 5 févr. 2021, obs. K. Bouroubat), l’ordonnance du 10 février 2021 prolonge la «trêve hivernale» jusqu’au 31 mai 2021. Une mesure identique avait été prise l ‘ un passé; devant s’achever au 31 mai 2020 (ord. n ° 2020-331, 25 mars 2020, Dalloz actualité, 31 mars 2020 obs.Y. Rouquet), elle était finalement maintenue jusqu’au 10 juillet 2020 (L. n ° 2020-546, 11 mai 2020, art. 10). Aujourd’hui justifié par la crise sanitaire, un tel prolongement n’est pas inédit. En 2013, pour faire face aux intempéries exceptionnelles, une circulaire avait invité les préfets de département à suspendre au-delà du 31 mars les décisions accordant le concours de la force publique à une procédure d’expulsion (Dalloz actualité, 14 mars 2013, obs Y. Rouquet).

La suspension des procédures d’expulsion ne concerne que les personnes pertinentes des prévisions de l’article L. 412-6 du code de procédure civile d’exécution, c’est-à-dire celles dont le relogement n’est pas assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. En sont exclus les personnes qui se sont introduites par voie de fait dans les lieux occupés, de manière systématique s’il s’agit du domicile d’autrui, ou par décision du juge pour les locaux affectés à un autre usage.

Par ailleurs, la trêve hivernale ne fait pas obstacle à l’engagement ou à la poursuite de procédures en recouvrement des dettes locatives et en résiliation du bail. Au cours de cette période, des décisions prononçant l’expulsion peuvent être rendues (CE 22 sept. 2017, n ° 407031, Lebon ; AJDA 2017. 1809 ; JCA 2017. 2281), et les services de l’État peuvent être saisis d’une demande de concours de la force publique (CE 27 avr. 2007, n ° 291410, Dalloz actualité, 21 mai 2007, obs.F.-C . Bousquet; Lebon ; AJDA 2007. 1263 ; Procédures 2007, Comm. 248, obs. R. Perrot). Seule l’exécution de l’expulsion elle-même sera différée.

L’ordonnance assortit ce prolongement de précisions permettant l’indemnisation par l’État des propriétaires des locaux occupés.

Rappelons qu’en application de l’article L. 153-1 du même code, la responsabilité de l’État est engagée lorsqu’à la suite de la réquisition faite par huissier, ses services refusent d’obtenir leur concours soit explicitement soit implicitement en ne répondant pas à la demande qui lui a été faite dans un délai de deux mois (Rép. resp. puiss. publ., v ° Force publique: refus de concours, par R. Vandermeeren; J.-M. Pontier, Le refus du concours de la force publique pour l’exécution d’une décision de justice, JCP Adm. 2015. 2131). L’indemnisation va venir réparer les préjudices subis du fait de la carence de l’autorité, tels que la perte des loyers, divers troubles de jouissance, les dégradations faites au local si elles sont intervenues durant la période au cours de l’expulsion aurait dû avoir lieu, ou encore le temps de l’immobilisation du local qui était destiné à la vente (CE 25 juill.2007, n ° 293377, Lebon ; JCP Adm. 2007. 2311, obs. J. Moreau).

Cependant, l’exécution des mesures expulsion étant prohibée au cours de la trêve hivernale, cette période est exclue du calcul de l’indemnisation (CE 5 mai 2006, n ° 277632; 9 nov.2018, n ° 412696, Dalloz actualité, 15 nov.2018, obs.J.-M. Pastor; Lebon ; AJDA 2018. 2218 ; JCP Adm. 2019. 2005, obs. H. Pauliat). En effet, ne saurait être reprochée une défaillance aux services de l’État n’exécutant pas une mesure en application des dispositions légales du code des procédures civiles d’exécution.

L’ordonnance du 10 février 2021 aménage ce principe pour la seule période issue du prolongement. Ainsi, lorsque l’État aura refusé son concours, il sera néanmoins tenu d’indemniser les propriétaires à compter du 1euh avril 2021 pour les décisions de refus nées le 1euh novembre et le 31 mars 2021, et à compter du refus implicite pour les décisions de refus nées entre le 1euh avril 2021 et le 31 mai 2021. Lorsque le préfet aura accepté d’accorder le concours de la force publique, le rapport de la mesure d’exécution de plus de quinze jours ouvre droit à réparation pour la période du 1euh avril 2021 jusqu’à son exécution effective.

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