Besoin urgent d’échapper à la jungle technologique de la surveillance


L’enquête « Pegasus Project » a montré que le logiciel espion Pegasus développé par la société israélienne NSO Group est systématiquement utilisé pour une surveillance qui viole les garanties les plus fondamentales des droits humains. Le seul nombre de journalistes visés par cette technologie – près de 200 – confirme à quel point le secteur des technologies de surveillance échappe à la réglementation.

L’Arrangement de Wassenaar – qui est le principal accord multilatéral de contrôle des exportations de produits et de technologies à double usage et qui date de 1996 – s’est une nouvelle fois révélé largement insuffisant et inopérant.

Les raisons à cela sont multiples, à commencer par son domaine d’application, qui ne se limite pas à la technologie de surveillance et couvre tous les types de produits et technologies à double usage, et sa finalité qui est de les réglementer dans leur intégralité, en les traitant tous comme un, plutôt que de traiter chaque type séparément. Son champ d’application juridique est limité et il est dépourvu de tout mécanisme de contrôle indépendant. Il ne regroupe que 40 pays, qui n’incluent pas deux pays exportateurs à double usage, Israël et Chypre. Et il fonctionne par consensus, donnant à chaque gouvernement participant un droit de veto, ce qui encourage une réglementation minimale.

Le règlement 2009 de l’Union européenne sur le double usage a finalement été mis à jour au cours d’un processus laborieux achevé en mars et devrait entrer en vigueur en septembre. Inspiré de l’Arrangement de Wassenaar, et sans aucune influence sur les États exportateurs non parties au règlement, il ne suffira pas à combler les lacunes.

« La loi de la jungle ne peut plus prévaloir » a déclaré Iris de Villars, responsable du Tech Desk de RSF. « L’affaire Pegasus doit servir de déclencheur pour l’adoption d’un moratoire général sur les exportations de technologies de surveillance et pour entamer les travaux sur une réglementation internationale digne de ce nom.

Le 19 juillet, RSF a demandé aux gouvernements démocratiques d’imposer un moratoire immédiat sur la vente de technologies de surveillance jusqu’à ce que des garanties soient mises en place pour empêcher son utilisation abusive. Et le 21 juillet, RSF a exhorté le Premier ministre israélien à imposer un moratoire immédiat sur les exportations de technologies de surveillance jusqu’à ce qu’un cadre réglementaire protecteur soit mis en place.

L’annonce par le chef de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, le 23 juillet, de la création d’un panel pour examiner les licences d’exportation était un pas dans la bonne direction mais rien n’indique que cet examen unilatéral conduira à garantir qu’il n’en sera pas de même se reproduire à l’avenir.

RSF recommande l’élaboration d’un cadre juridique mondial pour réglementer les technologies de surveillance basé sur les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et prévoyant une adaptation aux législations nationales.

Des réformes législatives sont nécessaires dans tous les pays concernés afin d’imposer une obligation de diligence en matière de droits humains aux entreprises qui produisent et exportent cette technologie.

Les entreprises devraient être tenues d’identifier, de prévenir et d’atténuer les effets négatifs potentiels et réels de leurs activités et de leur chaîne de valeur sur les droits de l’homme, et de rendre compte publiquement et régulièrement des obstacles rencontrés et des mesures prises, avec la possibilité d’être tenues pénalement responsables si ils ne le font pas.

Les gouvernements devraient être tenus de publier au moins une fois par trimestre des informations sur les licences d’exportation de technologies de surveillance qu’ils ont approuvées ou refusées, et d’inclure des informations sur la nature de l’équipement, une description du produit, le pays de destination, l’utilisateur final et le utilisation.

Les gouvernements doivent également améliorer leur capacité à enquêter sur le contournement des contrôles à l’exportation lorsqu’il existe des motifs sérieux de soupçonner que des violations des droits humains ont été commises en utilisant la technologie de surveillance exportée.

RSF se joindra aux initiatives appelant à un moratoire et visant à entamer les travaux d’élaboration d’une réglementation internationale de ce type.

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