« Certains Américains chantaient sur le terrain »


Durant seize ans, il a baladé sa hargne, son abnégation et sa jovialité dans le microcosme du panier français. Yannick Bokolo (1,88 m, 36 ans) intègre généralement la catégorie des arrières/men les plus marquants des deux dernières décennies dans le championnat professionnel hexagonal. Un premier pas explosif, un défenseur désarmant et un état d’esprit irréprochable. C’est à Pau, au sein d’un des empires de la balle orange hexagonal, que le natif de Kinshasa (Congo) a décidé de mettre un terme à sa carrière en 2019, laissant derrière lui 550 matchs professionnels, un titre de champion de France (2006) embarquant deux Semaines des As (2006 et 2011), une Coupe et de France (2004) et une Leaders Cup (2013). Dans cette carrière aux trois confluents (Le Mans, Gravelines-Dunkerque et Pau-Lacq Orthez), coule un fleuve tricolore. Ses 91 sélections avec les Bleus témoignent de son importance au creux des générations Parker-Diaw et celle de Batum. Cette abondance de biens, dont l’une des aventures les plus mémorables restera les Jeux olympiques de 2012, à Londres. Le premier match face aux Etats-Unis de l’iconique Kobe Bryant, du légendaire LeBron James et du gracieux Kevin Durant, une phase de poules maîtrisée avant de céder en quarts de finale face à l’Espagne (66-59). De ces instants éphémères, Yannick Bokolo en conserve des souvenirs inoubliables. Il se confie à BeBasket.

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Yannick Bokolo aux JO de 2012 (photo : Bellenger/IS/FFBB)

Après votre fin de carrière, quelle a été votre reconversion professionnelle ?

Je travaille dans l’informatique. Je suis en freelance Word Press.

Commentaire se passe votre activité ?

Il y a des hauts et des bas. Je trouve des clients, pas de manière régulière, mais ça va.

La cérémonie d’ouverture des JO de Tokyo a eu lieu ce vendredi 23 juillet. Il y a neuf ans, vous pénétriez dans le stade olympique de Londres, devant 80 000 personnes. Qu’avez-vous ressenti ?

J’avais l’impression d’être devant ma télé. C’est bizarre, mais ça me mettait une pression de marcher. J’étais fier de représenter le pays. Je voyais les gens qui défilaient avec leur petit drapeau.

Quels souvenirs gardez-vous des Jeux olympiques en dehors du basket ?

J’ai eu la chance d’accéder à la finale du 100 mètres, avec Usain Bolt et de voir les handballeurs français. Dans le village, sur l’impression d’être dans un rêve. En croisant des personnalités, on se demande si on n’est pas dans un rêve.

« James Harden et Kevin Love ont généré un concours à 3 points »

Vous entrez dans le vif du sujet avec un premier match face aux Etats-Unis. Commentaire avez-vous abordéz la rencontre ?

Une fois qu’on entre dans la compétition, ça ressemble à toutes les autres compétitions internationales. On avait déjà rencontré les Etats-Unis en match amical. Cela restait un match comme un autre, même si l’adversaire n’est pas n’importe qui. C’était un match de poules, donc il y avait moins de pression. On tient pendentif trois quarts-temps avant de craquer. Leur talent a fait la différence.

Quels souvenirs vous reste-t-il de cette rencontre ?

Certains Américains chantaient sur le terrain. James Harden et Kevin Love ont tiré un concours à 3 points. On était dans une autre dimension. Lorsqu’on jouait contre l’Espagne, on savait que l’équipe était forte, mais les joueurs étaient fermés. Les États-Unis étaient complètement détendus, du début de leur échauffement jusqu’à la fin du match.

Kobe Bryant, Kevin Durant, LeBron James. Autant de stars réunies dans une seule équipe. Quelle impression donnaient-ils sur un terrain ?

On sentait une certaine classe, beaucoup de relâchement. Quand on était sur le terrain, on sentait qu’on pouvait rivaliser. Mais dès lors qu’ils accélèraient, ça devenait trop difficile pour nous.

Le fait d’être entouré de joueurs NBA, habitués à jouer face à ces joueurs-là, vous at-il permis d’appréhender ce match avec moins de tension ?

En début de match, j’ai été obligé de me reconcentrer. On était tous dans la même salle avant le début de la rencontre. Je voyais que tout le monde se connaît. Pas moi. Je les connaissais de nom, mais pas personnellement. C’est à ce moment-là que j’ai dû me reconcentrer pour éviter d’être spectateur et ne pas être à la télé. Lors du match, les joueurs NBA m’ont donné des conseils pour défendre sur (Russell) Westbrook et Chris Paul.

