Comment le français a conquis l’anglais – Actualités


Les partisans de William sont devenus une nouvelle classe dirigeante française et, comme les colonisateurs du monde entier, ont imposé leur langue à la société qu’ils dirigeaient désormais.



Par Shashi Tharoor

Publié : jeu. 20 janv. 2022, 23:44

On dit qu’entre un tiers et deux tiers de tous les mots de la langue anglaise sont en réalité d’origine française. La plupart du vocabulaire français en anglais est entré dans la langue après la conquête normande de l’Angleterre en 1066, lorsque Guillaume le Conquérant a battu le roi Harold à la bataille de Hastings. Les partisans de William sont devenus une nouvelle classe dirigeante française (appelée normande parce qu’ils venaient d’une partie de la France appelée Normandie) et, comme les colonisateurs du monde entier, ont imposé leur langue à la société qu’ils dirigeaient désormais.

Le français était, bien sûr, parlé par la nouvelle élite. Alors que les échelons supérieurs de la société parlaient le français normand, les plébéiens locaux parlaient les dialectes anglo-saxons qui avaient prévalu auparavant. Mais la langue normande (à proprement parler, l’ancien français, plus précisément le vieux dialecte normand) a supplanté l’anglais anglo-saxon à la cour royale et au gouvernement, parmi la haute société, la magistrature et l’Église. Depuis que les colons normands utilisaient leur langue maternelle dans leur vie quotidienne, elle s’est infiltrée dans l’anglais quotidien des habitants, formant un hybride qui a pris la structure syntaxique de l’anglais et a utilisé des mots des deux sources. L’anglais lui-même devient « francisé », tandis que le français parlé en Angleterre prend des influences anglaises.

La séparation politique de l’Angleterre et de la France au début du XIIIe siècle, marquée par une hostilité croissante (culminant avec la guerre de Cent Ans entre les deux), a inévitablement conduit au déclin du français comme langue préférée en Angleterre. En 1349, l’anglais devient la langue d’enseignement à l’Université d’Oxford, qui dispensait auparavant ses cours en français ou en latin. Le roi Henri IV (1367-1413) fut le premier roi anglais dont la langue principale était l’anglais, et son successeur Henri V (1387-1422) devint le premier à utiliser l’anglais dans les documents officiels. L’anglais, tel que nous le connaissons, a pris son envol il y a un peu plus de six cents ans.

Aujourd’hui, peu sont même conscients des origines françaises de nombreux mots pris pour acquis comme anglais. Ceux-ci incluent des mots reflétant les pratiques féodales des Normands (allant de chevalerie, hommage et vassal à lige, suzerain et même méchant) à des mots liés à la guerre (armure, donjon, rempart). La royauté et la gouvernance exigeaient naturellement des paroles des suzerains français ; vinrent ainsi baron, comte, dame, duc et marquis, « héritier présomptif » et prince régent. De même, «ministre» et «parlement» et même le mot «gouvernement» lui-même, tous venaient du français, tout comme «souveraineté» et l’ABC: «administration», «bureaucratie» et «constitution». La justice, le juge, le jury et même le tribunal étaient également des cadeaux des Français.

Le vocabulaire de la politique et de l’économie est naturellement dominé par le français : on ne peut pas parler de « monnaie », de « trésorerie », ou de « trésor », ou de commerce, de finance, et même de fiscalité, sans utiliser des mots d’origine française. Les concepts politiques du libéralisme et du capitalisme, au matérialisme et au nationalisme, et d’ailleurs le « coup d’État » un peu plus évident, sont venus du français.

Le français a longtemps été la première langue de la diplomatie mondiale, diront certains jusqu’au XXe siècle. Les mots utilisés en anglais pour la plupart des activités diplomatiques dérivent sans surprise du français. Si l’usage de l’accent dans attaché, chargé d’affaires, démarche, communiqué, aide-mémoire et détente trahit l’origine française de ces mots, d’autres termes de base en diplomatie, d’envoyé à accord, d’alliance à passeport, et pour d’ailleurs le protocole lui-même, sont aussi français — comme l’est le mot diplomatie lui-même. Certains concepts diplomatiques prennent des mots français même en anglais courant, notamment l’entente et le rapprochement.

Si la langue est le véhicule de la culture – et la France s’enorgueillit des deux – il n’est pas surprenant de voir combien de termes de cuisine, d’art et d’architecture sont dus au français. Presque tout sur un menu semble être en français, ce n’est donc pas un thème qui doit nous retenir ici. Mais l’art est plus francophone que beaucoup ne le pensent. Des mots art, musique, danse et théâtre, à des termes spécifiques comme peinture, toile, galerie, portrait, pinceau, palette, montage, surréalisme, impressionnisme, fauvisme, cubisme, symbolisme, art nouveau, gouache, collage et frise, vous ne pouvez pas décrire l’art sans utiliser de termes français. Lorsqu’une musicienne « joue » en « harmonie » ou joue une « mélodie » avec « rythme », elle utilise des termes français. Au théâtre, les mots « metteur en scène », « auteur » et « scène » viennent aussi du français.

Et l’architecture serait impossible avec des mots empruntés au français. Une liste restreinte comprendrait l’allée, l’arcade, l’arc, la voûte, le voussoir, le beffroi, l’arc-boutant, le contrefort, la baie, le linteau, l’estrade, la façade, la balustrade, la terrasse, la lunette, la niche, le pavillon, le pilastre et la porte cochère, avant, comme le budget -architectes à court de place, nous manquons de place….

wknd@khaleejtimes.com



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