Vous étiez l’une des surprises de la sélection de Vincent Collet. Racontez-nous comment vous avez vécu votre convocation.

Je me souviens d’un match amical à Orléans. Dans ma tête, je me suis dit que je n’irais pas à Londres. Cela s’est joué sur le côté écoute et responsabilité. Vincent (Collet) savait qu’il pouvait compter sur moi. Les gens pensent souvent que la dernière place sera attribuée à une personnalité, mais les douze joueurs ne vont pas jouer quarante minutes. Il faut des basketteurs prêts pour de courtes missions.

Le match face à l’Espagne : « La tête était là, mais le corps et les jambes ne suivaient plus »

De la bonne humeur également.

Je m’entends très bien avec le groupe. Même si j’étais entre deux générations, je me sentais à l’aise.

Après le match face à Team USA, vous enchaînez deux belles victoires face à l’Argentine, championne olympique 2004, et la Lituanie. Débuter face aux Etats-Unis vous at-il retiré de la pression ?

C’était différent. Jouer contre les Etats-Unis nous a mis directement dans le bain. Sans manquer de respect à toutes les équipes, si on joue contre une équipe face à laquelle on est censé gagner, ça rajoute de la pression. C’est le début de la compétition, tout le monde est frais. Face à l’Argentine et la Lituanie, on was très concentrés.

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Yannick Bokolo en quarts de finale contre l’Espagne (photo : Bellenger/IS/FFBB)

Puis il y a le quart de finale perdu face à l’Espagne (66-59). Une désillusion pour votre équipe.

Je me souviens qu’il y a eu 3 à 4 minutes de flottement. Personne ne marque. Je pense que je n’ai jamais senti autant de pression dans ma carrière. Tout le monde ratait. Chaque panier était vraiment important. Cela se joue à peu.

Est-ce lié à un trop plein d’émotions ?

Non. On n’était pas en surrégime. La tête était là, mais le corps et les jambes ne suivaient plus. On s’est crispés à la fin de la rencontre.

Un complexe d’infériorité ?

Les Espagnols avaient clairement choisi de nous rencontrer en quarts de finale. On regardait le match pour savoir contre quelle équipe on allait tomber. Cela a remobilisé les troupes. On sentait un manque de respect. C’est pour cela qu’il y a eu un geste déplacé à la fin de la rencontre (Nicolas Batum a commis une grosse faute sur Juan-Carlos Navarro, NDLR).

Neuf ans après, est-ce que vous parlez encore avec vos anciens coéquipiers ?

Cela arrive si le sujet arrive sur la table. Mais j’essaie de garder les meilleurs souvenirs. La cantine, le village…

Ces Jeux sont-ils votre meilleure expérience en équipe de France ?

Très clairement. Il n’y a pas mieux comme expérience. A Londres, c’était un peu restreint par rapport à l’engagement sur l’environnement. Je n’imagine même pas ce que dois être les autres éditions, comme à Los Angeles. Une folie. Rencontrer les autres sportifs, être logé dans le même immeuble, c’était un rêve.

Vous avez côtoyé quelques joueurs de l’équipe de France actuelle, comme Nicolas Batum ou Nando De Colo. Suivez-vous toujours l’actualité des Bleus ?

Oui, je les suis. Les joueurs qui sont dans le groupe ont vécu plus de choses à l’étranger. Le contexte est très différent par rapport à 2012. Le Covid est passé par là. Je ne suis pas inquiet sur l’organisation, mais plus sur l’état physique des sélections. On l’a vu avec l’Euro de foot déjà.

Est-ce que vous échangez avec vos anciens coéquipiers ?

Cela peut m’arriver de communiquer avec eux. Mais on ne parle pas tellement de basket. Je suis resté comme j’étais basketteur professionnel. Lorsque je quitte le parquet, je préférais parler des choses plus personnelles.

L’équipe de France possède une équipe très complète sur le papier. Quelle opinion avez-vous de ce groupe ?

Sur le papier, c’est une très forte équipe. Mais pour moi, les plus grandes équipes de France sont celles qui ont gagné des titres, comme celle de 2000 avec Laurent Sciarra. Il n’y avait pas forcément de grands noms, mais c’était hyper fluide. Le plus important, c’est ce qu’ils arriveront à faire ensemble. C’est fini l’époque où il y avait quatre stars dans l’équipe. Tout le monde peut jouer dans les gros clubs. La génération actuelle est plus décomplexée. Elle est confrontée aux joueurs NBA tous les jours.

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